Comment bien appliquer l’ex-TICPE

Article réservé aux abonnés

Dans un secteur du transport en pleine mutation, où la transition écologique et la compétitivité économique coexistent, le remboursement partiel de l’accise sur les produits énergétiques (ex-TICPE) pour les entreprises de transport apparaît comme une réelle bouffée d’oxygène.

Remis en cause en 2021 par la loi Climat et résilience, la suppression progressive de l’ex-TICPE a néanmoins été différée car elle est conditionnée à diverses mesures liées au verdissement du secteur des transports. Depuis cette date, les professionnels du secteur redoutent, chaque année, de voir apparaître dans le projet de loi de finances des dispositions visant à réduire de façon progressive un tel remboursement.

Au moment de la rédaction de cet article, il est à noter que le projet de loi de finances pour 2025, déposé par le Gouvernement le 10 octobre dernier, ne propose aucune mesure visant à réduire le remboursement partiel de l’ex-TICPE, sous réserve de modification. Il ne devrait donc pas y avoir de modification du principe de remboursement de l’ex-TICPE pour l’année à venir.

Qu’est-ce que l’accise sur les produits énergétiques (ex-TICPE) ?

L’accise sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons, est une taxe perçue par l’État sur les volumes vendus de ces produits et non sur leur prix de vente. Le taux de cette taxe est variable selon la région et est voté chaque année lors de la loi de finances, mais il peut faire l’objet d’une modulation en cours d’année en fonction des variations du cours du pétrole. Cette taxe représente environ 40 % du prix du gazole à la pompe. Une faculté est laissée aux entreprises de transport de solliciter un remboursement partiel de cette accise qui n’est pas de droit et qui nécessite donc une démarche de la part des entreprises de transport.

Quels sont les véhicules concernés ?

Tout véhicule respectant les caractéristiques suivantes : poids (PTAC) de 7,5 t ou plus, circulation sur la route (les engins du BTP type grues sont exclus), utilisation professionnelle du véhicule, immatriculation dans un pays de l’Union européenne, achat du gazole en France (le gazole acheté dans les DOM est exclu). Il s’agit des poids lourds de type tracteur routier (TRR) et de type camion (CAM) référencés dans les catégories N2 et N3. Le véhicule doit être muni d’une benne, d’une remorque, d’une citerne, d’un plateau ou bien d’éléments de fixation d’un conteneur.

Qui peut faire la demande de remboursement ?

Toute entreprise établie en France, dans un État de l’Union européenne ou en Irlande du Nord. Le demandeur du remboursement doit être dans l’un des cas suivants : propriétaire du véhicule pendant la période pour laquelle il demande le remboursement (son nom ou sa raison sociale doit figurer sur sa carte grise), titulaire d’un contrat de crédit-bail, titulaire d’un contrat de location.

Comment se calcule ce remboursement partiel ?

L’entreprise a le choix entre deux modes de calcul. Soit elle applique les taux régionaux. Dans ce cas, le remboursement est alors égal à la différence entre la TICPE totale et le taux plancher de 45,19 euros. Ce taux est ensuite appliqué au volume de gazole utilisé par l’entreprise. Par exemple, les achats de gazole en Occitanie peuvent donner droit au remboursement de 15,56 euros par hectolitre. Soit l’entreprise applique le taux forfaitaire. Pour pouvoir appliquer ce taux, l’entreprise doit avoir acheté du gazole dans au moins trois régions différentes. Le taux forfaitaire de remboursement est de 15,71 euros par hectolitre pour l’année 2024.

Comment faire la demande ?

La demande peut être effectuée mensuellement ou trimestriellement. Elle doit se faire par rapport à la consommation réelle de carburant et non sur une estimation de la consommation ou une moyenne de celle-ci. Elle peut être effectuée jusqu’au 31 décembre de la 2e année qui suit la période concernée, en ligne sur le site Internet de la direction générale des Douanes et Droits indirects, Sidecar Web.

Les factures d’achat n’ont pas à être jointes à la demande de remboursement. Cependant, elles doivent être conservées pendant trois ans et communiquées sans délai en cas de contrôle par l’administration des douanes. En effet, et pour mémoire, les mauvaises déclarations de l’ex-TICPE constituent une contravention de seconde classe et le délai de prescription de l’action de l’administration des douanes en répression des contraventions se prescrit par trois années révolues (articles 411 et 351 du Code des douanes), selon les conditions de droit commun.

Quelle quantité de gazole ouvre droit au remboursement ?

Sont éligibles au remboursement partiel de la TICPE les quantités de gazole réellement consommées par chaque véhicule. Autrement dit, l’entreprise de transport doit déclarer sur une période concernée la réalité des approvisionnements successifs. Toute méthode de calcul des consommations par véhicule basée sur une estimation de consommation moyenne est contraire à cette obligation. En cas d’achat en gros de gazole par une entreprise disposant de ses propres cuves, seul le volume utilisé par les véhicules au cours de la période ouvre droit à remboursement. En cas de partage d’une cuve : seul le carburant acquis et consommé par les véhicules de l’entreprise sera éligible au remboursement.

L’entreprise qui sollicite le remboursement partiel de la TICPE a l’obligation de conserver par véhicule plusieurs documents. Cela inclut les factures d’acquisition de gazole destinées aux véhicules ouvrant droit au remboursement, lesquelles doivent indiquer la mention du lieu d’achat du carburant, la nature du carburant, le volume acheté et l’identification du véhicule. Les relevés de sorties de cuve privative doivent aussi être conservés. À noter que la facture d’achat du gazole destiné à une cuve ne permet pas de justifier la consommation. L’entreprise doit fournir la liste détaillée des approvisionnements et le volume de gazole concerné. La présence d’un volucompteur sur la cuve et l’existence d’un document de suivi des approvisionnements sont préconisées. Doivent aussi pouvoir être présentés les relevés de chronotachygraphe, les documents tels que les lettres de voitures, les licences communautaires et les contrats de location, mais aussi les certificats de vente, de destruction, de déclarations d’exportation pour tout véhicule dont les consommations sont incluses dans la demande.

Comme mentionné, ces documents doivent être conservés pendant trois ans et présentés à première réquisition du service des douanes. Comme indiqué précédemment, le remboursement partiel de l’ex-TICPE n’est pas de droit pour les entreprises de transport qui doivent se conformer rigoureusement aux conditions précitées. L’administration des douanes est compétente pour procéder au contrôle des entreprises qui ont bénéficié de ce dispositif. Elle considère que l’absence de justificatif ou la présentation de justificatifs faux, falsifiés, incomplets ou inapplicables entraîne l’exigibilité immédiate du montant de la taxe intérieure qui aurait été indûment remboursée. Sans compter le fait que de tels manquements peuvent également être sanctionnés par une contravention douanière de seconde classe (article 411 du Code des douanes).

Comment se déroule le contrôle ?

Le service des douanes adresse un courrier informant du contrôle, précisant les périodes contrôlées et sollicitant les justificatifs nécessaires. Le premier réflexe à adopter est donc de vérifier que la période contrôlée soit conforme au délai de prescription susvisé. Le cas échéant, il convient d’adresser au service l’ensemble des justificatifs sollicités. À l’issue de ce contrôle sur pièces et si le service des douanes considère qu’il y a eu des irrégularités ayant eu pour conséquence d’éluder ou de compromettre le recouvrement de ces droits, le service des douanes peut convoquer l’usager à une audition libre.

L’audition libre organisée par le service des douanes est régie par les dispositions du Code de procédure pénale. L’usager dispose de certains droits qui doivent lui être indiqués et retranscrits dans le procès-verbal, à savoir : le droit de quitter à tout moment les locaux ; le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire ; et la possibilité de bénéficier de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit.

L’audition libre est sollicitée par le service des douanes lorsqu’il dispose de raisons plausibles de soupçonner l’usager d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction douanière et qu’il souhaite l’entendre sur ces faits dans le cadre d’une audition formelle : questions/réponses. Dans le cadre d’un contrôle TICPE, et comme précédemment indiquée, l’infraction visée est celle prévue par l’article 411 du Code des douanes, à savoir une infraction aux dispositions des lois et règlements que l’administration des douanes est chargée d’appliquer lorsque cette irrégularité a pour résultat d’éluder ou de compromettre le recouvrement d’un droit ou une taxe quelconque.

La sanction prévue par le Code des douanes est une contravention douanière de 2e classe (article 411 du Code des douanes), soit une amende comprise entre une et deux fois le montant des droits et taxes éludés ou compromis. Sans compter le fait que l’administration peut mettre en recouvrement le paiement des sommes (action dite « civile ») que le service des douanes considérera comme indûment perçues (art 377 bis du Code des douanes).

In fine, les conséquences d’une mauvaise déclaration peuvent donc être très lourdes pour les sociétés de transport (sanction pour infraction douanière et recouvrement des sommes indûment perçues). À l’issue de l’audition libre, le service des douanes établira un procès-verbal de constat, lequel sera annexé à la procédure et opposable à l’usager.

Lors de cette audition, le service des douanes demandera, à titre d’exemple, à l’usager s’il a utilisé une méthode de consommation moyenne, ce qui est proscrit. Étant précisé que les déclarations de l’usager constituent une preuve irréfutable d’aveux dans le cadre de l’enquête diligentée, il y a donc lieu d’être prudent et d’être assisté. Suite à son enquête, le service des douanes adressera à l’usager un procès-verbal de résultat d’enquête faisant état de la procédure en cours, des incohérences relevées et des sanctions envisagées.

L’usager dispose d’un droit d’être entendu prévu par les articles 67 A à 67 D du Code des douanes. Lorsque celui-ci est écrit, l’usager dispose d’un délai de trente jours pour y répondre. Il a également la possibilité, avant toute notification d’un procès-verbal d’infraction, de demander à rencontrer le supérieur hiérarchique direct des agents qui ont réalisé le contrôle. La fin du contrôle se concrétise soit par la notification d’un procès-verbal d’infraction, soit par l’envoi d’un avis de fin de contrôle signé par le supérieur hiérarchique direct des agents ayant effectués ce contrôle.

Comme indiqué, si l’administration douanière considère que les manquements sont avérés, les conséquences peuvent être très importantes pour les sociétés (mise en recouvrement des sommes indûment perçues et contravention douanière de 2e classe, équivalente à une ou deux fois le montant total des droits éludés).

Comment anticiper le contrôle et réagir pendant celui-ci ?

Quelques préconisations en amont du contrôle :

• conserver les pièces justificatives à l’appui de la demande de remboursement partiel de TICPE ;

• mettre en place un process interne permettant de déterminer avec certitude le gazole affecté et utilisé par chaque véhicule (carte carburant pour chaque véhicule, logiciel de suivi de consommation de la cuve pour chaque véhicule, logiciel de suivi de consommation de carburant sur les véhicules…) ;

• ne jamais déclarer des moyennes de consommation.

En cas de contrôle :

• faire appel à un conseil dès la réception du courrier informant du contrôle ;

• se faire assister lors des auditions et globalement lors de tous les échanges écrits ou verbaux avec l’administration des douanes.

Quelles sont les suites du contrôle ?

En cas de procès-verbal de notification d’infraction, le service des douanes adressera à l’usager un avis de mise en recouvrement sollicitant le remboursement des sommes qu’il considère comme indûment perçues. L’usager aura la possibilité :

• de contester la position du service des douanes par le biais d’une réclamation contentieuse dans un délai de trois ans à compter de la notification de l’avis de mise en recouvrement, adressée sur papier libre au comptable des douanes qui a notifié l’avis de mise en recouvrement (article 356 du Code des douanes) ;

• de solliciter un sursis de paiement sous réserve de constituer des garanties que le service des douanes considère comme suffisantes ;

• s’il ne conteste pas le fond, de solliciter des délais de paiement ;

• de faire des déclarations rectificatives concernant les années non prescrites lorsque le service des douanes rejette tout en bloc alors que l’usager dispose de certains justificatifs.

En parallèle, l’administration pourra également transmettre un PV d’infraction, en vue de voir condamner la société à une contravention de 2e classe telle que prévue par l’article 411 du Code des douanes (sanction pouvant aller d’une à deux fois le montant total des sommes indûment perçues).

En conclusion, le remboursement partiel de l’accise sur les produits énergétiques (ex-TICPE) constitue un soutien vital pour les entreprises de transport. Bien que ce dispositif offre une aide précieuse, il n’est pas de droit et nécessite une grande vigilance de l’entreprise lors de l’établissement des déclarations. Les demandes de remboursement sont effectivement soumises à des conditions strictes et à un contrôle renforcé de l’administration des douanes. Les entreprises doivent donc faire preuve de vigilance et de rigueur lors du dépôt de leur demande de remboursement partiel, mais aussi dans la conservation des documents requis, et ce, afin de garantir leur éligibilité à ce remboursement. En anticipant les contrôles et en adoptant les bonnes pratiques, elles pourront éviter toute remise en cause des remboursements perçus par l’administration des douanes dans un environnement réglementaire en constante évolution. L’importance d’un accompagnement juridique et technique dans ce processus ne saurait être sous-estimée.

Cas concret

Une entreprise de transport routier de marchandises s’approvisionne en gazole routier de marchandises dans les conditions suivantes :

• 700 litres en Normandie ;

• 1 500 litres en Occitanie ;

• 800 litres en Bourgogne-Franche-Comté.

Sur la base d’un prix moyen de 1,621 euro/litre, la société a déboursé la somme de 4 863 euros pour les 3 000 litres de gazole répartis comme suit :

• 810,50 euros de TVA ;

• 1 822,50 euros de TICPE ;

• le solde, soit 2 230 euros de produits et autres taxes.

L’entreprise pourra prétendre, toute condition réputée acquise, au remboursement partiel de la TICPE à hauteur de 471,30 euros (soit environ 25 % de la TICPE).

Social

Pratique

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15