Une semaine seulement après son lancement, le nouveau ro-pax de Stena Line a été temporairement transféré de la ligne Belfast-Liverpool à celle de Rosslare-Cherbourg. D’autres mouvements s’observent. DFDS et Irish Ferries se positionnent. Brittany Ferries anticipe de deux mois un nouveau service. L’Irlande devient une pièce essentielle de la phase post-Brexit et Cherbourg s’affirme au coeur des développements commerciaux.
C’est la tectonique des plaques. Les lignes bougent. Des aménagements s’opèrent. Des ajustements s’observent. L’Irlande, seul pays qui partage une frontière avec le Royaume-Uni, est au coeur des enjeux de la phase de transition post-Brexit. Le marché unique représente un tiers des exportations irlandaises. Y accéder rapidement est essentiel.
Le Stena Embla de la compagnie suédoise Stena Line n’aura pas eu le temps d’éprouver sa nouvelle route. Une semaine après son entrée en service, un changement de cap est opéré brutalement. L’un des neuf E-Flexer (214 m de long et 27,8 m de large et une capacité de charge de 3 600 mètres linéaires) devait rejoindre son sistership, le Stena Edda, sur le Belfast-Liverpool. Finalement, il sera « temporairement » transféré sur le Rosslare-Cherbourg en complément du Stena Foreteller. Il assurera trois aller-retour par semaine.
Ce changement ferait suite à une baisse du trafic de fret en mer d'Irlande après le Brexit. Elle serait principalement due au surcroît de formalités désormais nécessaires ainsi qu'à une demande accrue de liaisons directes pour le fret accompagné par un chauffeur entre l'Irlande et le reste de l'UE. La congestion dans et autour du port de Douvres à partir de la mi-décembre pourrait aussi avoir pesé dans les statistiques dans la mesure où elle a incité les transporteurs à éviter le landbridge britannique. L'Irlande, membre de l'UE, a tout intérêt pour ses échanges avec le continent à contourner le Royaume-Uni, afin d’éviter les nouvelles formalités, les coûts élevés et les retards résultant du passage des marchandises par le Royaume-Uni.
Début de carrière pour le Stena Embla entre Irlande du Nord et Royaume-Uni
Effervescence autour de l’Irlande
L’irlandaise Irish Ferries a de son côté déplacé son plus grand ro-pax, le W.B. Yeats, qui assurait la liaison Irlande-Royaume-Uni (Dublin-Holyhead) sur le Dublin-Cherbourg pour répondre à la forte demande en croissance. Ce redéploiement a conduit au retour du ro-pax Epsilon affrété sur la ligne Dublin-Holyhead.
Autre témoignage de l’effervescence autour de l’Irlande, la compagnie danoise DFDS a lancé le 2 janvier un nouveau service entre Rosslare et Dunkerque à raison de six départs par semaine, avec le ro-pax Optima Seaway et les ferries Kerry et Visby (tous deux affrétés).
DFDS ouvre une liaison ferry entre Dunkerque et Rosslare
Brittany Ferries anticipe ses services
La capacité de transport entre la France et l’Irlande devrait encore s’étoffer. Dans ce contexte mouvant, Cherbourg pourrait s’avérer un port stratégique, au coeur des développements commerciaux. Avec deux mois d’avance sur le calendrier, Brittany Ferries lancera le 19 janvier une rotation hebdomadaire rapide entre le port normand et Rosslare avec le Cap Finistère (265 cabines, 2 000 mètres linéaires pour les véhicules de fret).
« L’avenir de Brittany Ferries passe par deux impératifs : un renouvellement de notre flotte et le renforcement de nos liens avec l’Irlande. Avec l’arrivée du Galicia en 2020 et celle du Salamanca au printemps de 2022, nous misons clairement sur de nouveaux navires flagship, plus ambitieux et plus respectueux des enjeux de la transition énergétique. Avec le renforcement de nos lignes vers l’Irlande, nous nous mettons du côté de ceux qui pensent que le Brexit peut être une opportunité, et pas seulement une contrainte », justifie Jean-Marc Roué, le président de la compagnie française.
Cherbourg sert par ailleurs de base au ferry Cotentin, réintroduit récemment dans la flotte de la compagnie bretonne après avoir passé sept ans dans la Baltique où il était affrété coque nue par Stena Line, mais cette fois pour desservir le Royaume-Uni dans le cadre d’un contrat de transport avec le gouvernement britannique. Craignant la congestion après la sortie du Royaume-uni de l’UE, l’exécutif a tenu à sécuriser des capacités de transport dans la phase de transition en contractant avec plusieurs compagnies dont Brittany Ferries.
Adeline Descamps avec la contribution de Robert Jaques