La compagnie pétrolière et gazière qatarie avance à petits pas sur le vaste programme d’expansion de sa flotte qui va l’animer pendant quelques années. Elle pose pierre après pierre en prenant son temps. L’ex-Qatar Petroleum, qui a changé de nom l’an dernier en écho à sa réorientation vers des énergies plus respecteuses de l’environnement, vient de consacrer une nouvelle étape en officialisant le choix de Mitsui O.S.K Lines (MOL) pour l’affrètement de quatre méthaniers parmi la centaine (151 avec les options) qu’elle prévoit de faire construire d’ici 2027 sans que l’on en connaisse encore le nombre exact, les caractéristiques techniques, la ventilation entre les chantiers et l’agenda.
L’appel d’offres pour l'affrètement à long terme de sa future flotte avait été lancé il y a un an, en mars 2021. Selon les responsables qataris, d'autres armateurs ont été sélectionnés par Qatar Energy dans le cadre du processus et seront annoncés prochainement.
Lancement d’un programme historique
Avec la signature des accords d'affrètement, Hudong peut lancer la construction. « Ces contrats marquent le début de la phase de construction de notre programme d'expansion historique de notre flotte pour soutenir nos projets autour du GNL », a déclaré à l’occasion de la signature officielle Saad Sherida Al-Kaabi, qui cumule les fonctions de ministre aux Affaires énergétiques et de PDG de Qatar Energy.
Le deuxième exportateur mondial de GNL, détrôné de sa première place en 2021 par les États-Unis, avait signé en octobre dernier avec le chantier chinois Hudong-Zhonghua (groupe CSSC) un contrat de 770 M$ pour quatre unités.
Long processus de selection
C’est en 2020 que les choses s’étaient décantées à l’issue d’un long processus au cours duquel le nombre de méthaniers n’a cessé de varier tandis que le choix des chantiers navals a hésité entre la Chine et la Corée du Sud. En avril d’une année de pandémie mondiale, mettant un terme à un long feuilleton, le groupe chinois de construction navale China State Shipbuilding (CSSC) avait finalement été sélectionné par l’ex-Qatar Petroleum avec à la clé un mirobolant contrat de 2,86 Md$ pour la construction d’une première série. CSSC l’a confiée au seul chantier chinois capable de délivrer des méthaniers de grande taille, Hudong-Zhonghua, qui a son siège à Pudong (Shanghai).
L’accord sino-qatari avait été un véritable camouflet pour les chantiers sud-coréens (Hyundai Heavy Industries, DSME et Samsung Heavy Industries), maîtres mondiaux du segment et qui avaient jusqu’alors construit tous les méthaniers commandés par le Qatar de 2004 à 2007. Finalement, la fierté sud-coréenne sera saine et sauve. Le compagnie gazière finira par signer, quelques mois plus tard, d’autres accords avec HHI, DSME et SHI en leur réservant la majeure partie de leurs créneaux de construction de méthaniers jusqu’en 2027.
Un programme à 20 Md$
D’une valeur total de 20 Md$, la centaine de méthaniers doivent étoffer et moderniser la flotte de la qatarie dans les cinq ans en prévision d’une hausse de 43 % de sa production de GNL. La petite monarchie du Golfe entend porter sa capacité de 77 à 126 Mt/j d’ici 2027.
Les premiers navires seront exploités pour le transport de GNL extrait du champ gazier offshore North Field que le Qatar partage avec l'Iran. Mais Qatar Energy anticipe aussi sur les besoins de transport d'Ocean LNG, une coentreprise qu’il détient avec ExxonMobil (30 %), créée spécifiquement pour le projet Golden Pass LNG dans l’État du Texas aux États-Unis. D’une capacité de production de 16 Mt/an avec trois trains de liquéfaction, la mise en service de ce dernier est prévue en 2024.
Adeline Descamps