Les transporteurs maritimes de conteneurs sont manifestement confiants dans leur marché et dans l’ancrage de la profitable conjoncture dans la durée. Plus d'un million d’EVP d’occasion a changé de mains au cours des six premiers mois de 2021, soit la plus grande quantité d’unités jamais achetée et vendue sur une période de six mois, indique le spécialiste de la ligne régulière Alphaliner.
Entre janvier et juin, 301 transactions ont été contractées équivalant à 1 025 000 EVP échangés, a-t-il observé. L’assocation professionnelle Bimco ne dispose pas des mêmes données. Selon ses calculs, les transactions de porte-conteneurs d'occasion ont bondi de 103,7 % au premier semestre, au cours duquel 277 porte-conteneurs ont changé de mains. Au total, 922 203 EVP ont été échangés. Les feeders (2 100 - 2 999 EVP) sont de loin les plus plébiscités (167 unités, + 165,1 % par rapport au premier semestre de 2020) devant les post-Panamax (5 000 - 9 999 EVP), dont 54 ont été achetés et vendus au cours des six premiers mois de l’année pour un total de 289 636 EVP.
Quoi qu’il en soit, pour retrouver un tel étiage, il faut remonter au premier semestre 2017. Mais la période était particulière et biaisée et gonflée du fait de la vente de quelque 150 000 EVP par les créanciers de la défunte Hanjin suite à sa faillite. En moyenne, plus de 50 navires ont été vendus par mois cette année, avril se démarquant du reste du semestre avec 212 500 EVP ayant fait l’objet d’une transaction.
Nul n’est censé ignoré le contexte actuel particulièrement chaotique du transport maritime. Ces ventes sont motivées par la chasse aux navires dans un contexte où l’offre n’est pas suffisante pour répondre au boom inédit de la demande de transport. Ainsi, dix des douze derniers mois ont été rythmés par des ventes supérieures à 100 000 EVP, contre seulement deux au cours des douze mois précédents, a calculé le spécialiste de la ligne régulière.
La ligne conteneurisée dans la frénésie des achats de navires
Des taux d’affrètement en hausse de 286 %
Pourtant, la valeur des navires serait nettement surévaluée selon les courtiers bien qu’en deçà du coût d’affrètement. Le cas du S Santiago est emblématique de ce phénomène. Le porte-conteneurs de 5 060 EVP, propriété de Cyprus Sea Lines, a été négocié récemment entre 100 000 et 145 000 $/j pour un emploi de 80 jours. Un navire construit en 2006 que VesselsValue évalue à 38,48 M$. C’est dire qu’avec les 145 000 $, le propriétaire du porte-conteneurs affrété va récupérer en à peine quatre-vingts jours 11,6 M$, soit un tiers de sa valeur.
Le taux d’affrètement a augmenté de 286 % en un an et l’offre étant très serrée, les propriétaires de flotte peuvent dicter leur loi au marché en imposant des conditions qui leur garantissent des rentrées d’argent sur plusieurs années. Les armateurs se trouvent acculés à signer des contrats coûteux les engageant à long terme.
La flotte de MSC passe la barre des 4 MEVP
MSC en maître de cérémonie
Repéré depuis plusieurs mois pour son appétit vorace, MSC se distingue de ses homologues. La compagnie suisse a emporté 53 navires avalant 185 590 EVP sur le seul premier semestre. Elle s’est lancée en août 2020 dans sa course à la capacité et, depuis, pas moins de 72 unités – soit 289 950 EVP – sont passées dans son escarcelle. À elle seule, elle a absorbé 18 % du total des ventes du premier semestre en tonnages et en unités. Singulièrement dans des catégories inférieures aux 10 000 EVP.
Selon Alphaliner, la taille moyenne de ses emplettes s’établit autour de 4 000 EVP. Les 7 000 EVP ont en effet en ce moment toutes les faveurs du marché sans qu’aucun analyste ne se soit pour l’heure penché sur le phénomène pour l’expliquer.
Le numéro deux mondial de la ligne régulière a ainsi dépassé le cap des 4 MEVP. Avec 106 000 EVP d’écart, Maersk et MSC, partenaires au sein de l’alliance 2M, se disputent le leadership sur le trafic est-ouest en termes de capacités conteneurisées offertes. Le premier détient 16,9 % du marché mondial, talonné par le second avec 16,4 %. Au vu du famélique carnet de commandes du leader danois (46 000 EVP), l’inversion des places est imminente.
La consécration, HMM franchit le million d’EVP
Les vétérans ont la cote
Les navires acquis ont vieilli de deux ans ces six derniers mois (de 12 à 14 ans). C’est dire que les navires construits dans les années 1990 ont retrouvé les faveurs des acheteurs. Quant aux prix, ils s’envolent. Ainsi un porte-conteneurs de 1 700 EVP a trouvé preneur pour 21,5 M$ en juin alors qu’ils ne valaient que 7 à 8 M$ en janvier. Des panamax classiques de 4 250 EVP ont été acquis pour 46 M$ en juin alors qu’ils valaient 22 M$ début 2021. MSC a aussi acheté un navire de 20 ans de 4 992 EVP pour 50,5 M$, qui ne lui sera de surcroît pas livré avant le printemps 2022.
Alphaliner a, pour sa part, noté des ventes en bloc dont Global Ship Lease est manifestement gourmand : 7 unités de 6 000 EVP acquis auprès Zeaborn pour une valeur totale de 116 M$, soit 16,5 M$ l’unité, et 12 navires pour 233,9 M$ auprès de Boréalis, soit 19,5 M€ l’unité.
Le neuf aussi...
Au cours des six premiers mois de l'année, les exploitants de porte-conteneurs ont commandé 286 nouveaux navires pour un montant consolidé de 21,3 Md$ selon VesselsValue. En comparaison, mais sans véritable valeur documentaire, 32 navires ont été commandés au cours de la même période en 2020 pour un total de 1,9 Md$. Le montant des commandes du premier semestre dépasse celui de 2019 et 2020 réunies, atteignant le niveau le plus élevé depuis au moins vingt ans, assure l’expert des valeurs de navires VesselsValue.
Adeline Descamps