Comment s’évacuent les déblais du Grand Paris ?

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Granulats : un marché qui se relève L'interview : Frédéric Willemin, Société du Grand Paris Transports de granulats : davantage de trafics pour le fluvial Comment s’évacuent les déblais du Grand Paris ?À Boulogne-Billancourt et Vitry-sur-Seine, le creusement des tunnels de la ligne 15 Sud du Grand Paris Express produit d’énormes quantités de déblais. Tedelis, à l’œuvre depuis un an sur ces deux chantiers, en évacue la majeure partie par transport fluvial.

Mise à part la ligne 14, dont le prolongement relève de la RATP et non de la Société du Grand Paris (SGP), c’est par la ligne 15, et plus précisément par son tronçon Sud, que les chantiers du Grand Paris Express ont commencé. À chaque extrémité de ce tronçon, deux puits d’attaque des tunneliers sont particulièrement bien situés pour que les déblais qui en sont extraits soient évacués par voie fluviale : il s’agit de ceux de Boulogne-Billancourt et de Vitry-sur-Seine.

Autour de la dernière commune, les travaux pour la construction des gares ont débuté en juin 2017. Entre les déblais liés au chantier de terrassement pour la construction des gares et ceux extraits par le tunnelier qui creuse la future voie ferrée souterraine, 2,8 Mt de matériaux doivent être évacués. Le fluvial sera utilisé pour 500 000 t de déblais de terrassement et 1,3 Mt de déblais du tunnelier, soit 1,8 Mt au total.

Pour charger ces déblais sur barge, un quai fait actuellement l’objet de travaux de réaménagement à Vitry-sur-Seine : celui qui servait à décharger le charbon de l’ancienne centrale électrique des Ardoines. Les déblais en provenance des gares y seront acheminés par brouettage routier. Pour les déblais issus du tunnelier et sortant du puits de Vitry, en revanche, le recours au brouettage pourrait être évité : la mise en place d’un convoyeur entre le tunnelier et la barge est actuellement à l’étude. Depuis la fin 2017, 80 000 t de déblais en provenance des gares du secteur ont déjà été chargées sur barge.

« La SGP a pris un peu de retard dans la reconstruction du quai des Ardoines, constate Benjamin Lecendrier, directeur des opérations granulats de Cemex. C’est pourquoi nous utilisons pour l’instant nos propres quais à Ivry et Tolbiac, ainsi que des quais publics du port de Paris à Charenton et Alfortville. Cemex, au plus fort de la crise, a fait le choix d’investir pour l’entretien de son réseau portuaire. C’est aujourd’hui un avantage compétitif car nous avons des quais disponibles pour ces opérations du Grand Paris. Nous espérons remporter d’autres marchés concernant les déblais de chantiers du Grand Paris qui sont actuellement en phase de contractualisation ».

Dans le secteur de Boulogne-Billancourt (île de Monsieur, Pont-de-Sèvres), les choses sont moins avancées puisque les travaux de terrassement pour la construction des gares n’ont commencé que fin 2017. Le tunnelier n’entrera en service que fin 2019. Entre les gares et le tunnel, un total de 2 Mt de déblais sont attendus, dont 1,3 Mt seront évacués par voie fluviale. Ce mode de transport sera utilisé dès la fin 2018 pour les matériaux des gares.

Pour ces deux chantiers, correspondant aux tronçons T3A à Boulogne-Billancourt et T2A à Vitry-sur-Seine, c’est le groupe Bouygues, à travers le GIE Tedelis, qui a remporté l’appel d’offres lancé par la SGP. Afin de s’adapter aux volumes de construction attendus pour les chantiers du Grand Paris, Bouygues avait en effet créé le groupement Tedelis, constitué entre certaines de ses filiales, notamment Bouygues TP et Cosson, filiale de Colas spécialisée dans les terrassements franciliens. « La Société du Grand Paris a été un maître d’ouvrage responsable, qui a imposé des choix logistiques pour des raisons environnementales, souligne Thomas Coloby, chef de service exploitation de DTP (filiale de Bouygues TP) et administrateur du groupement Tedelis.

Elle a obligé, à travers son cahier des charges, à recourir au fluvial pour tous les chantiers qui sont bien placés par rapport à ce mode de transport. Nous avons donc intégré le fluvial dès le stade de l’offre, avec des propositions significatives car les sites des chantiers s’y prêtent : les puits d’entrée des tunneliers ont en effet été positionnés là pour des raisons logistiques, car on peut y charger des barges facilement. Des quais ont été identifiés pouvant servir à l’évacuation des déblais, et l’on travaille actuellement à estimer le coût de leur remise en état pour les adapter à l’usage qu’on veut en faire. Souvent, on ne sait pas pour quelle charge un quai ancien a été dimensionné. Haropa nous accompagne et joue un rôle moteur, mais les riverains sont souvent réticents à ce qu’on stocke de la terre sur les quais ».

Pour l’évacuation fluviale des déblais, Tedelis a recours aux flottes des grands acteurs du monde du granulat : « Cemex, Lafarge ou GSM maîtrisent une flotte de barge qu’ils utilisent pour remonter de Seine aval les granulats pour leurs clients franciliens habituels ; ils ont donc, au retour, de la cale disponible pour descendre les matériaux qu’on leur livre et qui vont remblayer leurs propres carrières, explique Thomas Coloby. Il est intéressant, pour faire face à nos pics d’activité, de travailler avec ces entreprises plutôt qu’avec des bateliers qui ne pourraient pas, indépendamment, y faire face. Ce qui n’empêche par les carriers de faire aussi transporter les matériaux par des artisans bateliers ».

Tedelis a sélectionné une quinzaine de sites pouvant servir d’exutoire aux déblais en provenance des chantiers de Boulogne et Vitry, dont cinq sites fluviaux : quatre en Seine aval et un en Belgique, même si ce dernier est plus compliqué à utiliser du fait du petit gabarit du canal du Nord et de la longueur du trajet, qui oblige à créer des stocks tampon et à prévoir un planning de transport précis trois semaines à l’avance, difficilement compatible avec les aléas du chantier.

L’objectif reste toujours de respecter la répartition entre les sites accessibles en transport fluvial et les sites routiers. « On utilise le fluvial pour les sites où le surcoût est moindre, précise Thomas Coloby.

Malheureusement, dans les conditions actuelles de prix du carburant, le fluvial est moins compétitif que la route si l’on considère la chaîne logistique dans son ensemble. Même si le kilomètre parcouru en fluvial est très peu cher, le coût du brouettage jusqu’au quai et de la rupture de charge rend moins cher un trajet en camion de bout en bout. Au total, le surcoût pour le fluvial est de l’ordre de 20 %, mais cela dépend de beaucoup de paramètres tels que l’origine, la destination, la quantité transportée, la proximité du quai, etc. En revanche, le fluvial reprend l’avantage sur les transports de longue distance : cela nous permet d’utiliser des sites d’évacuation plus lointains en Seine aval, alors qu’en camion le rayon d’action est beaucoup plus court ».

La pollution éventuelle des déblais n’intervient qu’indirectement dans le choix du mode de transport, puisque c’est le lieu d’exutoire qui dicte ce choix. Pour les terrassements liés aux gares, il est facile de caractériser les déblais avant excavation, et d’anticiper leur destination en fonction de leur nature. Pour les tunneliers, en revanche, la caractérisation des terres n’est pas possible à l’avance. Il faut donc stocker les déblais une fois sortis du puits, le temps de les analyser pour connaître leur destination. « Nous avons une possibilité, ajoute Thomas Coloby, qui consiste à caractériser les déblais à bord de la barge, le coût d’une semaine de stockage sur barge pouvant être compétitif  par rapport à celui de la construction de casiers pour un stockage sur site, et des manutentions et  brouettage associés ».


À Vitry-sur-Seine, c’est le quai de déchargement de charbon de l’ancienne centrale électrique des Ardoines qui est actuellement rénové par la SGP pour pouvoir charger sur barge les déblais du tunnelier et des gares du secteur. À Boulogne, face au pont de Sèvres et à l’île Seguin, la construction d’une estacade a commencé au début de l’été 2018. Elle permettra d’évacuer les déblais et servira d’extension au chantier de construction de la gare, l’espace étant contraint avec une départementale passant en bord de Seine. D’autres plateformes fluviales vont être aménagées à Gennevilliers et à Aubervilliers : prévues par l’accord passé dès 2013 entre la SGP et Haropa-ports de Paris, elles concerneront aussi la ligne 15, mais dans sa partie Nord. Elles pourront être utilisées pour les déblais des futures lignes 16 et 17.

Les travaux de prolongement vers le nord de la ligne 14, réalisés par la RATP, ont bénéficié du transport fluvial pour l’évacuation de leurs déblais. Pour cela, une ancienne estacade EDF avait été remise en service, qui a permis à Cemex de charger 200 000 t de matériaux inertes, transportés en fluvial jusqu’en Normandie où ils ont été utilisés en remblaiement de carrière.

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