Conformément à ce qu'il avait annoncé le 25 novembre, le transporteur maritime de conteneurs vend dix de ses terminaux portuaires à China Merchants. L’opération va lui rapporter 968 M$, qui devraient être prioritairement affectés à son endettement.
À l’occasion de la présentation de ses résultats trimestriels le 25 novembre, CMA CGM avait indiqué qu’elle allait tailler dans ses actifs, à la fois de sa flotte et de ses terminaux portuaires, afin de soulager son endettement, exacerbé par l’acquisition du groupe de logistique et commissionnaire de transport suisse Ceva Logistics. Résultant de divers héritages (APL/Nol, Containerships...), CMA CGM contrôle 45 installations, via deux sociétés, CMA Terminals (32 terminaux), détenue à 100 % par CMA CGM, et Terminal Link (contrôlé à 49/51 % avec China Merchants Port). L’information n’en était pas une. Elle avait été largement éventée par Bloomberg dès septembre sans que les terminaux en question n’aient été identifiés. Si ce n’est toutefois que tous les regards s’étaient tournés vers China Merchants Port en tant que probable repreneur. Le conglomérat chinois et l’armateur marseillais sont associés dans l'exploitation des 13 terminaux de Terminal Link (2,8 MEVP en 2018). Le transporteur français lui avait cédé 49 % en 2013. Mais ils ont aussi d'autres liens, China Merchant Bank a financé une opération de cession-bail d'un montant de 648 M$ pour assurer le financement de huit navires de 9 300 à 10 800 EVP en 2016.
CMA CGM pourrait céder des terminaux portuaires
Le 25 novembre, CMA CGM avait délivré des précisions, en indiquant notamment que Terminal Link allait récupérer dix terminaux, financés « par une augmentation de capital de 468 M$ souscrite par China Merchants Port et un prêt qui sera converti dans 8 ans en augmentation de capital souscrite par CMA CGM ».
L’entreprise comptait en retirer 968 M$ d'ici mi-2020, produit qui sera prioritairement affecté au remboursement du crédit d’acquisition de CEVA Logistics. Plus largement, le transporteur maritime escompte retirer 1,3 Md$ d'ici mi-2020, à la fois de la vente de participations dans les terminaux portuaires et du lease-back de navires.
CMA CGM se déleste pour se renflouer
Le 20 décembre, CMA CGM a concrétisé, en signant un accord ferme avec China Merchants Port et en révélant leur identité. « Avec cette transaction, Terminal Link renforce son potentiel de développement et sa couverture géographique et le groupe allège sa dette et continue d’augmenter sa liquidité », indique CMA CGM dans son communiqué.
Il s’agit de Terminal d’Odessa (Ukraine), CMA CGM PSA Lion Terminal (CPLT) à Singapour, Terminal de Mundra (Inde), Kingston Freeport Terminal (Jamaïque), Rotterdam World Gateway (Pays-Bas), Gemalink à Cai Mep (Vietnam), Qingdao Qianwan United Advance Container Terminal (Chine), Vietnam International Container Terminal à Hô-Chi-Minh-Ville (Vietnam), Laem Chabang International Terminal (Thaïlande) et le Terminal d’Umm Qasr (Irak). L'armement français détenait 100 % des parts de deux d'entre eux (Umm Qasr et Odessa).
Dans le portefeuille cédé figurent quelques actifs stratégiques, notamment ses 49 % dans le terminal PSA Lion – CMA CGM à Singapour, les 30 % de Rotterdam World Gateway (Maasvlakte 2), et les 100 % de Kingston aux Caraïbes. À noter qu’il n’y a pas les 30 % de Kribi au Cameroun, pourtant évoqué.
En Asie, il cède en outre 24 % dans un terminal de Qingdao (parmi les 8 premiers ports mondiaux avec plus de 19 millions de conteneurs). En revanche, il a visiblement renoncé à se séparer de son terminal de Kaohsiung qu’il détient à 100 % (10 MEVP en 2018 et au 15e rang mondial) et qui faisait partie des supputations.
Cessions asiatiques
La filiale du groupe français se déleste en outre d’installations dans des pays sud-est asiatiques, ayant bénéficié ces dernières années d'investissements portuaires. Au Vietnam, notamment. CMA CGM cède ses participations dans deux terminaux, dont ses 47,3 % dans Vietnam International Container Terminal (VICT), première installation à conteneurs « moderne » d'Ho Chi Minh. Legs du Singapourien APL-Nol, il est situé dans le port historique de la ville. Le gouvernement a souhaité plus tard se doter de nouvelles capacités portuaires. La majeure partie du développement s'est alors située dans la région de Thi Vai - Cai Mep, dans une autre province (BaRia) que la capitale, « ce qui entretient quelques conflits de concurrence entre les deux régions », indiquait une note de l'Institut supérieur de l'économie maritime (Isemar) en date de 2014. Dans la décennie 2010, pas moins de six terminaux en eaux profondes y ont émergé, avec pour actionnaires, les représentants des principaux manutentionnaires internationaux, tel le hongkongais Hutchison (HPH), mais aussi le singapourien PSA ou APM Terminal/Maersk.
La seconde cession vietnamienne concerne les 25 % de Gemalink, terminal à conteneurs implanté sur le fleuve Cai Mep à Vung Tau. Celui-ci a connu du retard à l'allumage. Après sept ans de retard lié à la conjoncture économique, la construction du port en eaux profondes, développé par Terminal Link Cai Mep Terminal JSC, coentreprise entre Gemadept Corp. et le géant français du transport par conteneurs, a repris en février dernier. Non sans quelques actions cédées de parties prenantes entre-temps. Programmé sur 72 ha, il devrait disposer à terme d'une capacité annuelle de 2,4 MEVP.
En Asie, CMA CGM se détache également des 14,5 % de Laem Chabang. Le port thaïlandais approche les 8 millions de conteneurs. Ainsi que du terminal indien 4 à Mundra dans lequel il détenait 50 %.
La France, préservée
En France métropolitaine, CMA CGM, qui possède deux terminaux à Marseille (Med Europe et RORO Marseille, à 100 %) et plusieurs dans les DOM-TOM (Somarsig en Guyane, Pointe-à-Pitre et Fort de France, La Réunion où elle a installé son hub de l'Océan Indien), n’y a visiblement pas « touché ». La transaction devrait être finalisée au printemps 2020, sous réserve notamment de l’approbation des autorités de la concurrence et des organismes de régulation.
Pour mémoire, CMA CGM avait déjà cédé en décembre 2017 des terminaux pour se refinancer, notamment une participation de 90 % dans le Global Gateway South à Los Angeles, dont la compagnie avait hérité avec le rachat du singapourien APL. Rebaptisé Fenix Marine, le terminal a été vendu ensuite à EQT Infrastructure pour 875 M$.
Adeline Descamps