Le transport maritime de pétrole ne craint ni l'embargo européen ni le plafonnement du G7

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Alors que l’idée d’un plafonnement du prix du pétrole exporté par la Russie est évoquée par les membres du G7 – ce qui supposerait une interdiction du transport maritime de pétrole brut et de produits pétroliers d'origine russe dans le monde entier sauf pour le pétrole acheté en dessous d'un certain prix –, la mesure tout comme l’entrée en vigueur imminente de l’embargo européen seront favorables aux pétroliers, défend le Bimco. L’une des plus grandes associations d’armateurs a présenté ses perspectives ce 12 septembre pour le conteneur, le vrac sec et le pétrolier.

La semaine dernière, les membres du G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) semblait envisager sérieusement l’idée d’un plafond de prix pour le pétrole exporté par la Russie. Le principe consiste à appliquer une décote par rapport au prix du marché tout en le maintenant au-dessus du prix de production pour préserver une incitation à l'exportation. Finalité recherchée : limiter les ressources que la Russie tire de la vente d'hydrocarbures.

Le rapport du centre de recherche finlandais Centre for research on energy and clean Air (CREA), tout récemment publié, a affolé ses lecteurs. La Russie a engrangé 158 Md€ de revenus tirés des exportations d'énergies fossiles en six mois de guerre.

« On estime que les exportations d'énergies fossiles ont contribué pour 43 Md€ au budget fédéral russe, aidant à financer des crimes de guerre en Ukraine », ont asséné les auteurs. Sur cette période, l'Union européenne a été le premier importateur des énergies fossiles russes pour une valeur de 85,1 Md€, suivie par la Chine et la Turquie, fait-elle valoir.

En l’occurrence, le plafonnement proposé par le G7 viendrait s’ajouter à l’embargo progressif sur ses importations de pétrole et de produits pétroliers, dont l’entrée est vigueur est dans à peine une centaine de jours, le 5 décembre.

Des indices en croissance à deux chiffres

Sans que le mécanisme de fonctionnement de l’hypothétique nouvelle mesure ne soit vraiment connu, les analystes – et les rapports hebdomadaire des courtiers en témoignent – semblent penser qu’elle sera favorable à la demande de transport maritime.

Pour l’instant, la seule perspective de l’entrée en vigueur de la sanction européenne a déjà produit ses effets alors que les pays occidentaux (qui sont aussi les membres du G7) ont déjà limité, voire suspendu, leurs achats de pétrole russe, a observé l’association internationale Bimco, qui a présenté en visioconférence ses perspectives ce 12 septembre pour le conteneur, le vrac sec et le pétrolier.

« Depuis le début de l'année, les tonnes-milles des navires-citernes [augmentation des distances de navigation, NDLR] pour le transport de brut ont été en moyenne 5,1 % plus élevées que la moyenne de l'année 2021, et de 2,9 % pour le transport des produits pétroliers raffinés. Nous estimons que la croissance de la demande approchera les 5 % en 2022 et 2023 pour les deux marchés », assure l’organisation, dont les membres sont des armateurs de tous les segments du transport.

Le Bimco estime que le Baltic Exchange Dirty Tanker Index (BDTI) a été, jusqu'à présent cette année, en moyenne 86 % plus élevé qu'en 2021 (+ 58 % depuis le début de la guerre), et le Baltic Exchange Clean Tanker Index (BCTI) 113 % plus haut (+ 74 % depuis le 24 février). Les taux moyens d'affrètement à temps ont augmenté de 35 % pour les pétroliers et de 83,9 % pour les transporteurs de produits pétroliers (sur une base annuelle).

Révolution dans les schémas commerciaux

La modification des schémas maritimes une fois que l'interdiction de l'UE sur le pétrole et les produits pétroliers russes entrera en vigueur fin 2022/début 2023 devrait profiter encore davantage à la filière, défendent les exploitants de navires. « Une partie des volumes actuellement transportés par pipeline entre la Russie et l'UE viendra s'ajouter aux volumes transportés par voie maritime. La sanction européenne sur le pétrole et les produits pétroliers russes engendrera une croissance de la demande de 4 à 5 % pour les pétroliers de brut et de produits pétroliers en plus de l'augmentation du volume mondial ».

Les changements dans les habitudes commerciales de la Russie semblent plus compliqués à appréhender d’autant plus que Moscou ne faiblit pas dans ses revers. Le Kremlin a déjà réagi à la nouvelle menace du G7. Pour que le plafonnement ait un impact, encore faut-il que la Russie continue d'exporter vers les pays qui en ont adopté le principe. « En ce qui concerne les restrictions sur les prix, (...) nous ne livrerons simplement plus de pétrole ou de produit pétrolier aux compagnies ou aux pays qui imposent de telles restrictions », a tranché le vice-Premier ministre russe chargé des questions énergétiques, Alexandre Novak, cité par les agences de presse russes.

Deux millions de barils par jour à trouver

Si la Russie vend davantage de pétrole brut à la Chine, il est aussi plus difficile de savoir quels sont les pays importateurs qui vont en faire les frais depuis les ports chinois. Le courtier en pétroliers Poten, qui estime à 32 % la croissance de la demande en tonnes-milles générée par les importations européennes « en raison du remplacement de 500 000 barils par jour de pétrole brut russe dans les premiers mois de l'invasion de l'Ukraine », défend aussi un scénario haussier. 

Selon lui, près de 2 millions de barils de brut russe par jour sont encore exportés par l’UE actuellement. « Trouver d'autres sources d'approvisionnement pour ces volumes stimulera massivement la demande en tonnes-milles et les tarifs des pétroliers ». Il est plus catégorique sur les choix de la Russie : « elle essaiera de trouver d'autres clients, très probablement en Asie ».

Des incertitudes

« Bien que des incertitudes subsistent, tout indique un solide renforcement des marchés du brut et des produits en 2023, ainsi qu'une hausse des taux de fret, des taux d'affrètement à temps et des prix des navires d'occasion », résume Neils Rasmussen, analyste en chef du transport maritime chez Bimco.

Il existe en effet bien des incertitudes. De l’avis général, le projet de plafonnement n’a de sens que s’il est adopté par les grands clients de la Russie comme l'Inde ou la Chine, pour lesquels l’argument prix vanté et vendu par le G7 ne tient pas. Ils achètent déjà leur pétrole à prix décoté.

Les difficultés des raffineries à faire face à la baisse des quotas d'exportation et au contrôle des prix intérieurs jettent une ombre sur les perspectives enthousiasmantes du secteur. Mais le plus préoccupant demeure le ralentissement de l'activité économique en Chine qui devrait atteindre ses plus bas niveaux depuis 1990 selon le FMI. Selon le Bimco, la contraction de son économie a d’ores et déjà entraîné une réduction de 8,1 % de la moyenne des tonnes-milles depuis le début de l'année par rapport à celle de 2021. Sanction ou plafonnement, il pourrait y avoir tout simplement moins de pétrole à exporter.

Adeline Descamps

 

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