Granulats : un marché qui se relève L'interview : Frédéric Willemin, Société du Grand Paris Transports de granulats : davantage de trafics pour le fluvial Comment s’évacuent les déblais du Grand Paris ?Les chantiers du Grand Paris Express sont fortement consommateurs de granulats qui passent le plus souvent par les centrales à béton installées au bord de la voie d’eau en région parisienne. Pour évacuer les déblais du terrassement des gares ou du percement des tunnels, la Société du Grand Paris a prévu que le mode fluvial soit favorisé.
NPI : quels sont les principaux défis des chantiers du Grand Paris en matière de transport ?
Frédéric Willemin : Les filières sont bien installées pour l’approvisionnement en matériaux de construction, mais beaucoup de choses doivent encore être mises en place pour l’évacuation des déblais. Nous travaillons depuis plusieurs années avec Haropa-ports de Paris, avec VNF et avec les canaux de la ville de Paris pour permettre une évacuation fluviale de ces déblais. Le recours au fluvial répond aux impératifs de protection de l’environnement mais vise aussi à réduire les nuisances pour les populations. Avec Haropa, nous avons signé dès 2013 une convention en faveur du transport fluvial, qui prévoyait la mise à disposition de quais et la création de quatre plateformes de transbordement.
NPI : où en sont les chantiers de ces plateformes ?
Frédéric Willemin : La première plateforme fluviale opérationnelle pour l’évacuation des déblais sera celle des Ardoines, à Vitry-sur-Seine, qui devrait accueillir sa première barge dans le courant du second semestre 2019. La deuxième sera celle du Pont-de-Sèvres, à Boulogne-Billancourt, qui servira à l’évacuation des déblais du tunnelier de l’île de Monsieur. Trois autres plateformes sont prévues et seront mises en service plus tard : à Gennevilliers, à Aubervilliers sur le canal Saint-Denis et à Bondy sur le canal de l’Ourcq.
NPI : quels sont les besoins en matière de transport de déblais ?
Frédéric Willemin : Les quantités de déblais sont considérables : la construction de 200 km de lignes ferroviaires et de 68 gares, avec les ouvrages associés comme les puits de secours et les puits d’aération, va produire environ 45 Mt de déblais sur une période de dix ans. Les travaux ont commencé tout doucement en 2016 et la cadence s’accélère. En 2017, 1 Mt de déblais ont été produits, la même quantité a déjà été évacuée au cours du seul premier semestre 2018. Un seul tunnelier avance de 12 mètres par jour, ce qui génère 2 000 t de déblais. Et il y a une dizaine de tunneliers pour la seule ligne 15 Sud, même si tous ne travaillent pas en simultané. Pour l’ensemble des lignes, les travaux d’excavation vont encore se prolonger jusqu’en 2027. La dernière ligne sera mise en service en 2030.
NPI : le fluvial est-il déjà mis à contribution pour ces évacuations de déblais ?
Frédéric Willemin : Il n’y a pas encore eu d’évacuation de déblais par le fleuve directement depuis nos chantiers. Mais certains déblais qui partent de nos chantiers en camion sont ensuite chargés sur bateau et continuent par voie d’eau leur transport vers une plateforme de transit ou un centre de valorisation. Pour la ligne 15 Sud, par exemple, Bouygues a fait partir 40 000 t de déblais par camion pour Gennevilliers, qui ont ensuite rejoint par bateau une plateforme de valorisation située en Normandie. Il y a actuellement une cinquantaine de chantiers en cours sur la ligne 15 Sud. Il n’est donc pas simple d’identifier tous les flux. C’est pourquoi nous travaillons à mettre en place une plateforme informatique qui va nous permettre de suivre tous les flux de terre depuis les chantiers des gares ou des tunneliers jusqu’à leur destination finale, via une plateforme de tri et de massification ou un centre de dépollution.
NPI : quelles sont les difficultés que peuvent poser les terres polluées ?
Frédéric Willemin : Nous avons fait beaucoup de sondages en ce qui concerne les chantiers des gares, donc nous avons une assez bonne idée des déblais que nous allons sortir. Pour les tunneliers, c’est plus compliqué, car la profondeur plus importante nous a empêché de faire autant de sondage que nous aurions voulu. La pollution se concentre principalement à la surface, elle est presque nulle à 30 m de profondeur. Nous estimons que 2 à 5 % de l’ensemble des terres seront polluées. Sur les 45 Mt de déblais, la moitié proviendra des tunneliers, l’autre moitié des gares. C’est de cette seconde moitié que proviendront très majoritairement les terres polluées. Sur la plateforme des Ardoines, à Vitry-sur-Seine, des casiers sont en cours de construction, qui permettront de stocker les déblais en attendant les résultats d’analyse, afin de savoir vers quel exutoire les expédier en fonction de leur pollution éventuelle. Ces casiers pourront aussi servir à ressuyer les déblais, car ceux provenant des tunneliers peuvent avoir une teneur en eau importante. Le séchage des déblais pourra aussi parfois se faire avec un filtre-presse, afin de les transporter plus facilement par bateau.
NPI : qu’en est-il de l’approvisionnement en granulats ?
Frédéric Willemin : En ce qui concerne les déblais, nous avons pris la main pour cadrer le schéma d’évacuation et favoriser le mode fluvial. L’approvisionnement en matériaux de construction, quant à lui, est lié aux marchés passés avec leurs fournisseurs par les entreprises qui construisent. Nous ne sommes pas inquiets car l’approvisionnement de la région parisienne en granulats se fait déjà beaucoup par voie d’eau. C’est le cas pour la ligne 15 Sud, située près de la Seine, et dont les travaux ont commencé entre le Pont-de-Sèvres et Noisy-Champs, en passant par Noisy-Champs. Ce sera plus difficile pour les autres chantiers à venir, situés plus loin de la Seine.
Évacuer par voie ferroviaire les déblais issus du terrassement des gares ou du creusement des tunnels ferroviaires : l’idée peut sembler séduisante, voire découler du simple bon sens. Le mode ferroviaire s’adapte pourtant mal aux contraintes des chantiers du Grand Paris, car les sillons doivent être réservés, et il est difficile de caler les chantiers sur ces sillons. Par ailleurs, les gares en question ne sont pas encore desservies par voie ferrée. Il faut donc créer des voies spéciales pour le chargement des trains et les équiper de trémies de chargement. Même avec les volumes de déblais qu’impliquent les chantiers du Grand Paris, de tels investissements ne sont pas envisageables. D’ailleurs, parmi les 2 300 carrières de France, pourtant installées pour des durées conséquentes, seules 50 bénéficient d’un embranchement ferroviaire. La convention signée entre la Société du Grand Paris et Haropa en 2013 prévoyait la création de quatre plateformes fluviales qui sont toujours d’actualité. Mais la plateforme ferroviaire prévue à Issy-les-Moulineaux, qui devait évacuer 36 % des déblais de la 15 Sud, ne se fera pas. Une plateforme ferroviaire est en revanche en cours de construction à Villiers-sur-Marne.