Rodolphe Saadé esquisse une vision de « l'après Covid ​»

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Dans une vidéo à l’adresse de ses clients, le PDG du groupe CMA CGM expose quelques réflexions sur une chaîne logistique qu’il va falloir repenser « dans un mode plus résilient » et adapté pour un monde aux échanges internationaux « inévitablement » recomposés.

Quand la parole est rare, elle est inévitablement traquée. Quand elle est émise par ceux qui assurent le transport et la logistique des biens de consommation, et au premier chef celle des marchandises dises essentielles si précieuses en temps confiné, elle trouve ses récepteurs.

Il se sera exprimé deux fois en peu de temps. Dans un entretien publié le 6 avril dans Le Figaro, Rodolphe Saadé, PDG du seul armement français de porte-conteneurs et numéro quatre mondial, se montrait confiant sur le remplissage de ses navires à court terme, non sans cacher que la situation allait se tendre en mai, mais il semblait déjà vouloir poser les jalons d’une réflexion dont le secteur du transport et la logistique ne pourrait pas faire l’économie.

Il osait alors, sans doute de façon prématurée, prononcer des mots qui, il y a peu de temps encore, auraient eu un effet repoussoir. En glissant deux ou trois expressions : « mondialisation à outrance » , « commerce mondial plus équilibré », « relocalisation de la production de biens stratégiques », il s’attaquait incidemment à un dogme, celui qui a permis la fortune des roi des mers, les porte-conteneurs, et de ceux qui les arment. 

« Construire avec vous de nouveaux modèles de flux »

Dans une vidéo à l’adresse de ses clients, le dirigeant récidive et va même plus loin dans sa vision de « l’après » que tous écrivent déjà avec un A majuscule, comme il est d’usage pour les moments sacralises. Après les éléments de langage convenus sur la mobilisation totale et entière de l’entreprise pour maintenir opérationnel l’ensemble de ses services dans le respect de la protection de son personnel, Rodolphe Saadé enclenche, avec une certaine solennité, sur la sortie de cette période « aussi inattendue et complexe », qu’il espère très prochaine et « qui nous aura tous profondément marqués ».

« Cette crise sans précédent modifiera sans doute nos habitudes de consommation et notre façon de travailler. Elle nous amènera, vous comme nous, à réfléchir à de nouveaux modèles de la supply chain », interpelle le dirigeant. « Compte tenu de la dépendance actuelle à la mondialisation, les chaînes logistiques devront être repensées dans un mode plus résilient. Elles devront être en mesure de s’adapter plus rapidement à des changements de consommation brutaux. La digitalisation devenue essentielle aura un impact majeur tant sur les flux logistiques que sur la façon d’interagir entre nous. »

Filant son idée de relocalisation stratégique, il réitère : « Nous irons sans doute vers une recomposition des échanges internationaux avec une diversification du sourcing et le développement des trafics intra-régionaux », lesquels ont permis l’an dernier à la plupart des transporteurs du secteur de compenser les pertes de volumes sur les grandes lignes maritimes.

Conforté dans ses choix stratégiques 

Au Figaro, il avait eu l’occasion de dire que la crise actuelle le conforte dans ses choix stratégiques d’un transport plus respectueux de l’environnement. Il le redit en fin de son propos sans que l’on puisse conclure s’il considère cette « transition » comme une voie permettant de dépasser toutes les contradictions de la mondialisation. « Nous devons accélérer la transition énergétique et aller vers des modes plus respectueux de l’environnement », répète Rodolphe Saadé, qui a pris dans ce domaine un chemin – celui du GNL avec une vingtaine de navires en commande – diamétralement opposé à la plupart de ses homologues. Une erreur stratégique ? L’histoire se chargera de parapher ces choix ou le marché de les sanctionner. 

Dire que les propos de l’armateur français détonnent n’aurait pas beaucoup de sens. Il n’est pas le seul à vendre et vanter un monde plus vert. Il n’est pas non plus isolé dans sa vision d’une mondialisation éculée. Les détracteurs de la libéralisation internationales des échanges ont d’ailleurs retrouvé de la voix, à la faveur de cette crise sans équivalent, pour dénoncer les effets pervers d’un espace économique mondial de plus en plus intégré. Pour certains, les observations du dirigeant paraîtront même frappées d’une telle évidence qu'ils touchent aux confins de la naïveté. Mais les grands transporteurs maritimes mondiaux sont encore rares dans le landerneau à accepter d’ouvrir ne serait-ce que le débat. Ils se contentent pour l’heure de rassurer le client, qu’ils semblent confondre avec l’actionnaire, sur l’assise financière de leur entreprise, assurément « solide » pour affronter la crise et suffisamment « résiliente » pour en sortir plus forte encore…

Adeline Descamps

 

 

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