« Pour moi, monter une ligne, c’est comme jouer à Tetris : je place mes moyens sur les cases vides… jusqu’à ce que ça matche. » Dans ce jeu cité à titre d’illustration par Delon Mira, chargé d’études de BH Groupe – transporteur basé à Corbas (69) –, chaque ligne complétée en déplaçant des pièces de formes différentes rapporte des points. Or pour TBH, Chipier, SLT et SJT, les quatre sociétés de BH Groupe, le but est identique : « rapporter », en l’occurrence de la valeur.
« Lorsqu’un client nous demande une nouvelle ligne, explique-t-il, je pars d’une page blanche. Je rassemble toutes les ressources nécessaires pour apporter une réponse ajustée. C’est là où il y a optimisation, car je cherche à limiter au maximum les coûts opérationnels pour permettre un rendement optimal. » Sur les cases de son Tetris imaginaire, il pose les véhicules et les conducteurs disponibles, mais en les croisant avec l’état des temps de conduite et de repos de ces derniers, le type d’habilitation ADR dont ils disposent, s’ils travaillent de jour ou de nuit, en courte ou en longue distance, etc. Or, dans ce groupe de plus de 600 conducteurs, 1 000 cartes grises et quelque 450 lignes de transport, « faire matcher tous les éléments est impossible de tête », précise Delon Mira.
Il s’appuie donc sur de nombreux outils. D’abord le TMS, bien évidemment : celui-ci « a été développé en interne, ce qui me facilite le travail, commente-t-il. Il calcule par exemple automatiquement les vitesses en fonction du type de certificat ADR du conducteur. Cela permet une plus grande réactivité que si j’avais à demander ce paramétrage à un prestataire ». Il utilise cependant aussi les cartes numériques proposées par l’éditeur informatique PTV. « Cette cartographie m’apporte un gain de temps pour schématiser un itinéraire en fonction du kilométrage, des péages, des interdictions poids lourds, etc. », détaille le chargé d’études. PTV propose une solution logicielle d’optimisation de tournées plus complète que cette cartographie, mais BH Groupe n’a pas choisi cette option globale. « En effet, nous cherchons le plus souvent à croiser les itinéraires avec les lieux d’implantation de nos filiales, pour permettre que l’une prenne le relais de l’autre et ainsi réduire les coûts, argumente-t-il. Il faudrait alors paramétrer l’outil spécialement pour chaque ligne. C’est donc plutôt mon cerveau qui intervient là. »
En parallèle, Delon Mira s’appuie sur ses collègues. À commencer par le service commercial, qui lui donne tous les détails fournis par le client sur la ligne à construire : les lieux et heures de chargement et déchargement, les temps moyens de ces opérations, le matériel exigé… Mais le contrôleur de gestion du groupe, qui suit au plus près l’utilisation des ressources, lui est aussi d’une grande utilité : « Il me prévient par exemple si un camion est à 50 % de taux d’utilisation ou si un chauffeur est mal utilisé dans son plan de travail, rapporte le chargé d’études. Je pourrais le voir sur le TMS, mais avec ses alertes, je peux mieux prendre en compte ces caractéristiques. » Un prix de ligne optimisé ainsi calculé, le client donne son accord et c’est alors l’exploitation qui prend le relais en s’assurant que le respect du plan de transport est garanti au quotidien.
Reste-t-il pour autant des retours à vide ? « Très peu, un ou deux par jour peut-être », assure-t-il, ce qui ne nécessite que peu de recours à la bourse de fret utilisée par le groupe, B2PWeb. Le secret : suivre le dicton « sans cesse sur le métier, remets ton ouvrage ». « Dès que nous avons un moment disponible, dans la journée, nous essayons d’optimiser encore et encore l’organisation de nos lignes, rapporte-t-il. On en choisit une, qu’on casse complètement pour essayer de l’organiser autrement, de l’UPS à l’aller et du Geodis au retour, ou encore en combinant du Schenker et du Gefco, par exemple. Et si ça ne donne rien, on recommence. » La refonte complète du montage d’une ligne, afin de réduire le kilométrage réalisé à vide, a ainsi permis d’améliorer son résultat d’exploitation de 6,2 % entre 2021 et 2022.
Les résultats sont ainsi réels, mais nécessitent d’agir sur tous les postes. Le résultat d’exploitation d’une autre ligne a pu, par exemple, être augmenté de 8,2 % entre 2021 et 2022 grâce à une action globale. Sur le poste péages, une optimisation des trajets, réalisée après différentes simulations de l’outil PTV, a permis une économie de 1,7 point. De leur côté, les conducteurs, qui peuvent consulter l’itinéraire de la ligne sur la tablette embarquée dans leur véhicule, ont été formés à la gestion de leurs temps (repos, service, travail, conduite). Résultat : une baisse de 4,1 % des coûts salariaux. Le gain sur la location de matériels est plus important encore (4,3 %) : « Des économies ont été réalisées sur le matériel roulant, commente le chargé d’études, grâce à la réutilisation du matériel et à la réduction des coûts d’entretien résultant de la possession de véhicules plus stables. »
Le poste « consommation de carburant », quant à lui, n’a pu échapper aux effets des hausses de prix (+ 3,7 %), mais l’entreprise estime les avoir limités grâce aux formations à l’écoconduite (la consommation moyenne sur la ligne est passée de 21,37 à 20,80 l/100) et grâce au recours privilégié aux cuves des dépôts du groupe ou aux stations AS24 à faible coût.