Un total de 85 millions d’euros, c’est le montant des 300 commandes avec réservation de créneau de production qu’engrange le pure player du camion électrique Volta Trucks pour 2023. À l’instar des constructeurs automobiles taclés par Tesla, les constructeurs traditionnels de véhicules industriels sont également mis au défi. Bref, le camion électrique devient une réalité même dans le transport frigorifique. « Comme l’exigent les Accords de Paris, nous visons, avec Renault Trucks, la neutralité carbone en 2050. D’ici là, nous comptons réduire la moyenne de nos émissions de CO2 sur un an de production de 25 % en 2025 et de 50 % en 2030 », souligne Jérôme Flassayer, directeur de l’électromobilité chez Volvo Trucks France.
Le transport réfrigéré parmi les priorités
« Depuis 2020, notre usine de Blainville produit des camions électriques à batterie en 16 tonnes 4x2, 19 t 4x2 et 26 t 6x2 pour les bennes à ordures ménagères (BOM), la distribution (dont le frigorifique) et la construction, précise Benoît Lombard, responsable produit chez Renault Trucks France. Elle offre depuis 18 mois une connexion directe du groupe froid, par la prise 600 V, sur les batteries de traction du camion. Nous avons commencé avec le groupe réfrigérant Syberia 11 de Carrier Transicold. Nous allons étendre cette autorisation à Thermo King en bi-température. » Sur le plan énergétique, l’intérêt est d’éviter ainsi une cascade de pertes de rendement.
Fait marquant, les constructeurs ne développent pas de partenariat particulier avec les carrossiers-constructeurs. : « Le client indique son partenaire et nous le contactons. En revanche, nos premières livraisons de fourgons électriques sont frigorifiques. Par ailleurs, au travers de notre captive Scania Rent, nous offrons des véhicules électriques en location sur 36 mois avec une caisse frigo. Des clients comme Franprix, par exemple, nous ont ainsi commandé des véhicules électriques », précise Gilles Baustert, directeur marketing et affaires publiques chez Scania. Côté capacité, la puissance des packs de batteries a quasiment doublé en deux ans pour à peu près le même poids : « Ils sont passés de 49 kWh en 2020 à 66 kWh un an plus tard. Aujourd’hui, nous sommes en train de sortir les packs à 94 kWh. Sachant qu’il consomme 0,75 kWh pour 100 km, un 16 t à 6 packs de 66 kWh, soit 396 kWh embarqués, fournit une autonomie de 528 km. La plupart du temps, les transporteurs se contentent de quatre packs. Du coup, nous étudions des configurations à trois packs », reprend Benoît Lombard.
Vers des gammes complètes de porteurs et tracteurs
Sur la même longueur d’onde que Renault Trucks, la société sœur suédoise mise également sur l’usine normande, du groupe à Blainville, dont la capacité annuelle est de 2 000 unités en formats petites et moyennes cabines (FL et FE) en 16 t, 19 t et 26 t en 4-2 et 6-2 pour applications urbaines et périurbaines avec des modèles adaptés au frigorifique. « En septembre dernier, nous avons aussi démarré la production de tracteurs 100 % électriques de 44 t avec les modèles FH et FM avec une première livraison le 22 décembre, fait valoir Jérôme Flassayer de Volvo Trucks. Du 16 t au 44 t, tous nos modèles électriques sont en fabrication. Cette gamme est unique sur le marché. L’autonomie atteint 300 km pour le tracteur et jusqu’à 350 km pour les porteurs urbains. »
Sur le créneau des utilitaires, Iveco mise sur son eDaily, conçu pour le transport réfrigéré, qui devrait être lancé d’ici mars. « Dès le départ, nous avons fait des tests avec des clients dans cette application. Le modèle le plus pertinent est le eDaily 4,250 t en roues simples et roues jumelées, offrant une charge utile supérieure par rapport aux versions diesel », explique Charlotte Roudovski, responsable des relations media d’Iveco France. Nous avons également créé une interface de partage d’énergie entre le véhicule et l’unité frigorifique, avec la mise à disposition d’une prise ePTO qui alimente directement l’unité frigorifique à partir des batteries du véhicule. » Conçue selon le standard des frigoristes, cette prise aide à couvrir les besoins des équipements réfrigérants (400 V et 15 kW de puissance) tout en assurant une autonomie jusqu’à 300 km (en cycle WLTP) avec trois packs de batteries (37 kW chacune). De quoi séduire Petit Forestier qui a commandé en septembre 2022 pas moins de 2 000 eDaily.
En gammes porteur et tracteur, même combat. Les constructeurs donnent aux carrossiers l’accès direct aux batteries à travers des prises de 600 V en courant continu ou 400 V en alternatif. « Mais l’enjeu, c’est d’anticiper l’énergie consommée par le groupe froid. Il faut alors s’intéresser aux besoins du client : combien de fois faut-il ouvrir les portes chaque jour, sachant que l’on consomme moins si on les ouvre une fois plutôt que vingt ? De même, le choix d’une caisse mono-température ou multi-températures impactera la consommation d’énergie. Il est également nécessaire de bien connaître les options des carrossiers, notamment en ce qui concerne les parois plus ou moins épaisses, avec isolant sous vide ou avec rideau d’air derrière la porte… », détaille Stéphane Boyajean, responsable technique pour les produits d’électromobilité chez Volvo Trucks France.
Pour sa part, Volta Trucks tente de faire évoluer le modèle économique du camion électrique. Fort de son partenariat de décembre dernier avec Heppner, en France le constructeur inaugure son offre « Truck as a Service » qui comprend la livraison de seize camions ainsi que l’installation des infrastructures de recharge associées. Lesquelles comprendront une gamme de chargeurs lents de 22 kW et de chargeurs rapides de 150 kW qui seront installés par Siemens, dont le partenariat avec Volta Trucks a récemment été annoncé. Un partenariat stratégique qui inclut les systèmes de contrôle logiciel, l’électrification des installations, l’infrastructure de recharge, la gestion de l’énergie, l’équipement des bâtiments et le financement de projets.
Pour sa part, la start-up parisienne Hyliko, créée en octobre 2021, va un peu plus loin. Comptant à son capital Kouros Investment, un fonds dédié à la décarbonation du transport routier de marchandises (TRM), notamment avec des solutions hydrogène, la jeune pousse veut fournir l’hydrogène vert, le véhicule, sa maintenance ainsi que le financement. Objectif : facturer l’usage au kilomètre. « Nous avons 350 lettres d’intentions et commandes », assure Lionel Bertuit, directeur mobilité de Hyliko. Originalité, Hyliko mise sur des camions rétrofités hydrogène. Le 1er février dernier, elle a dévoilé son premier camion à hydrogène sur la base d’un Renault Trucks T doté d’un réservoir de chez Plastic Omnium d’une capacité de stockage de 40 kg et une batterie de 60 kWh de Forsee Power. Pour l’heure, l’autonomie va jusqu’à 400 kilomètres. Cependant, la start-up compte augmenter la pression du stockage de 350 à 700 bars de sorte à étendre l’autonomie jusqu’à 900 kilomètres.