Le compromis proposé par l’actuelle instance de gouvernance d’Euronav aux deux principaux actionnaires, la famille Saverys et John Fredriksen, en leur offrant deux sièges chacun au sein du conseil du surveillance n’a pas fonctionné. Les Saverys restent fermes dans leur intention à révoquer l’ensemble de ses membres. L’assemblée générale extraordinaire du 23 mars devrait être animée.
Après une course époustoufflante pour monter au capital de l’exploitant belge de tankers, les instances de gouvernance sont désormais au coeur des enjeux des deux actionnaires à parts égales (25 %), à savoir la CMB contrôlée par la famille Saverys et Famatown Finance Ltd, la société qui gère les participations de John Fredriksen. La bataille pour le contrôle d’Euronav, sa stratégie et le choix des organes dirigeants, a repris avec vigueur dans la perspective de l’assemblée générale annuelle des actionnaires qui se tiendra le 17 mai. Avant cela, l’assemblée générale extraordinaire du 23 mars, convoquée à la demande de la Compagnie maritime belge (CMB), devra se prononcer sur la nouvelle composition du conseil de surveillance, à savoir le renouveler complètement ou le modifier.
En fonction de ces échéances, le directoire a adressé un courrier en date du 4 février aux actionnaires une proposition qui « respecte la structure actuelle de l'actionnariat » tout en offrant deux sièges chacun aux deux actionnaires majoritaires. La proposition a été immédiatement déclinée par Alexandre Saverys, président de la CMB, qui souhaite révoquer l'ensemble du conseil actuel tandis que John Fredriksen n’y a pas donné de suite.
Étrangement, la pomme de discorde des Saverys porte sur la gouvernance existante d'Euronav mais ne semble pas contester le droit à John Fredriksen de proposer ses propres représentants.
Fin de non-recevoir
Le compromis proposé pour tenter de maintenir l’équilibre du conseil de surveillance actuel dans sa représentatitivité ayant échoué, le directoire d’Euronav suggère aux actionnaires de voter contre les cinq résolutions proposées par la CMB parmi lesquelles la résiliation des mandats des membres « indépendants » (Anne-Helene Monsellato, Grace Reksten Skaugen, Steven Smith, Anita Odedra et Carl Trowell) ainsi que de rejeter la soumission visant à nommer les trois autres candidats de la CMB. « Il est important de noter qu’ils ne répondent pas aux exigences d'indépendance », ajoute Euronav dans son communiqué.
Il invite en revanche à adopter l’intégration de quatre membres, dont Marc Saverys et Patrick De Brabandere pour représenter la CMB et à John Fredriksen et Cato Stonex pour Framatown en vertu du respect de la représentation proportionnelle
« Le conseil actuel reflète une diversité d'expériences et de compétences. Chaque membre est indépendant au sens du droit belge des sociétés et du code belge de gouvernance d'entreprise et chacun a été sélectionné conformément à cette législation (...). Collectivement, les administrateurs historiques d'Euronav ont guidé l’entreprise qui lui ont permis de relever les opportunités et les défis posés par les cycles économiques prolongés de l'industrie des pétroliers », plaide la direction, qui voit dans ses derniers résultats une validation de sa gouvernance et de ses orientations stratégiques, y compris en matière de transition énergétique.
Une tout autre vision
Euronav, qui vient de publier les résultats financiers du dernier trimestre de 2022, a réalisé entre octobre et décembre son meilleur exercice depuis mi-2020, avec un bénéfice net de 234,7 M$ contre une perte de 71,4 M$ au quatrième trimestre 2021. Ces résultats ont été permis grâce à un taux de fret moyen nettement plus rémunérateurs sur le spot, passés en un an de 12 500 à 57 400 $ par jour pour les VLCC et de 11 300 à 57 800 $ pour les suezmax. Des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis 30 mois.
Ces derniers mouvements opérés dans le cadre d’une lutte d’influence sans répit entre ses deux principaux actionnaires interviennent avant la téléconférence de ce 15 février. Les Saverys ont prévu de présenter aux actionnaires leur projet et leurs arguments. Le président de la CMB, issu d’une famille d’armateurs, partage une autre vision pour Euronav qu’il souhaite inscrire dans des projets verts, en phase avec CMB Tech. La filiale du groupe belge développe des navires basés sur une nouvelle génération de carburants non fossiles.
Adeline Descamps