Cosco repasse devant CMA CGM à la faveur d’une commande  

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L’armateur chinois a dévoilé une commande de 1,5 Md$ pour dix porte-conteneurs. Grâce à cet ajout de 149 272 EVP, Cosco repasse devant CMA CGM dans le classement mondial, une place que l’armateur français lui avait ravie en début d’année. Alors que MSC est en passe de devenir le leader mondial, Maersk regarde ailleurs. Tous se jettent sur l’achat de navires. Pour le plus grand bonheur des constructeurs chinois et coréens.

La ligne de partage entre les numéros trois et quatre mondiaux est extrêmement ténue : 10 000 EVP ! Cosco affiche désormais 3 018 100 EVP tandis que CMA CGM est à 3 008 744 EVP.  En termes de commandes, les deux challengers, néanmoins partenaires de la même alliance maritime Ocean, sont aussi au coude à coude. Le français attend 41 navires, soit une capacité en attente de 512 041 navires, alors que le chinois a en commande 425 272 EVP répartis sur 22 navires (source : Alphaliner).  

Et Cosco n’a pas cherché à édulcorer ses motivations : le maintien de sa « position de premier rang », l'augmentation de ses capacités afin d’« accroître [son] avantage concurrentiel » et le positionnement sur de nouveaux marchés avec des navires de dernière génération, plus efficients sur un plan énergétique. 

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Course de fond haletante et harassante

C’est la tectonique des plaques depuis le début de l’année au sein des quatre premiers numéros du classement mondial. Ce n’est plus qu’une question de semaines (de jours ?) pour que MSC devienne le leader mondial en termes d’offres offertes sur le marché tandis que CMA CGM et Cosco jouent à la course de fond, alternant endurance et accélération. 

Avec des taux de fret qui ne s’interdisent plus rien, la moindre unité EVP est a fortiori un point de part de marché  

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Cosco, un bénéfice net de 5,7 Md$ au premier semestre 2021

Longtemps réservée à l’idée d’entrer dans la course à la capacité de ses partenaires de jeu, Cosco Shipping Holdings, la société mère de Cosco et OOCL, a réservé 10 navires auprès d’un chantier du groupe, Cosco Shipping Heavy Industries, basé à Yangzhou (40 navires livrés entre 2018 et 2020). 

Et elle se distingue aussi en misant sur des porte-conteneurs de taille moyenne, similaires au secteur sur lequel les affréteurs les plus actifs actuellement en achats de navires se concentre également. Seaspan en fait partie de façon notable.  

Quatre de ces navires auront une capacité de 16 180 EVP pour une valeur totale de 620 M$. Les autres sont des porte-conteneurs de 14 092 EVP chacun, représentant un investissement de 876 M$. Ceux-ci devraient être livrés entre décembre 2023 et septembre 2024 alors que Cosco ne pourra réceptionner les premières qu’après l’été 2025. 

Le transporteur public chinois indique qu'au moins 40 % de la commande sera financée par des ressources internes, les 60 % restants provenant d'emprunts bancaires. 

Cette commande intervient alors que Cosco Shipping Holdings vient d’annoncer qu'elle prévoyait un bénéfice net de 5,7 Md$ pour le premier semestre 2021, contre 139 M$ seulement il y a deux ans. Les bénéfices pour le premier semestre de 2021 devraient dépasser 27 Md$, nettement supérieurs aux bénéfices de toute l'année 2020. 

Premier trimestre 2021 : bénéfices (net)tement supérieurs dans la ligne régulière

557 navires commandés en six mois

Depuis la fin de l’année dernière, les armements de la ligne régulière sont gagnés par la fièvre acheteuse de navires. Le carnet de commandes totalisait au 30 juin 4,94 MEVP de contrats confirmés. Soit 557 navires dont 323 (2,67 MEVP) seraient le fait de compagnies exploitantes (54,2 % du total). 

Et juillet a déjà démarré avec des contrats portant sur des 7 000 EVP pour TS Lines (4 unités) et Seaspan (10), et d'autres commandes de navires de taille moyenne et grande seraient en préparation. 

Il y a ensuite celles sur lesquelles la spéculation va bon train  : on prête à ONE l’intention d’acquérir (indirectement, via des charte-partie avec des non exploitants) six navires de 13 000 EVP et 14 de 15 000 EVP mais aussi deux unités de 24 000 EVP supplémentaires alors que l’armateur japonais a déjà six mégamax en commande. Les 13 et 15 000 EVP pourraient être confiés aux chantiers de la coentreprise Cosco-Kawasaki de DACKS et NACKS, suppose Alphaliner. 

Evergreen, qui a 710 000 EVP en commande répartis sur 70 unités, pourrait dépenser à nouveau 1 Md$ dans la construction. En anticipation car le prix des chantiers navals augmenterait sérieusement, justifie la compagnie.  

La ligne conteneurisée dans la frénésie des achats de navires

Les compagnies se jettent sur les porte-conteneurs, Maersk regarde ailleurs

Finalement, ceux qui ne cèdent pas à l’envie d’EVP sont rares. Parmi eux, le leader mondial Maersk, qui demeure ferme dans ses positions et constant dans ses explications : sa flotte actuelle de 721 porte-conteneurs donc 307 en propriété qui lui offrent une capacité de 4,18 MEVP lui convient. Et pour cause : Soren Skou est l’homme-orchestre de l’approche en door-to-door, une stratégie d’intégration entre le fret maritime (Maersk) et la logistique (Damco). 

Maersk ne manque pas de liquidités, bien au contraire. Il dispose aujourd’hui d’un matelas de deux dizaines de milliards de dollars à consacrer à quelques opérations de croissance externe. « La rentabilité élevée a conduit à un ROIC [retour sur capitaux investis, NDLR] de 15,7 % et notre solide flux de trésorerie disponible nous permet de lancer un nouveau programme d’achat d'actions d'environ 5 Md$ au cours des deux prochaines années », avait même annoncé le dirigeant à l’issue de la présentation des résultats financiers du premier trimestre.  

Sans doute Maersk est-il aussi prudent, attendant d’être fixé sur la propulsion de demain, avant de se jeter à l’eau avec des navires qui seraient vite obsolètes. Il vient de tester une première commande avec un feeder au moteur hybride MDO/méthanolPour l’instant, il est résolument critique à l’égard du GNL, qui est pourtant en train de convaincre de plus en plus de compagnies dans le sillage de CMA CGM, qui a défriché le terrain.  

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Evergreen pourrait céder

Maersk n’est pas complètement isolé dans son indifférence à l’égard des 24 000 EVP. Alphaliner indique dans une de ses dernières notes que Yang Ming, le neuvième transporteur mondial, n’a aucun porte-conteneurs de cette taille en commande. Mais selon l’analyste « il pourrait finalement monter à bord du train avec des commandes pour un certain nombre d'unités de 24 000 EVP » Et il pourrait aussi s’agir d’une approche coordonnée avec un de ses partenaires de THE Alliance, qui réunit HMM, Hapag-Lloyd et ONE.  

Quoi qu’il en soit, si la totalité des contrats de l’ombre était confirmée, le carnet de commande pourrait s’étoffer d'un million d'EVP supplémentaires et ainsi atteindre les 6 MEVP, selon Alphaliner. Le ratio carnet de commandes/flotte atteindrait alors environ 24 %, seuil unanimement reconnu comme une barrière « psychologique » au-delà de laquelle la surchauffe menace. 

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Le marché de l’occasion aussi...

Parallèlement aux commandes, le nombre de navires ayant changé de main est un autre phénonème ayant marqué le premier semestre. Et il ne concerne pas que les porte-conteneurs (301 ont changé de propriétaire) mais aussi les vraquiers et les pétroliers.  

Selon Clarksons Research, les transactions ont totalisé 85 millions de tonnes de port en lourd (tpl), soit une hausse nullement surprenante de 131 % par rapport à premier semestre 2020 mais surtout plus du double de la tendance à long terme. À ce rythme, environ 8 % de la flotte pourrait changer de propriété en 2021. En général, environ 1 200 grands navires sont achetés et vendus chaque année et ce niveau avait déjà été atteint.

Le phénomène s’explique notamment parce que le nombre de navires « affrétables » est au bord de l’épuisement, les propriétaires de flotte ayant profité de la forte demande pour imposer leurs conditions, et parmi celles-ci, faire signer des chartes pluriannuelles.  

Les navires d’occasion deviennent une aubaine à la fois pour les transporteurs, dont les navires ne suffisent plus à éponger la forte demande, et les affréteurs qui ont rendu indisponibles leurs actifs pendant plusieurs années. En conséquence, les valeurs ont flambé et flirtent avec la limite du déraisonnable. L'indice Clarksons qui suit la valeur des porte-conteneurs d'occasion a bondi de 124 % au cours du premier semestre de l'année. 

Construction navale : la Chine et la Corée du sud accroissent leur influence

Pour le plus grand bonheur des chantiers navals 

Le tout profite aux chantiers navals. Les constructeurs chinois et coréens accroissent leur influence. Korea Shipbuilding & Offshore Engineering (KSOE), l’entité qui regroupe les chantiers navals coréens Hyundai Heavy Industries, Hyundai Mipo Dockyard et Hyundai Samho Heavy Industries, a annoncé le 14 juillet qu'elle avait signé jusqu’à présent 163 contrats d'une valeur totale de 14,8 Md$, soit 99 % de son objectif annuel.

Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME) a engrangé 6,13 Md$ de contrats, soit environ 80 % de l’ambition commerciale. Cette performance apparaît, aux yeux de certains analystes, comme une des raisons des retards de la fusion, qui ne serait plus urgemment pressante. Avec 51 navires totalisant 6,5 Md$, Samsung Heavy Industries (SHI) est à 3 Md$ de ce qui lui a été assigné pour l’année. 

Adeline Descamps

 

 

 

 

 

 

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