Le VLSFO franchit la barre des 1 000 $, les BAF suivent le mouvement

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Le prix du fuel à faible teneur en soufre, le VLSFO, a franchi la semaine dernière les 1 000 $ la tonne dans un contexte d’offre serrée et de stocks tendus. Le repli de la production russe et sa réorientation vers l’Est a accentué une situation mondiale déjà instable. Les surcharges carburant ont augmenté de 50 % depuis le début de l’année, frôlant les 600 $ par conteneur de 40 pieds. Et sur certaines routes, elles flirtent avec les 1 500 $. 

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février, la volatilité des prix du pétrole est une constante et il est peu probable qu’il en soit autrement dans les mois à venir. Début mars, un premier seuil avait été franchi lorsque les prix des combustibles de soute avaient dépassé la barre des 900 $ la tonne pour la première fois dans deux des plus grands centres mondiaux de soutage. À Fujairah, troisième plus grand port d'avitaillement mondial de navires, ils avaient alors atteint les 918 $ tandis qu’ils s’affichaient à 904,50 $ à Singapour, leader mondial du bunkering.  

La semaine dernière, selon Ship&Bunker, le prix moyen mondial du fuel à très faible teneur en soufre (VLSFO) –carburant le plus vendu depuis l’entrée en vigueur de la réglementation sur la teneur en soufre le 1er janvier 2020 –, a franchi la barre des 1 000 $ la tonne.

Les carburants marins se sont à vrai dire renchéris depuis la fin de l’année 2021 à mesure que le cours du pétrole se ressaisissait après une longue période d’hivernation due à la crise sanitaire.

Les sanctions contre la Russie et les tensions géopolitiques générales ont parachevé le travail en propulsant les deux principales références de pétrole – le Brent européen et le WTI américain – à leur plus haut niveau depuis 2014. En mars, le prix du Brent s’est élevé en moyenne à 117,2 $ le baril, soit une augmentation significative par rapport aux 63,54 $ un an plus tôt. En avril, il était encore à 104,9 $ en moyenne. La semaine dernière, autre phénomène rarement observé, le WTI et le Brent faisaient jeu égal, voisinant tous deux autour de 112 $. Sur un mois, le cours du WTI a progressé de 7,6 % contre 3,4 % pour le Brent. 

Prix des différents carburants marins dans le premier centre mondial et européen d’avitaillement des navires (extraits à partir des données Arrow, ©JMM)

Un écart qui se creuse entre les deux carburants les plus vendus

Le prix du VLSFO est si élevé que l'écart avec l’IFO 380, son équivalent à haute teneur en soufre (HSFO), a atteint le niveau record de 359 $ la tonne à Singapour (données de Arrow). Appelé Hi5, le différentiel de coûts entre les deux carburants était en revanche, à Rotterdam, le plus grand centre de soutage européen, deux fois moins élevé qu'à Singapour, à 184 $. Le Hi5 était resté en moyenne autour de 100 $/t depuis le début de l’année mais avec des pics à 263 $/t à Singapour en mars (après l’invasion de l’Ukraine) et en moyenne à 234 $ dans les 20 principaux ports, a relevé Ship & Bunker, référence de cette donnée. 

Selon le courtier Braemar ACM, l'écart s'est creusé depuis la mise en œuvre de l'OMI 2020. Si l’amplitude la plus notable a été enregistré au début de janvier 2020 (370,30 $), au lendemain de l’entrée en vigueur de la réglementation plafonnant la teneur en soufre, la moyenne s’est établie cette année-là à 96,60 $. 

En 2021, le Hi5 a augmenté de 20,4 % pour atteindre 116,3 $ en moyenne. Braemar estime pour autant qu’il devrait se fixer en moyenne à 189,4 $/t cette année, un niveau qui resterait élevé par rapport à celui des années précédentes. 

Resserrement de l’offre

En resserrant l'offre, les tensions géopolitiques expliquent en partie la situation. Le négoce de pétrole avec la Russie, bien que resté à l’écart des différents trains de sanctions, est dans les faits contraint par les difficultés à opérer des transactions financières en raison de l’exclusion de la Russie du système interbancaire Swift. La production russe a diminué d'environ 1 million de b/j au cours des derniers mois et les flux se sont réorientés de l’Ouest vers l’Est (Chine et Inde). 

« L'offre de produits pétroliers est serrée et les niveaux de stocks sont bas, surtout pour les produits plus légers comme les distillats moyens et l'essence », reconnaît Integr8 Fuels, société spécialisée dans la gestion des carburants marins. Pour le spécialiste, les raisons sont multifactorielles : elles tiennent à la fois de la forte demande en Europe (en partie pour remplacer l'offre russe), de la période de maintenance des raffineries, de la reprise de la demande d'essence aux États-Unis alors que les stocks sont faibles, de la forte traction sur les exportations de produits du Moyen-Orient, des achats importants d'essence et de gasoil à l'Est dans un contexte de stocks faibles... 

Tensions sur les prix 

 « Cela n'a fait qu'exacerber les pressions et les prix sur les marchés de l'essence et des distillats. Cependant, dans le même temps, cela a également affaibli le prix relatif du fuel à haute teneur en soufre », explique le bunker manager.

« Cette dynamique a surtout touché le marché de Singapour, avec des prix du VLSFO en hausse en raison de l'évolution du marché, mais aussi du fait d’une baisse anticipée des importations. À l'inverse, les prix du HFO ont chuté en raison des prévisions d'augmentation des importations, notamment des volumes russes qui se dirigent vers l'Est plutôt que vers l'Ouest. » 

L’Opep qui ne veut pas jouer les juges de paix

Aussi, en n’ouvrant pas omplètement les vannes pour ne pas froisser son partenaire russe (la Russie représente 23,6 % de la production totale de l'Opep+), l’Opep n’aide pas les Occidentaux, qui font pourtant pression pour que l'alliance pompe davantage de façon à faire tomber les prix.

Les représentants des treize membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs dix partenaires (Opep+) sont convenus le 5 mai d’une légère production mensuelle, à 432 000 barils par jour pour le mois de juin. Et elle sera déjà à la peine pour y souscrire : la réduction de la production de brut de l'OPEP+ (de 0,5 million de barils par jour hors Russie depuis février) ne relève pas d’une stratégie de groupe mais une conséquence des pertes de production dans certains pays (faute d’investissements ces dernières années) et de l'augmentation modérée de l'offre des pays disposant de capacités de réserve, à savoir l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït. La Russie ajoutera au déficit d'approvisionnement croissant du cartel.

Pour Integr8 Fuels, la situation est aggravée par le fait que les pays en mesure de fournir davantage de pétrole produisent généralement des bruts lourds et acides tandis que ceux qui accusent des déficits de production fournissent des bruts plus en phase avec la demande mondiale.  

Flambée des surcharges  

Inévitablement, le coût moyen du facteur d'ajustement des soutes (BAF, Bunker Adjustment Factor) est appelé à suivre le mouvement. Selon Xeneta, les surcharges carburant* dans le secteur du conteneur ont augmenté de 50 % en moyenne depuis le début de l'année, frisant les 600 $ par conteneur de 40 pieds (FEU). Sur certaines routes, comme entre Asie et la côte ouest-américaine, elles sont passées de 540 à 1 150 $ par FEU entre janvier et la mi-mai et de 650 $ à 1 450 $/FEU vers la côte Est. 

Le spécialiste des données sur les taux de fret estime que la part de la surcharge carburant dans le coût total du transport maritime s’établi autour de 13 %. Vers la côte Est des États-Unis, elle pèse plus lourd encore, représentant 16 % du tarif total en raison de la distance parcourue. 

Dans les trafics de retour, elles ont littéralement explosé depuis le début de l'année, de 245 % de la baie de San Pedro vers les ports chinois et de 128 % depuis les ports est-américains. 

Adeline Descamps

*L’indice de Xeneta incluse toute surcharge liée aux soutes, y compris, mais sans s'y limiter, les BAF, Fuel Adjustment Factor, Sulphur Surcharge... 

 

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