« Je signerai un accord avec la Roumanie pour permettre à l'Ukraine d'évacuer encore plus de céréales », a assuré lundi sur France Inter Clément Beaune, ministre délégué aux Transports. Quelques heures plus tard, c'était chose faite. L'accord, signépar Ionel Scrioşteanu, secrétaire d'État au ministère des Transports et des Infrastructures de Roumanie en présence de Vadym Omelchenko, ambassadeur d'Ukraine en France, vise à « conforter les corridors roumains et ainsi contribuer à fiabiliser l'exportation des céréales ukrainiennes », indique le communiqué du ministère.
Ces corridors ont été mis en place dès le mois de mars dernier, alors que le transport maritime avait été stoppé net par le conflit. Sur les six derniers mois, ils ont permis de sortir plus de 10 Mt de céréales en les acheminant d'abord par voie terrestre jusqu'aux ports de Roumanie et aussi de Pologne. Avec l'accord de lundi, la France apporte son « expertise logistique » pour optimiser les capacités roumaines et accélérer les exportations. Les destinataires sont les pays européens et ceux « en développement, notamment en Méditerranée, qui en ont besoin pour des questions alimentaires et presque de survie », a précisé le ministre.
Silos à dégager
Les exportations ukrainiennes par la mer, d'abord bloquées par l'invasion russe, ont repris depuis la mi-août grâce à l'accord signé le 22 juillet à Istanbul sous le parrainage de l'ONU et de la Turquie. Depuis, une centaine de vraquiers chargés de 2,1 Mt de grains ont quitté les ports d’Odessa, Yuzhnyi et Chornomorsk, traversé la mer Noire et ont été contrôlés à Istanbul. Cet apport a permis de stopper la flambée mondiale des cours des céréales. Mais même soutenu, ce rythme n'est pas à la hauteur des sorties d'avant le conflit et ne suffit pas à dégager les silos ukrainiens. Un pré-acheminement terrestre vers les pays voisins reste indispensable. Le nouvel accord signé conforte donc d'autres portes de sortie.
Dans le même temps, Vladimir Poutine s'agace de ces exportations ukrainiennes et assure que l'accord d'Istanbul n'est pas respecté. Alors que l'objectif de cet accord était d'éviter une crise alimentaire dans les pays en développement, le président russe soutient que les céréales sont surtout destinées aux pays de l'Union européenne et dénonce un risque de « catastrophe humanitaire » dans les autres pays. De plus, il reproche aux pays occidentaux les sanctions prises à l'encontre de son pays et qui réduisent ses propres exportations de céréales et d'engrais. Enfin, il signifie ainsi qu'il pourrait ne pas reconduire l'accord d'Istanbul, prévu pour une durée de 120 jours, ou à tout le moins exiger de le renégocier.
« Mensonges », répond l'Ukraine
La première accusation a aussitôt été réfutée par l'Ukraine, qui évoque les mensonges de Moscou. « Au total, les deux tiers des navires [partis d'Ukraine] sont dirigés vers l'Asie, l'Afrique et le Moyen-Orient », indique le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba. Parmi les clients, la Chine, l'Égypte, l'Inde, l'Iran, la Somalie, la Libye. « La seule raison de l'aggravation de la crise alimentaire mondiale cette année était et reste la guerre brutale déclenchée par la Russie, qui a bloqué les ports maritimes ukrainiens et détruit délibérément les infrastructures et la logistique agricoles. »
Toujours selon Dmytro Kouleba, seuls 36 % des céréales partent pour l'Union européenne. Et sur le premier mois, il s'est agi essentiellement de maïs. Les chiffres avancés par l'Ukraine sont d'ailleurs corroborés par le Centre de coordination conjointe basé à Istanbul.
Myriam Guillemaud Silenko
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