L’année 2022 fut tellement exceptionnelle pour le groupe, dont les technologies permettent de transporter et stoker des gaz liquéfiés, que le premier semestre 2023 ne pouvait paraître que plus fade. Il n'en était pas moins attendu par la communauté financière de l’entreprise cotée sur Euronext.
« L'année la plus turbulente de l'histoire des marchés du gaz », comme l’a décrite l'Union internationale du gaz (UIG) dans son 14e rapport annuel sur le GNL, a frisé la crise d'approvisionnement dans la foulée du conflit entre la Russie et l'Ukraine.
La fermeture des vannes décidée subitement par Moscou a poussé les acheteurs européens à se tourner vers le marché du GNL pour pallier les approvisionnements par gazoduc de la Russie.
Les tensions sur la ressource qui s’en sont suivies ont fait flamber les cours et entraîné des changements dans les stratégies de sourcing. Autant de paramètres qui ont favorisé la demande de transport de GNL et dopé la construction de méthaniers. À fin décembre 2022, le carnet de commandes comprenait 332 unités (53,8 millions de m3), soit 49 % de la flotte existante de méthaniers.
Loin de sa performance semestrielle de 2022
C’est dans ce contexte que GTT a publié ses résultats pour le premier semestre de l’exercice 2023, affichant un carnet de commandes de 42 méthaniers, pour lesquels il faudra livrer les cuves de GNL entre le premier trimestre 2026 et le quatrième trimestre 2027, et d’un FLNG (unité flottante de GNL) en cours de construction chez le sud-coréen SHI pour une livraison au premier trimestre 2027.
La spécialiste française, qui équipe la quasi-totalité de la flotte mondiale de méthaniers, est loin d’égaler sa performance du premier semestre 2022 (88 commandes pour des méthaniers et 38 pour des navires à propulsion GNL).
Au 30 juin 2023, son carnet de commandes comptait 302 unités, dont 287 méthaniers, deux éthaniers, un FSRU (Unité flottante de stockage et de regazéification), un 1 FLNG et 11 réservoirs terrestres. Il faut y ajouter 69 autres pour équiper des navires alimentés au GNL carburant.
Un chiffre d'affaires de près de 2 Md€
L'ensemble correspond à un chiffre d’affaires de 1,95 Md€ sur la période 2023-2027 (343 M€ en 2023, 529 M€ en 2024, 600 M€ en 2025, 372 M€ en 2026 et 98 M€ en 2027).
L’an dernier, à la même époque, elle avait en portefeuille 229 commandes dont 210 pour les méthaniers et à 68 pour les navires propulsés au GNL, majoritairement des porte-conteneurs.
En revanche, contrairement à l’an dernier, le chiffre d’affaires semestriel est en hausse de 23,3 % par rapport au premier semestre 2022, à 177,8 M€, l’entreprise commençant à bénéficier des nombreuses commandes reçues en 2021 et 2022. Les échéances de livraisons entraînent un report de la comptabilisation des revenus.
En cette première partie de l’année, les redevances des méthaniers et éthaniers s’élèvent à 147,2 M€ (+ 30,6 %) en lien avec l’augmentation progressive du nombre de méthaniers en construction.
FSU et GBS en chute libre
Les FSU (Floating Storage Unit, unités flottantes) et les réservoirs terrestres (GBS) n’ont pas emprunté la même trajectoire. Avec 2,4 M€ de recettes commerciales, les FSU sont en chute libre de 76,3 % (la seconde et dernière unité en commande a été livrée au cours du deuxième trimestre).
Les GBS ne totalisent guère plus, à 2,5 M€ (- 54,4 %).
Explosion des équipements pour les navires au GNL
Pour ce qui est des équipements pour les navires propulsés au GNL, le chiffre d’affaires a explosé (+ 921,8 % à 11,5 M€), bénéficiant des nombreuses commandes reçues en 2021 et 2022.
Dernière manifestation en date, en juillet, GTT a reçu une commande du chantier naval chinois Yangzijiang pour concevoir les réservoirs cryogéniques de dix porte-conteneurs de très grande capacité propulsés au GNL. La livraison est prévue entre le deuxième trimestre 2026 et le premier trimestre 2028.
Capacité mondiale de liquéfaction de 478,4 Mt
« La demande de GNL reste particulièrement forte, comme l’illustre le nombre de contrats d’approvisionnement à long terme conduisant à de nombreuses décisions finales d’investissement pour de nouvelles usines de liquéfaction, et à des besoins additionnels de méthaniers », souligne Philippe Berterottière, le PDG de GTT.
En 2022, la capacité mondiale de liquéfaction a augmenté de 4,3 % pour atteindre un total de 478,4 Mt par an.
Les trois-quarts de la croissance ont été supportés par les États-Unis, ce qui leur confère la plus grande capacité opérationnelle de liquéfaction au monde (88,1 Mt/an).
En Europe aussi, de nouvelles capacités de regazéification ont été approuvées et certaines mises en service en un temps record en Europe à la suite du conflit russo-ukrainien. Vingt-six projets d'une capacité de regazéification consolidée de 104,5 Mt/an ont été enregistrés. Six d'entre eux ont été mis en service.
Quatre autres terminaux ont obtenu la décision d'investissement et sont en cours de construction, pour une capacité totale de 18,8 Mt/an, très majoritairement sous la forme de terminaux flottants.
Attentes sur Elogen
Quant à Elogen, revendiqué comme le seul fabricant en France d’électrolyseurs permettant de produire de l’hydrogène vert sur lequel GTT a jeté son dévolu en 2020, le chiffre d’affaires reste marginal (2,2 M€, + 26,2 %) dans les ressources du groupe.
Alors que les six premiers mois de 2022 s’étaient matérialisés par une progression de 68,7 %, l’ensemble de l’année s’est soldée par un retrait de plus de 6 %, à 4,7 M€. La direction anticipe « une accélération de la croissance du chiffre d’affaires au second semestre ».
L’Ebitda de l’activité reste en perte et s’est encore creusé (- 7,7 M€ contre - 4,8 M€ au premier semestre 2022 et - 14,7 M€ sur l’exercice 2022). Mais la direction maintient son objectif : l’équilibre est attendu à partir du milieu de la décennie.
Sa confiance s’appuie sur la dynamique commerciale de l’entreprise – le carnet de commandes s’établissait à 20,3 M€ au 30 juin, un niveau 3,5 fois supérieur à celui du carnet de commandes au 30 juin 2022 (5,9 M€) – et sur ses perspectives notamment dans les gigafactories. Elogen est elle-même partie prenante d’un projet de gigafactory à Vendôme (dans le cadre du PIIEC Hydrogène).
Trésorerie nette de 253,2 M€
In fine, le résultat opérationnel du groupe avant dotations aux amortissements sur immobilisations (Ebitda) atteint 104,2 M€ au premier semestre 2023, en hausse de 30,7 % par rapport au premier semestre 2022.
La marge du résultat d’exploitation sur le chiffre d’affaires s’améliore encore, à 58,6 % contre 55,3% au premier semestre 2022. Le résultat net ressort à 84 M€ contre 63,7 M€ il y a un an, dégageant une marge nette de 47,3 % contre 44,2 % au premier semestre 2022.
Au 30 juin, GTT disposait ainsi d’une situation de trésorerie nette positive de 253,2 M€.
Multiplication des concepts d'hydrogène liquéfié
L’entreprise, qui maîtrise le métier particulièrement complexe du transport du gaz liquéfié à -163°C, poursuit son ancrage technologique dans le domaine de l’hydrogène.
Après avoir obtenu deux AiP, l’une pour la conception d'un système de confinement pour l'hydrogène liquéfié (LH2) et l’autre pour la conception d'un hydrogénier, dans le cadre d’un accord avec Shell, elle a signé en avril un nouveau partenariat pour le développement d'un transporteur de très grande capacité (150 000 m3), cette fois avec TotalEnergies.
En juillet, GTT a par ailleurs reçu une approbation de principe de la part de ClassNK pour un autre concept de navire de transport d'hydrogène liquéfié.
Transporter de très grands volumes d'hydrogène nécessitera de le liquéfier à – 253°C afin de diviser son volume par 800 par rapport à l’état gazeux initial. Un défi technologique.
Confirmation des objectifs
GTT a confirmé ses objectifs pour l’exercice 2023, gageant sur un chiffre d’affaires compris entre 385 et 430 M€ et un Ebitda entre 190 à 235 M€.
Le conseil d’administration du 27 juillet 2023 a décidé de la distribution d’un acompte sur dividende de 1,85 € par action au titre de l’exercice 2023, payable mi-décembre.
Le groupe entend verser un dividende correspondant à au moins 80 % du résultat net consolidé.
Adeline Descamps
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