Avant 2017, il n’existait pas de procédure relative à la dénonciation d’un salarié qui commettait une infraction au Code de la route dans l’exercice de ses fonctions (au volant du véhicule de l’entreprise), ce qui pouvait conduire les employeurs à ne pas dénoncer leurs salariés pour que ces derniers échappent ainsi au retrait de points. Il arrivait même parfois que la personne morale paie l’amende en lieu et place du contrevenant. Ces procédés pouvant malheureusement inciter à la commission d’infractions routières, raison pour laquelle le législateur est intervenu afin de tenter de mettre un terme à ces pratiques.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, les employeurs ont l’obligation de dénoncer leurs salariés lorsque ceux-ci commettent une infraction au Code de la route avec un véhicule de société (1). S’ils ne le font pas, ils s’exposent à des poursuites et à une amende pour non-désignation du conducteur.
Dans quel délai et comment dois-je procéder à la dénonciation du conducteur ?
Lorsqu’une infraction constatée a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité de la personne physique qui conduisait ce véhicule.
Plus précisément, il devra, remettre à l’administration des éléments concernant le nom, le prénom et l’adresse du conducteur ainsi que son numéro de permis de conduire. Ces informations, seront à adresser directement soit par courrier en recommandé avec accusé de réception dans un délai de 45 jours, soit par voie dématérialisée, en se connectant sur le site officiel de l’Antai.
Qui est redevable de l’amende pour non-dénonciation de conducteur (le représentant légal ou la personne morale) ?
L’administration considère que ces dispositions s’appliquent à la personne morale et non à son représentant légal (2-3), ce qui explique que l’avis de contravention forfaitaire pour non-dénonciation soit généralement adressé à la personne morale et non au représentant légal.
Mais en cas de poursuites pénales devant le tribunal de police (hors cadre de la procédure de l’amende forfaitaire), la jurisprudence en vigueur considère que tant le représentant légal que la personne morale peuvent être poursuivis pour non-dénonciation (4).
Quel est le montant de l’amende encourue ?
Il convient de distinguer l’amende envoyée au représentant légal de la société ou à la société elle-même.
En cas de non-désignation, le représentant légal de la personne morale s’expose à une amende forfaitaire de 4e classe (135 euros). De son côté, la personne morale s’expose à une amende forfaitaire de 4e classe quintuplée, soit 675 euros (5x135 euros). (5)
Si vous procédez au règlement dans un délai de 15 jours, vous pouvez bénéficier d’une minoration (90 euros pour le représentant légal ou 450 euros si c’est la personne morale qui est poursuivie) et en cas de non-paiement, vous encourrez une amende forfaitaire majorée (1 875 euros pour la personne morale, 375 euros pour le représentant légal).
En cas de comportement réitéré, il ne sera plus fait application de l’amende forfaitaire mais des poursuites pourront être intentées devant le tribunal de police. Dans ce cas, le représentant légal de la personne morale encourt une amende pouvant aller jusqu’à 750 euros et le quintuple pour la personne morale, soit 3 750 euros.
Naturellement, il convient de préciser que ces amendes s’ajoutent à l’amende relative à l’infraction commise initialement (excès de vitesse…) et dont le représentant légal est pécuniairement responsable sur ses deniers personnels. En effet, le responsable légal, qui ne désigne pas le conducteur infractionniste, est personnellement débiteur du montant de cette amende (elle ne peut pas être payée par la société).
Le représentant légal de la société conduisait le véhicule au moment de l’infraction, doit-il s’autodénoncer ?
« Je pensais qu’en tant que représentant légal de la société, en payant l’amende pour excès de vitesse, je reconnaissais indirectement être l’auteur de l’infraction et que, de fait, je n’avais pas de dénonciation de conducteur à effectuer. »
Confusion récurrente et légitime à l’instar des libellés figurant sur les différents avis de contravention. Malheureusement, la jurisprudence a pu estimer que cette confusion ne permettait pas d’échapper aux poursuites, mais une réclamation gracieuse pourrait être formulée auprès de l’officier public ministériel en démontrant qu’il s’agit d’un cas isolé et en justifiant du fait que la société procède habituellement aux dénonciations du conducteur.
Si le représentant légal souhaite régler l’amende et reconnaître l’infraction en qualité de conducteur du véhicule, il doit donc s’autodésigner en fournissant son nom, sa date de naissance et son numéro de permis de conduire préalablement au règlement de l’amende. À défaut de s’autodésigner avant de procéder au règlement, le représentant légal et la personne morale pourront être destinataires d’un avis de contravention pour non-désignation de conducteur.
La dénonciation du conducteur n’a pas pu être effectuée car la société n’a jamais reçu l’avis de contravention initial. Que doit-on faire ?
Naturellement, dans un tel cas, des recours sont possibles. À réception de l’avis de contravention majorée pour l’infraction initiale, il convient sans attendre d’effectuer la dénonciation du conducteur (même si le délai initial de 45 jours est dépassé) et ce, sans attendre de voir si la société va recevoir ou non un avis de contravention pour non-dénonciation du conducteur.
En effet, même si cette dénonciation est opérée tardivement après l’envoi de la contravention initiale, elle démontre que la société a dénoncé le conducteur dès qu’elle a été informée de la commission de l’infraction.
À l’appui de ce justificatif de dénonciation, elle disposera d’un motif de défense pour contester l’avis forfaitaire de non-désignation du conducteur qui pourrait suivre peu de temps après…
En cas de double équipage, dans les véhicules non dotés de chronotachygraphe, comment cela se passe-t-il ?
Il faut savoir que désigner deux conducteurs pour une même infraction est considéré comme un défaut de désignation.
Une société de transport sanitaire avait un doute sur l’identité du conducteur au volant au moment de l’infraction et a donc procédé à la désignation des deux conducteurs qui étaient en binôme ce jour-là. Cette désignation n’ayant pas été prise en compte, la société a donc saisi la juridiction pour contester sa responsabilité. La Cour de cassation a été saisie du dossier et a estimé que l’événement de force majeure invoqué n’était pas irrésistible pour la société qui, bien que réglementairement tenue de constituer des équipages de transport sanitaire comprenant deux conducteurs, elle pouvait, dans le cadre de son pouvoir de direction et de contrôle, instaurer les procédures internes lui permettant de connaître les horaires de conduite individualisés des conducteurs de ses véhicules (6).
Dans pareille situation, il faut donc obligatoirement désigner le conducteur et lui seul, en tentant de s’enquérir de l’identité de l’auteur de l’infraction directement auprès des salariés concernés.
En définitive, il est fortement conseillé aux chefs d’entreprises de suivre la gestion des infractions au Code de la route et leur dénonciation dès réception de la première présentation d’un avis, soit initial ou majoré. Et en cas de doute, il ne faut pas hésiter à se rapprocher d’un professionnel du droit qui vérifiera les conditions de forme et de fond de l’infraction reprochée.
(1) Article L. 121-6 du Code de la route : « Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure. Les dispositions du premier alinéa du présent article sont applicables lorsque l’infraction a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation ou le détenteur est une personne physique ayant immatriculé le véhicule en tant que personne morale ; l’obligation prévue au même premier alinéa est alors réputée satisfaite si le titulaire du certificat d’immatriculation ou le détenteur du véhicule justifie, dans le même délai et selon les mêmes modalités, que le véhicule est immatriculé à son nom. Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. »
(2) Réponse ministérielle QE n° 01091 du 15 février 2018.
(3) Circulaire du ministère de la Justice n° JUSD1903115C du 29/01/2019.
(4) Cass. crim. 15 janvier 2019 n° 18-82.423.
(5) Articles R49 et 530-3 du Code de procédure pénale.
(6) Cass. crim., 26 janv. 2021, n° 20-83.913, 20-83.917, 20-83.918, 20-83.920.
Marjorie Estrade
Avocate spécialiste en droit des transports avec mention de qualifictaion en droit des transports routiers
Aarpi Adrena Avocats
marjorie.estrade@adrena-avocats.fr