Quelques mois après la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne du Royaume-Uni de l’UE, consacrant le retour d’une frontière physique après 47 ans de transport sans coutures, le ropax et le shortsea continuent de se réorganiser. Les lignes bougent. Les services maritimes se déplacent. Les cartes se redistribuent entre les ports.
L’Irlande, seul pays qui partage une frontière avec le Royaume-Uni, est au cœur des enjeux de la phase de transition. Stena, DFDS, Irish Ferries, Brittany Ferries…s’y sont pressés, aménageant leur offre pour connecter directement l’île sans passer par le pont terrestre britannique de façon à rester à l'intérieur du marché unique et de l'union douanière. Le marché n’est pas négligeable. Chaque année, 3 Mt de fret en provenance de l’UE entrent en république irlandaise.
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Nouveau schéma de transport
Dans ce nouveau schéma de transport, quelques ports se distinguent d’ores et déjà bien que la situation reste mouvante : Rosslare, situé dans le sud-est de l'Irlande et deuxième plus important centre de fret du pays, propose déjà une petite trentaine de traversées par semaine de/vers l'Europe, contre une dizaine auparavant. La compagnie maritime suédoise Stena Line en fait le pilier d’un service ralliant trois fois par semaine Cherbourg, port normand qui devrait aussi tirer son épingle du jeu. Elle y a positionné son nouveau grand fréteur, le Stena Embla tandis que Cherbourg est déjà desservi par le Stena Estrid qui le connecte à Dublin.
La danoise DFDS s’est, elle, positionnée à Dunkerque avec un ropax vers Rosslare. Brittany Ferries a lancé le 19 janvier une rotation hebdomadaire rapide entre Cherbourg et Rosslare. À Dublin, le luxembourgeois CLdN a aménagé depuis quelques années déjà, en anticipation, des liaisons vers Zeebrugge et Rotterdam. L'opérateur islandais Samskip exploite un service conteneurisé entre Amsterdam et Dublin, contournant le pont terrestre britannique.
Irish Ferries va lancer un nouveau service sur la ligne Douvres-Calais
Calais-Douvres, passage court et lucratif
Dans ce remembrement, le Calais-Douvres demeure la route la plus lucrative en tant que passage le plus court. Nonobstant la concurrence du tunnel sous la manche (40 % de parts de marché sur le fret), la ligne est un terrain de jeu partagé entre la britannique P&O Ferries (groupe DP World) et la danoise DFDS, qui y règnent en maîtres depuis 2015, avec respectivement cinq ferries et trois ropax. La compagnie danoise a en outre ouvert en avril une liaison roro entre Calais et Sheerness.
Toutes deux voient grand. DFDS vient de se faire livrer d’un très grand fréteur, le Cote d’Opale. Avec ses 214,5 m de long pour 27,8 de large, le navire affrété à Stena dispose d’une capacité de 3 100 mètres linéaires de pont-garage, 160 voitures et 1 000 passagers, se revendique comme le plus grand opérant en Manche. P&O Ferries doit aussi recevoir deux nouveaux grands ferries de 230 m en 2023 et 2024.
Irish Ferries en trouble-fête
Or, le duopole se voit contrarier par l’irlandaise Irish Ferries qui se positionnera à son tour en juinsur le détroit avec son Isle of Inishmore alors qu’elle exploite jusqu’à présent des lignes entre le Royaume-Uni et l'Irlande et entre l'Irlande et la France.
Les deux opérateurs historiques n’ont pas tardé à réagir et viennent d’annoncer un partage de capacités qui doit débuter cet été sur l’artère commerciale vitale entre le Royaume-Uni et l'UE. « Le fret accompagné pourra embarquer indifféremment sur le navire disponible lorsque les chauffeurs arriveront au port de Douvres ou au port de Calais, quelle que soit la compagnie qui effectue la traversée. Les clients bénéficieront ainsi d'une plus grande flexibilité, avec un départ toutes les 36 minutes. Le temps d'attente au port sera réduit, ce qui leur permettra de gagner jusqu'à 30 minutes sur la durée totale de leur voyage. »
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Trois opérateurs sur le détroit
Si la capacité est partagée, toutes les activités commerciales restent cependant sous le contrôle de chaque opérateur, précise le communiqué conjoint. Le nouvel accord ne concerne que les véhicules de fret et ne s'applique pas aux trajets sur la ligne Douvres-Dunkerque, qui est exploitée uniquement par DFDS.
Trois opérateurs pour le détroit, un de trop pour ce trafic de 2,5 millions d’unités de fret ? Le marché se chargera de l’arbitrage.
Adeline Descamps