Déroutement des navires : y-aura-t-il du carburant dans les ports africains ?

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Soutage au port de Walvis Bay

Premier remplissage de VLSFO au port de Walvis Bay réalisé en février 2021. Le port est géré par l'entreprise publique Namibian Ports Authority.

Crédit photo ©Monjasa Namibia
Les questions de l'approvisionnement en carburant et des capacités de soutage des ports africains pour faire face à l'afflux de navires susceptibles d'être déroutés viennent compléter la longue liste des incertitudes qui accompagnent le déroutement des navires par le cap de Bonne-Espérance.

« La demande de combustibles de soute augmentera en raison des voyages plus longs et des vitesses de navigation éventuellement plus élevées », a lancé sur LinkedIn, tel un pavé dans la mare, Arne Lohmann Rasmussen, analyste en chef chez Global Risk Management. Pour cause, le cabinet de conseil, qui fournit des couvertures sur les marchés de l'énergie, est une filiale de Bunker Holding, l’un des grands fournisseurs de carburants pour le transport maritime avec Monjasa et World Fuel.

« On nous signale déjà une augmentation de la demande dans les ports africains, alors que les entreprises de soutage d'ARA [Amsterdam, Rotterdam et Anvers] et d'Asie sont moins touchées. Ce n'est pas surprenant car les navires (…) n'ont pas encore atteint l'Europe après le long voyage par le sud de l'Afrique », indique-t-il.

Selon les projections de Global Risk Management, la flotte croissante de navires appelés à prendre la route historique en raison du risque accru d'attaques à l'entrée de la mer Rouge entraîneront un allongement des voyages de l'ordre de 58 % entre l’Inde et l’Europe du Nord par exemple (+ 14 jours) et de 129 % du Golfe persique à la Méditerranée (+ 22 jours).

Une consommation supérieure de 250 à 420 t

La consommation d’un navire n’est pas une science exacte, de nombreux paramètres entrant en compte, à commencer par l’âge du moteur et la vitesse. Mais selon le cabinet d’analyse, un pétrolier de 115 000 tpl pourrait consommer de 250 à 420 t de plus avec les milles nautiques supplémentaires à parcourir. Sachant que les navires marchands brûlent 200 Mt de combustibles par an. « Cela pourrait entraîner un changement radical de la demande [de fuel dans la région, NDLR] », convient l’analyste du bunker.

En principe, les normes réglementaires sur les émissions de CO2, qui vont entrer en vigueur dans quelques jours, devraient inciter les transporteurs à « lever le pied sur le gaz ». En réalité, pour certaines catégories de navires comme les porte-conteneurs, l’approche du Nouvel an lunaire et de la peak season qui en découle, pourraient inversement les presser.

Le fuel bondit

Dans ces conditions, c’est le prix du combustible de soute qu’il faudra observer d’autant que Fujairah, aux Émirats arabes unis, figure parmi les premiers hubs mondiaux de soutage avec Singapour.

La fermeture des routes de Suez pourrait créer un mouvement de panique et donc de surchauffe des prix du bunker. Entre le 15 et le 21 décembre, le prix du VLSFO (fuel à basse teneur en soufre, le plus couramment acheté), est passé de 583 $ la tonne à 614 $ à Singapour et le pétrole a renchéri dans le même temps, de 75 à 79 $.

Au cours des trois mois de septembre à novembre, le carburant marin a fluctué entre 700 et 730 $ la tonne, puis a chuté brutalement à 662 $ avant les événements en mer Rouge.

Des ports non dimensionnés

Que ce soit pour l'avitaillement ou l'accostage (a fortiori si les compagnies y prévoient des escales pour le transbordement), les ports africains, longeant la route du Cap, ne sont pas dimensionnés pour accueillir une armada de navires dans les prochaines semaines. La pandémie aura démontré que la chaîne portuaire mondiale n'est pas prête à subir des chocs et à-coups.

Même les ports en eaux profondes, tels que Mombasa au Kenya et Dar es Salaam en Tanzanie, ne sont pas équipés pour gérer le trafic attendu.

Maersk a a répondu à cette question en indiquant que « dans la mesure du possible », le soutage se ferait à leur point d'origine ou de destination. Mais « si un ravitaillement en route s'avérait nécessaire », il serait décidé au cas par cas, Walvis Bay (Namibie) ou Port Louis (île Maurice) seraient alors les « meilleures options » a indiqué un porte-parole à Reuters.

Compte tenu des conditions météorologiques difficiles dans le cap de Bonne-Espérance –surnommé le « cap des tempêtes » –, et dans le canal du Mozambique, où les cyclones tabassent, les navires devraient « boire » un peu plus que de coutume.

Adeline Descamps

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