Yantian opérationnel, le marché du conteneur reste tendu

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Le port chinois a retrouvé toutes ses fonctionnalités mais il faudra plusieurs mois pour résorber l’engorgement et retrouver un cours normal dans les activités. La congestion portuaire gagne désormais des ports clés d’Europe du Nord si bien que deux des trois principales alliances y annoncent des suppressions d’escale. Les tarifs « astronomiques » dans le transport et l’affrètement continuent de rythmer le marché.

« Revenir à la normale ». L’incantation résonne comme un mantra. Le Yantian International Container Terminals du principal port du sud de la Chine a recouvré le 24 juin à minuit son entière capacité opérationnelle. L’intégralité de ses opérations vont progressivement reprendre leurs cours. Avec les onze postes d'amarrage, y compris ceux de la zone portuaire ouest qui a été fermée pendant trois semaines du 21 mai au 10 juin, la capacité de manutention quotidienne de 37 400 EVP est désormais effective.

Mais après quatre semaines de fonctionnement à 30 % de sa productivité « normale », plus de 750 000 conteneurs seraient en souffrance, encombrant les espaces en attendant d’être traités. Le temps moyen pour qu’un navire puisse s’amarrer était encore de seize jours il y a peu. « Les modalités d'acceptation des conteneurs chargés à l'exportation reprendront un rythme normal dans les sept jours suivant l'arrivée du navire », assurent les autorités portuaires chinoises. 

Le fonctionnement au ralenti de Yantian a mis sous pression les ports voisins de Shekou, Hong Kong et Nansha, vers lesquels les navires de centaines de services ont été déroutés. Le temps d'attente y est actuellement de deux à quatre jours, selon Maersk. Dans une de ses dernières adresses à ses clients, le leader mondial du transport maritime de conteneurs estime à 19 ses services affectés malgré la productivité accrue dans le port de Yantian.

Les ports asiatiques avaient surpris l’an dernier, à l’issue d’un confinement généralisé, par leur capacité à se remettre d’aplomb rapidement. Peu leur accordent ce crédit aujourd’hui. L’idée que « des mois seront nécessaires pour remédier à la congestion et à son impact sur la fiabilité des services » fait globalement l’unanimité.

Services affectés (source : Dynamar)

Les ports nord-européens gagnés à leur tour par la fièvre

Parce que le transport maritime est interconnecté à l’extrême, l’arriéré de conteneurs exacerbe la pénurie et crée des retards sur d'autres routes et dans d'autres ports. Après avoir dû faire face à une congestion portuaire critique sur la côte ouest des États-Unis puis à Yantian, les transporteurs doivent désormais faire face à la problématique des principaux ports européens de Hambourg et Rotterdam. La situation a obligé THE Alliance (Hapag-Lloyd, HMM, Yang Ming, One) et 2M (Maersk, MSC) à ajuster temporairement les rotations européennes de leur deux grandes boucles Asie - Europe du Nord.

THE Alliance va supprimer pour une période de sept semaines les escales de son service FE4 vers l'est à Rotterdam. Le premier navire concerné est – ironique coup du sort – le HMM Rotterdam (23 792 EVP) qui naviguera le 15 juillet entre Anvers et Singapour.

Les partenaires de 2M ont décidé de leur côté de détourner huit escales à Hambourg, deuxième port de déchargement d'Europe du nord, de leur service commun AE-7/Condor en juin et juillet vers le terminal de la mer du Nord de Bremerhaven.

Le même service est également l'une des nombreuses boucles qui, en Asie, éviteront Yantian pendant un temps. Le service AE-55/Griffin est en fait la seule des six rotations de 2M entre Asie et Europe du nord qui y maintient actuellement ses escales.

Les tarifs au plus haut

L’organisation des chaînes d’approvisionnement extrêmement fragilisée par une consommation sans précédent de biens de consommation et d’équipement, le manque de navires et de conteneurs fait le lit de la loi de l’offre et la demande. Le marché se resserre encore davantage. Les porte-conteneurs proposés à l’affrètement peuvent atteindre des sommes déraisonnables, supérieures à 100 000 dollars par jour. Le S Santiago, âgé de 15 ans et d'une capacité de 5 060 EVP, a été affrété à 135 000 $/j sur une durée de 45 à 90 jours alors que la valeur du navire est évalué à 38,48 M$ par VesselsValue.

Selon Alphaliner, le CO Osaka, un porte-conteneurs de 4 506 EVP, a été affrété pour deux mois à 125 000 $/jour.

« MPC Container a d'affrété un navire de 2 800 EVP à plus de 100 000 $/j et pour une période allant de 65 à 80 jours » reconnait Constantin Baack, PDG de MPC Container Ships. Ce seul affrètement rapporte 8 M$ à la compagnie alors qu’elle a acheté ce navire en 2008 pour ce même prix. Cela donne une idée de la tonalité du marché. La compagnie a déjà affrété 30 de ses navires cette année et 26 sont en passe de l’être. « Il n'y a presque pas de navires disponibles. Et par rapport à ce que nous avions connu par le passé, surtout dans les segments de navires plus petits, ce sont les affrètements à long terme qui priment. Or, lorsque les navires sont loués pour plusieurs années, ils sont hors du marché jusqu'à l'expiration de leur charte. Le marché va s'assécher encore plus », indique-t-il.

Grande réactivité aux GRI

Les transporteurs ont appliqué des augmentations générales des taux (GRI) le 1er juin. Les taux spot transpacifiques ont augmenté dans la foulée. Ils ont promulgué d'autres GRI le 15 juin. Les tarifs ont également suivi. Qu’en sera-t-il après les autres hausses prévues pour le 1er juillet et le 15 juillet ?

Le 15 juin, jour de la mise en œuvre des GRI, l'évaluation quotidienne du Freightos Baltic Index entre l'Asie et la côte est-américaine a bondi de 7 % et atteint dans la foulée un sommet historique de 10 104 $/FEU (conteneur de 40 pieds), la première fois que cet indice a dépassé le cap des 10 000 $. Le 22 juin, il s'établissait à 10 002 $ (+ 205 % en base annuelle).

S&P Global Platts, qui suit de près les taux du Freight All Kinds (FAK), l’estimait à 7 100 $/FEU le 22 juin entre Asie du Nord et la côte est-américaine. La dernière évaluation hebdomadaire des taux par Drewry pour la route Shanghai-New York le 17 juin faisait état d’un tarif de 8 017 $/FEU (+ 195 % en un an).

Pas de ralentissement en vue

Entre l'Asie et la côte ouest américaine, le Freightos Baltic Index a également réagi vivement à la hausse des GRI. Le 22 juin, il atteignait le nouveau record absolu de 6 681 $, soit une hausse de 160 % par rapport à l'année précédente.

Le dernier taux hebdomadaire de Drewry pour Shanghai-Los Angeles était de 6 358 $/FEU, en hausse de 197 %. Pour le FAK entre Asie du Nord et la côte ouest-américaine, S&P Global Platts l’estimait le 22 juin à 5 800 $/FEU.

Un autre consensus se dégage : il n’est définitivement plus question d'un ralentissement en 2021. Seule l’année 2023 maintient actuellement un niveau d’incertitude sur l’état du marché. Mais d’ici là, il n’est question que de tensions. Des informations qui appellent néanmoins à la raison puisqu’il a été maintes fois démontré ces derniers mois que la moindre prévision peut très rapidement être démentie par le marché.

Adeline Descamps

 

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