À l’issue des trois premiers mois, le n° 4 mondial du transport maritime conteneurisé est parvenu à dégager un résultat d’exploitation en hausse et un résultat net positif. Mais son chiffre d’affaires et les volumes transportés n’ont pas été épargnés.
Ses volumes transportés (4,93 MEVP) et son chiffre d’affaires (5,52 Md$ pour l’activité maritime) sont en baisse au premier trimestre, respectivement de 4,6 % et de 3,3 % mais le groupe affiche un résultat d’exploitation (Ebitda) en hausse de 24,9 %, à 973 M$ et dégage un résultat bénéficiaire, à 48 M€ ( après prise en compte d’une plus-value de cession des terminaux de 185 M$) contre une perte de 43 M$ au premier trimestre 2019. La marge opérationnelle est ressortie en hausse à 13,5 %.
Du point de vue des des flux, CMA CGM se trouve en phase avec la contraction de la demande mondiale de transport maritime qui, selon les sources, a chuté de 4,7 % au premier trimestre par rapport à la même période l’an dernier. La baisse de son chiffre d’affaires se trouve aussi dans la ligne du leader danois, qui a accusé une baisse de ses recettes de 3,2 % avec des volumes en revanche quasi stables. Outre la « solide performance opérationnelle et résilience de l’activité » revendiquée par Rodolphe Saadé, le PDG du groupe, ses résultats traduisent surtout une grande rigueur dans la maîtrise des coûts et une rationalisation de ses capacités pour s’aligner sur une demande en fond de cale.
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Stratégie de complémentarité logistique-transport
Le 4e transporteur mondial est embarqué depuis bien des mois dans un programme de réduction de coûts que l’acquisition de Ceva Logistics lui a en partie imposé. Le redressement du groupe de logistique, acquis par CMA CGM l’an dernier pour servir une stratégie de complémentarité logistique et transport maritime, n’est pas encore acté. Son chiffre d’affaires a progressé de 0,6 %, à 1,71 Md$, mais son résultat d’exploitation ajusté a encore perdu 4,9 %, à 137 M$. « La crise sanitaire a confirmé la pertinence de cette stratégie avec des solutions « de bout en bout », en intégrant de l'entreposage ou du transport aérien », a souligné Rodolphe Saadé lors de la présentation de ses résultats.
Le PDG du groupe fait sans doute allusion aux problématiques logistiques révélées par le Covid. Le verrouillage de nombreuses économies mondiales pour contenir la propagation de COVID-19 a exacerbé la congestion des ports et des terminaux et saturé les espaces. CMA CGM a notamment proposé à ses clients la possibilité de stocker temporairement leurs conteneurs dans des zones tampons jusqu’à ce que le réceptionnaire soit prêt à les recevoir à la destination finale prévue au connaissement. Quant au fret aérien, le service air-mer a connu aussi un regain d’intérêt. La faiblesse de l’offre aérienne avec la suppression des vols commerciaux, qui emporte 80 % du fret aérien, et la flambée des prix ont incité les chargeurs à basculer sur le transport maritime.
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Recherche de liquidités
En attendant, le groupe français a besoin de cash (dette annuelle de 18 Md$). Pour ce faire, il a notamment entrepris de se délester d’une partie de ses actifs pour renflouer ses caisses. Il a ainsi cédé un premier portefeuille de huit terminaux portuaires à Terminal Link pour un montant de 815 M$, tandis que la vente de deux autres installations, prévues par l’accord entre CMA CGM et China Merchants Port, devrait être finalisée d’ici à l’été 2020. Pour renforcer ses liquidités, l’armateur basé à Marseille a sollicité il y a quelques jours un emprunt bancaire d’un montant de 1,05 Md€ contracté auprès de son pool bancaire historique (HSBC, BNP Paribas et Société Générale) et garanti à 70 % par l’État français.
« Malgré l’incertitude qui pèse sur l’économie mondiale, nous prévoyons un deuxième trimestre en nette amélioration grâce à la discipline opérationnelle de l’industrie et à notre politique de maîtrise des coûts », a indiqué le PDG, qui ne s’aventurera sur la teneur du 3e trimestre mais anticipe une baisse des flux autour de 10 % sur le premier semestre. CMA CGM a jusqu’à présent désarmé une dizaine de navires (hors maintenance) et assure avoir maintenu sur les axes Asie-Europe et Asie-Amérique du Nord des capacités similaires à l’avant Covid-19.
Relocalisation stratégique
Quant à l’après Covid-19, Rodolphe Saadé, qui invitait il y a quelques semaines dans une adresse filmée à ses clients à reconsidérer les échanges mondialisés, croit beaucoup à un mouvement de relocalisation stratégique sous la forme d’une régionalisation des fabrications, comme en Asie du Sud-Est, en Afrique du Nord ou en Turquie. Un mouvement qui devrait favoriser le développement des trafics intra-régionaux au détriment des échanges transcontinentaux à la croissance plus modérée. Il ne considère pas pour autant que cette vision va à l’encontre de la tendance à mettre en service des porte-conteneurs toujours plus grands… à condition que ces derniers soient énergétiquement frugaux.
Adeline Descamps
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