Après vingt-huit jours sans gouvernement au complet, le tour de table est ficelé depuis le 8 février à 20h00. Une quinzaine de ministres délégués et de secrétaires d’État sont venus compléter la première salve de nominations des 14 ministres de plein exercice, annoncés deux jours après l'arrivée de Gabriel Attal à Matignon, le 9 janvier.
Des personnalités d’apaisement pour éteindre les départs de feux. Un renouvellement des titulaires plus que de nouvelles recrues pour finaliser l’équipe gouvernementale. Un fond de jeu homme-femme. Des équilibres politiques préservés (quatre postes au MoDem, deux Horizons, une radicale de gauche)… Les commentaires bégaient depuis que les deuxièmes de ligne sont connus.
Les thématiques portuaire, maritime et logistique sont incarnées par trois visages dont deux font leur entrée tandis qu'une personnalité est reconduite.
La biodiversité revient à la mer
C’est d’abord la confirmation d’Hervé Berville, secrétaire d’État à la mer, depuis juillet 2022, maintenu à son poste et qui récupère la biodiversité, dont Sarah El Haïry était titulaire, également depuis juillet 2022. Cette dernière reçoit le mandat à l'Enfance, à la Jeunesse et aux Familles.
Le ministre délégué est très apprécié par la filière, pour sa réactivité sur les dossiers (dumping social), sa connaissance du secteur et sa capacité à s’emparer des sujets. Il voit son portefeuille s’étoffer avec le lourd dossier de la biodiversité, crise « jumelle » du changement climatique.
Il devrait être sous pression avec ce sujet. Le président Emmanuel Macron en a fait un de ses marronniers, dès 2021, avec comme marqueur, son discours devant le congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), à Marseille. À cette occasion, il avait alors annoncé, outre la tenue en France d’un sommet sur les océans « One Ocean Summit » en 2023 (le prochain à Nice en 2025), renforcement des zones de protection dans les eaux françaises de Méditerranée, portée à 5 % en 2027, contre 0,2 % actuellement.
La thématique Biodiversité a refait surface ces derniers jours sous l'effet du mouvement des agriculteurs avec, en bruits de fond, l’usage des produits phytosanitaires dans les champs (qu’il était question de réduire de 50 % d'ici à 2030) et l’accord commercial UE-Mercosur, conclu en juin 2019 et ses clauses miroir sur le plan climatique et de la biodiversité.
Stratégie de la biodiversité
En novembre, le gouvernement, alors dirigé par Élisabeth Borne, avait présenté en présence du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu (confirmé), et de la secrétaire d'État chargée de la Biodiversité Sarah El Haïry, l'ensemble des mesures de la troisième stratégie nationale de la biodiversité (SNB).
Parmi la quarantaine d'ambitions figure l’objectif de protéger 30 % des terres et des mers et de restaurer 30 % des écosystèmes dégradés, conformément à l’accord de Kunming-Montréal, adopté en décembre 2022 par la communauté internationale au cours de la COP15 Biodiversité,
Au rang des nombreux chantiers listés : le placement de 10 % des espaces terrestres et marins sous protection forte (contre 4,2 % en 2023), la mise en œuvre de l’objectif « Zéro artificialisation nette » à horizon 2050, du plan Ecophyto qui vise à diviser par deux l’usage des pesticides d’ici 2030 (malgré la prolongation de l’autorisation du glyphosate pour dix ans), la restauration de 50 000 ha de zones humides d’ici à 2026 et la lutte contre les espèces invasives et contre la pollution plastique...
La version finale de la stratégie intègre aussi l’objectif de « placer 100 % des glaciers sous un statut de protection forte » d’ici 2030 (annonce mi-novembre d’Emmanuel Macron lors du « One Planet Summit ») ainsi que la « lutte contre la pollution sous-marine ». Près d’un milliard d’euros doivent être consacrés à ces différentes mesures en 2024.
Aux Transports, un allié pour le port de Dunkerque ?
Quant aux transports, dont le renouvellement ne faisait aucun doute, Clément Beaune étant menacé pour ne pas avoir dissimulé sa franche opposition au projet de loi immigration, C’est Patrice Vergriete, qui fait son entrée.
Moins d’un mois après sa nomination à la présidence (éphémère) du conseil d’administration de l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transport de France), il obtient un ministère mais toujours sous la responsabilité de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique.
Ministre délégué au Logement de juillet 2023 à janvier 2024, dans le gouvernement d'Élisabeth Borne et sous la tutelle du Ministère de Clément Beaune, l'ancien maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine, est un homme divers gauche à l'origine (ex-PS, quitté en 2013, il rejoindra Emmanuel Macron en 2022).
Ce polytechnicien (Ponts, Eaux et Forêts) devrait être un allié naturel pour le port de Dunkerque, ces outils dont on dit qu'ils sont stratégiques pour la souveraineté du pays mais jamais cités dans les maroquins...
En l'occurrence, il a été un des artisans de l'installation des usines de batteries électriques de la start-up Verkor et du groupe taïwanais ProLogium si bien que le port nordiste est bien parti pour figurer parmi les destinations de prédilection de cette filière en émergence en France.
À l'outre-Mer
Enfin, à l’outre-Mer, émerge la députée macroniste issue de la droite de l'échiquier politique, Marie Guévenoux, qui avait adhéré tardivement, en 2017, au parti d’Emmanuel Macron quand il s’appelait encore « En Marche ».
Native d'Amiens, âgée de 47 ans, elle a été réélue en juin 2022 dans la neuvième circonscription de l'Essonne. Elle occupait depuis le début de la législature le poste convoité de première questeure de l'Assemblée, en charge des finances de l'institution.
Elle succède à Philippe Vigier (MoDem), profil qui avait été jugé clivant par les élus ultramarins dès son arrivée.
Adeline Descamps