Un panamax affrété entre 100 000 et 145 000 $/j

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Dans le segment classique des Panamax, les tarifs sont devenus invraisemblables avec une unité de 5 000 EVP qui aurait été fixée entre 100 000 et 145 000 $/j pour un emploi de 80 jours. Un niveau sans précédent pour ce type de navires.

Le marché est devenu ingouvernable, la demande irrassasiable, les taux de fret incontrôlables, les taux d’affrètement déraisonnables, la capacité introuvable et le tout est hyper réactif aux événements qui émaillent la chaîne d’approvisionnement. Comme l’illustrent le blocage du canal de Suez ou plus récemment la congestion du terminal international de conteneurs de Yantian, consécutive à une vague épidémique qui entrave la productivité. Un nouveau goulet d’étranglement s’est formé dans ce hub pour les exportations chinoises qui traite 13 MEVP par an. Plus de 20 000 EVP seraient actuellement bloqués et 50 à 60 navires sont au mouillage dans l’attente de pouvoir accoster.

La frénésie est telle qu’un panamax – une unité comprise entre 4 000 et 5 299 EVP – aurait été négocié récemment entre 100 000 et 145 000 $/j pour un emploi de 80 jours, un niveau sans précédent pour ce type de navires relevé par Alphaliner. Il s’agirait du S Santiago, un navire de 5 060 EVP construit en 2006, propriété de Cyprus Sea Lines que VesselsValue évalue à 38,48 M$. C’est dire qu’avec les 145 000 $ de recettes, le propriétaire du navire affrété va récupérer en à peine 80 jours 11,6 M$, soit un tiers de la valeur du porte-conteneurs. Encore plus incroyable, Alphaliner croit savoir que le contractant est un transitaire. 

Dernièrement, alors que Hapag-Lloyd aurait consenti à mettre 70 000-90 000 $/jour (selon qu’il s’agisse d’un contrat de deux ou trois mois) pour le CMA CGM Opal de 4 308 EVP, le niveau avait déjà détoné.  

Les taux de fret au-delà des 10 000 $

Navires inactifs à un étiage très bas

Parallèlement, en position de force, les propriétaires non exploitants (NOO) privilégient des affrètements pluriannuels de façon à verrouiller les bénéfices à long terme. « 43 des 51 négociations signalées au cours des deux dernières semaines ont été conclues pour des durées de vingt-quatre mois et plus », indique Alphaliner qui a notamment compté trois contrats de cinq ans, neuf de quatre ans et dix de trois ans.  

Aucune perspective n’est de nature à apaiser ces tensions. La flotte inactive est toujours plus faible et les tonnages deviennent une denrée hyper rare. Selon le dernier relevé d’Alphaliner (fin mai) la flotte inactive comptait 54 navires pour 198 843 EVP et 125 navires pour 461 779 EVP était retiré du service pour travaux en cales.

Taux de fret : sans limites

Surpayer pour transporter

Pour répondre à la demande du marché, les transporteurs cherchent désespérément à se procurer des navires supplémentaires, avec peu d'options, expliquant pourquoi ils se montrent si disposés à payer chèrement des capacités. D’autant que le niveau des taux de fret (9 581 $ par FEU le 27 mai entre Asie et Europe), tant sur les contrats spot que sur ceux à long terme bloqués à des taux élevés et pour des périodes longues que d'ordinaire, les autorisent à surpayer quelque peu leurs affrètements.  

À cet égard, ce qui est ressorti des récentes négociations entre transporteurs et chargeurs – et plus encore la répartition de leur capacité au comptant et au long terme – est un indicateur de leurs priorités et de leur sens de la relation-client : entre gains potentiels à court terme et gage de stabilité donné à leurs clients, il faut choisir… Maersk avait indiqué dernièrement réserver une grande part de ses capacités à ses contrats long terme avec ses chargeurs à valeur ajoutée.

Détente lointaine

Pour l’association professionnelle des armateurs et propriétaires de flotte au niveau mondial BIMCO, l'approche de la traditionnelle haute saison du transport maritime par conteneurs va maintenir les taux de fret élevés pendant encore un temps. « Après s'être brûlés les doigts à de nombreuses reprises au cours de l'année écoulée, et compte tenu des retards et des perturbations que connaissent actuellement les chaînes d'approvisionnement dans le monde, les importateurs sont enclins à effectuer leurs importations dès maintenant pour les prémunir contre le risque de ne pas disposer de stocks suffisants lorsqu'ils en auront besoin. »

À plus long terme, la demande devrait s'affaiblir à mesure que les mesures de relance liées à la pandémie commenceront à s'amenuiser, indique l’organisation, « ou que les dépenses ne serviront plus à garantir les revenus des consommateurs mais à financer des projets économiques à plus long terme tels que des investissements dans les infrastructures. » 

L'arrivée d'une troisième série de chèques Biden dans le cadre du plan de relance américain (1 400 $) avait immédiatement provoqué des ventes au détail record. Mais avec les déconfinements, la part des dépenses dans les services devrait prendre le pas sur la demande de marchandises conteneurisées importées. 

Surcapacité

Se posera alors l’éternelle question de la surcapacité – « les transporteurs devront à nouveau trouver le bon équilibre entre l'offre et la demande » – d’autant que nombre d’entre eux se sont enfermés dans des taux d'affrètement élevés pour plusieurs années. Même si le trou noir devait se produire, « les bénéfices des transporteurs leur permettront d'amortir largement leurs résultats » signifie Peter Sand, analyste spécialisé dans le transport maritime au sein du BIMCO. 

Adeline Descamps

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