Granulats : un marché qui se relève L'interview : Frédéric Willemin, Société du Grand Paris Transports de granulats : davantage de trafics pour le fluvial Comment s’évacuent les déblais du Grand Paris ?Après un début d’année 2018 difficile sur la Seine, le transport fluvial de granulats renoue avec la croissance et espère davantage de volumes à destination des chantiers du Grand Paris.
Les granulats constituent la marchandise la plus transportée par la voie d’eau. En 2017, année il est vrai assez mauvaise pour le transport fluvial de céréales, les granulats ont représenté 42 % des transports fluviaux enregistrés par VNF. La proportion atteint même 47 % des tonnages transportés en moyenne pour les trente dernières années. Le pic a été atteint en 1991, année où les granulats constituaient près de 55 % des transports fluviaux. Leur part dans le trafic fluvial a bien diminué depuis. En valeur absolue, les transports fluviaux de granulats dépassaient 25 Mt en 2008 mais les effets de la crise sur le marché du BTP se sont rapidement fait sentir. Après une légère reprise en 2012, le point bas a été atteint en 2015 avec seulement 19,5 Mt transportées par voie d’eau cette année-là. En 2016, la reprise a été très forte, avec 21,9 Mt de granulats à bord des barges, soit 15 % de progression. Une hausse confirmée en 2017 avec 22,3 Mt de granulats transportés en fluvial, soit 2,3 % de mieux qu’en 2016.
« La reprise d’activité se confirme, trimestre après trimestre, et touche toutes les grandes métropoles françaises, observe Benjamin Lecendrier, directeur des opérations granulats de Cemex. Mais, même si la tendance est forte, le pic d’activité du Grand Paris ne nous permet pas de retrouver le niveau d’avant la crise. En revanche, nous espérons qu’il y aura un second effet Grand Paris : la création de chaque nouvelle gare va densifier le quartier alentour, avec la création de nouvelles voiries, de nouvelles constructions privées… Il y aura un effet d’entraînement ».
Concurrence entre granulats et céréales
« La conjoncture est bonne mais ce n’est qu’une légère reprise alors qu’on s’attendait à mieux », résume Jacques Meunier, ancien cadre dirigeant de GSM, aujourd’hui consultant en logistique spécialisé dans les granulats. Au cours des années de crise, la part modale de la voie d’eau dans le transport de granulats s’est maintenue avec 5 à 6 % des matériaux utilisés en France transportés par navigation intérieure, principalement sur la Seine, le Rhin et le Rhône. La route continue cependant à transporter plus de 90 % de la production de granulats, le ferroviaire n’ayant qu’une part modale de 3 à 4 %.
Entre la grève dans le secteur ferroviaire et le manque de chauffeurs pour le transport routier, le début d’année 2018 a été difficile pour le transport de granulats. « Les tensions ne portent pas sur les outils de production mais sur le transport et la livraison de nos marchandises, d’autant que nous ne sommes pas le seul secteur en reprise », souligne Mathieu Hiblot, secrétaire général de l’Union nationale des producteurs de granulats. Le transport fluvial a aussi connu son lot d’épreuves, avec des crues et des défaillances des ouvrages qui ont perturbé la navigation sur la Seine. Toutefois, dans son bilan des trafics à l’échelle de la vallée de la Seine pour le premier semestre 2018, Haropa note que « le trafic fluvial se redresse significativement à partir du mois d'avril à 7,5 Mt après un début d'année fortement influencé négativement par la crue (- 2 % à fin juin contre - 16 % à fin mars) ».
« Le premier trimestre a été catastrophique à cause de crues mais à fin juin nous avions déjà refait notre retard, constate Philip Maugé, président du directoire de la Société coopérative artisanale de transport (Scat). Les centrales à béton bord à voie d’eau dans Paris sont aujourd’hui à leur trafic nominal. Elles sont approvisionnées facilement par voie d’eau, et bien placées pour les chantiers du Grand Paris. Globalement, une grande partie de nos trafics sont clairement liés au Grand Paris. D’un autre côté, notre activité liée à la construction est moins dynamique : il semble que nous ayons atteint un palier ».
Un constat partagé par Jérôme Becamel, responsable logistique rail fluvial et maritime chez Eqiom : « Globalement, la demande est en dents de scie. En début d’année, les crues et les aléas des infrastructures fluviales (pannes d’écluses, casse d’un barrage) nous ont obligé à basculer des trafics vers la route, avec des difficultés à trouver des camions en raison de la pénurie de chauffeurs routiers. C’est ensuite la grève ferroviaire qui nous a pénalisés, la moitié des trains ne circulant pas. Les retards au démarrage des chantiers du Grand Paris, début 2018, aboutissent aujourd’hui à une situation tendue, où le moindre aléa peut avoir des conséquences importantes sur toute la chaîne logistique ».
Les contraintes des chantiers du Grand Paris Express obligent les fournisseurs de granulats à prévoir des moyens de transport alternatifs pour sécuriser l’approvisionnement. Ceux qui ne disposent pas d’une flotte propre et travaillent à l’affrètement sont confrontés à une difficulté supplémentaire, apparue au cours de l’été : avec les transports de céréales qui montent en puissance, il est plus difficile pour eux de fidéliser la cale fluviale, car les granulats ne peuvent payer leur fret au même prix que les céréales. Pour certains trajets, le fret a pu doubler par rapport à ce qu’il était l’hiver dernier car l’effet céréale, récurrent chaque année, s’est amplifié en 2018 : les silos n’ayant pas pu être vidés avant récolte pour cause de grève ferroviaire, le report s’est fait sur la voie d’eau.