Retour du Venezuela sur les marchés pétroliers internationaux : une bonne nouvelle pour le transport maritime ?

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À la suite d'un accord signé le 17 octobre avec Caracas, Washington va largement assouplir les sanctions imposées au secteur pétrolier et gazier du Venezuela. L'administration américaine cherche à stimuler les flux mondiaux de pétrole afin de canaliser les effets de surchauffe.  

L'assouplissement des sanctions imposées aux transactions (production, vente et exportation) dans les secteurs pétrolier et gazier du Venezuela, a trompé les attentes des analystes par sa rapidité et sa profondeur de champ.

Si la suspension est temporaire, la levée des barrières à l'encontre d'un des membres de l'Opep étant valide jusqu'au 18 avril 2024, elle prend effet immédiatement. 

L'administration Biden avait annoncé en mai qu'elle allait autoriser les exportations de pétrole vénézuélien vers l'Europe afin de limiter le recours des pays du Vieux Continent au pétrole russe, dont ils sont des clients historiques.

Le cours de l'histoire, avec la détérioration rapide des relations au Moyen-Orient entre le Hamas et Israël, et sa capacité à enrôler le Hezbollah soutenu par le Liban et l'Iran, peut potentiellement faire flamber les prix du pétrole dans un environnement déjà contraint par les sanctions contre la Russie et les réductions de production de l'OPEP.

Washington cherche par tous les moyens à stimuler les flux mondiaux de pétrole afin de canaliser les effets de surchauffe. Les observateurs internationaux font observer qu'il s'agit du recul le plus important dans les restrictions imposées à Caracas par l'ère Trump.

Des élections contre du pétrole

La semaine dernière, Washington a annoncé avoir obtenu des garanties du gouvernement de Nicolas Maduro et des partis d'opposition en faveur de la tenue d'élections libres (réintégration de tous les candidats) et démocratiques en 2024.

Dans le communiqué du département du Trésor américain, il est toutefois précisé que les autorisations seront aussi immédiatement révoquées si Caracas ne respectait pas les engagements pris dans le cadre de l'accord signé à la Barbade le 17 octobre.

Une production réduite à l'insignifiant

Le Venezuela possède les plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde, soit environ 300 milliards de barils, mais n’a produit que 733 000 barils par jour (b/j) en septembre, selon les données de l’Opep.

Depuis le début de l’année, ce sont 780 000 barils de brut qui sont « sortis » en moyenne journalière, soit plus que les 716 000 b/j de 2022, mais encore loin de l'objectif officiel de 1,7 million de barils par jour (Mb/j) assigné pour 2024 et encore davantage des 2,4 millions de 2016, avant que les États-Unis imposent des sanctions à l’industrie pétrolière de l’un des fondateurs du cartel des producteurs de pétrole.

Mais en 2017, le pays était à vrai dire déjà sur le chemin du déclin. Il exporte actuellement entre 400 000 et 600 000 barils par jour via la mer (les opérations de dissimulation via les STS exceptées), a calculé Gibson, société de courtage spécialisée dans le transport maritime de pétrole, en s’appuyant sur les données de suivi des navires.

Grâce à Chevron

Les flux vers les États-Unis sont passés de zéro à environ 130 000 b/j cette année, en grande partie grâce à Chevron, estime le courtier maritime. L'une des rares compagnies pétrolières encore présentes au Venezuela a été autorisée en mai dernier par la Maison Blanche à négocier sa licence avec son homologue vénézuélienne PDVSA pour reprendre ses activités dans le pays.

Depuis qu’elle a obtenu l’agrément en novembre dernier, la production conjointe a doublé et les exportations ont repris vers les États-Unis, son premier client d’autrefois. Mais avec environ 20 % de la production totale du pays, les coentreprises de Chevron ne sont pas en mesure de redresser l'industrie nationale.

Retour compétitif sur le marché pétrolier mondial ?

Les analystes du secteur estiment qu'il sera en effet difficile pour la compagnie pétrolière nationale d'augmenter ses exportations de manière significative sans investissements conséquents dans la production et la modernisation des infrastructures.

Le pays sort de deux décennies de sous-investissements majeurs. Une situation de déclin exacerbée ensuite par les sanctions financières et pétrolières américaines à partir de 2017. Un seul appareil de forage est actif dans le pays, contre plus de 80 en 2014, selon les données de Baker Hughes.

Le pays aurait besoin de « milliards de dollars pour remplacer les raffineries, construire des stations d'écoulement et des usines de valorisation du brut ou se doter d’une alimentation électrique fiable », indiquent les observateurs internationaux.

Cité par Reuters, Francisco Monaldi, expert en énergie latino-américaine au Baker Institute de l'Université Rice (école de recherche américaine privée basée à Houston), considère pour sa part que la production devrait augmenter de 170 000 à 200 000 b/j au cours des deux prochaines années grâce aux partenariats avec des sociétés étrangères.

À savoir si Chevron et ses homologues italienne et espagnole, Eni et Repsol, s'en tiennent aux plans approuvés par les États-Unis l'année dernière, et si Maurel & Prom obtient un permis similaire pour rembourser sa dette en exportant du brut vénézuélien, ajoute l’expert.

En juin 2022, Eni, présente dans le secteur pétrolier offshore du pays, et l'espagnol Repsol, qui a des intérêts dans le secteur onshore amont depuis 1993 et dispose d'une raffinerie à Carthagène, ont reçu l'autorisation des États-Unis d’exporter des « petits volumes de brut » vers l'Europe.

Le brut destiné à ces deux majors est en revanche traité comme un remboursement des dettes contractées par PDVSA. La transaction sans argent liquide est conditionnée à la livraison sur les marchés européens, sans possibilité de revente.

Effet repoussoir

Le fait que les sanctions soient suspendues et non abolies – et donc potentiellement réimposées – exerce un effet repoussoir pour les investissements sans parler des liens que le Venezuela entretient avec l'Iran et la Russie, source de complications diplomatiques.

« Néanmoins, cette évolution est incontestablement positive pour le marché des pétroliers, car elle devrait permettre de déplacer les volumes actuellement transportés de façon opaque par des pétroliers classiques », estime le courtier Gibson, qui recense au moins 169 pétroliers impliqués dans le commerce vénézuélien depuis l'entrée en vigueur des sanctions, dont plus de 50 VLCC, 80 suezmax/aframax et plus de 30 LR1/MR/handysize.

Des impacts peu probables sur les prix

Une augmentation de 200 000 à 300 000 b/j peut sembler importante en termes de pourcentage par rapport à une base mais cela ne représente qu'une augmentation de 0,2 % de l'offre mondiale totale.

Selon des sources de l'Opep+ (cadre élargie de l'Opep), non citées par Reuters, l'assouplissement des sanctions ne devrait donc pas engendrer de réaction significative sur les prix dans la mesure où le pays ne devrait injecter que de faibles quantités sur le marché. D’autant plus que, tout comme l'Iran et la Libye, le Venezuela est exempté des réductions de l'offre instaurées par l'Opep+ pour faire remonter les cours.

En termes d'impacts sur les flux, le retour du Vénézuela sur les marchés pourrait réduire la demande de brut russe, indiquent certains analystes. La Russie avait été un grand gagnant de l'embargo américain sur le pétrole vénézuélien. Il pourrait aussi pénaliser les exportations mexicaines, ce qui pourrait « accentuer les réductions de prix pour le brut mexicain », voire entrer en concurrence avec les barils canadiens dans les raffineries américaines du golfe du Mexique.

Du brut vénézuélien au détriment de qui ?

Si les experts ne croient pas à un effet spectaculaire sur les prix, ils sont moins sceptiques quant à une reconfiguration des flux au détriment de la Chine, leur principale destination actuelle.

Outre Chevron, dont la production a été redirigée vers les Étas-Unis, « plusieurs grandes compagnies pétrolières européennes ont également importé des volumes limités, également sous licence. On pense que les volumes restants finissent en Chine ou sont mélangés dans les eaux asiatiques avant d'être réexportés », confirme Gibson.

Les exportations du Venezuela vers la Chine, à la fois directement et par l'intermédiaire du transbordement, sont tombées à 437 000 b/j depuis le début de l'année. Elles étaient de l'ordre de 477 000 b/j en 2022, d'après les données de suivi des navires.

Adeline Descamps

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