Jamais trop de jours sans nouvelles d'Euronav, le nouveau feuilleton maritime, aux rebondissements et intrigues jamais cousus de fil blanc grâce à des scénaristes redoutables.
En acquérant le 2 juin de nouvelles actions d’Euronav en bourse qui porte sa part au capital à 28,48 %, l’insatiable magnat du transport maritime John Fredriksen approche des 30 %, seuil qui l’obligera à lancer une offre publique d’achat ou d’échange auprès des autres actionnaires.
Le prix proposé devra alors être, selon les règles de la bourse, au moins égal au prix le plus élevé payé par l’initiateur au cours des 12 derniers mois pour acquérir les titres de l’entreprise cible.
26,1 M€ à nouveau investis
Dans une notification boursière, l’armateur de navires de transport de brut Euronav indique que Famatown Finance, une des sociétés qui gèrent les participations du tycoon à la double nationalité norvégienne et chypriote, a acquis 1,83 million d’actions supplémentaires pour un montant d'environ 26,1 M€, portant son portefeuille à 57,47 millions. Sa dernière prise de participation lui avait permis de détenir 26,46 % et de reprendre une position majoritaire.
Deux visions d'hommes que tout oppose
Depuis de long mois, Euronav est le théâtre d’une bataille d’influence entre ses deux principaux actionnaires, dont la montée progressive au capital, dans une forme de course à l’échalote, a pour unique enjeu d’imposer une vision personnelle à la tête de l’entreprise.
L’un, John Fredriksen, aurait aimé fusionner Euronav avec son rival historique Frontline, dont il est aussi actionnaire, pour donner naissance à un titan mondial dans le transport maritime de pétrole.
L’autre, la compagnie maritime belge (CMB), présidée par la famille d’armateurs Saverys (autour de 25 % du capital), l’a fait capoter pour défendre un projet de diversification dans le transport de carburants verts.
Entente cordiale tacite
Cette guerre d’usure, qui a embarqué toute une entreprise dans un tourbillon, a coûté le poste à son PDG, Hugo De Stoop, remercié en mai après 20 ans passés dans l’entreprise. Lieve Logghe, qui a rejoint le groupe en 2020, assure l'intérim en plus de ses fonctions de directrice financière.
Depuis l’échec de la fusion, le terrain de jeu s’est déporté sur les instances de gouvernance. Un modus vivendi tient aujourd’hui lieu d’accord tacite ou du moins est parvenu à atténuer les passions.
L’assemblée générale extraordinaire du 23 mars a acté l’arrivée au conseil de surveillance de deux représentants, l'un de la famille Saverys et l'autre de John Fredriksen. Si bien qu’Alexandre Savery et John Fredriksen y sont représentés de façon paritaire.
Rapports de force
Derniers rebondissements en date. Á l’occasion de la présentation de ses résultats pour le premier trimestre, qui a dégagé un bénéfice de 175 M$ contre une perte de 43 M$ l'année précédente, Euronav a annoncé l’arrivée de Julie De Nul en tant que membre indépendante du conseil de surveillance, ainsi qu’Ole Henrik Bjørainge. Une surprise car Julie De Nul, candidature proposée par la CMB, avait été rejetée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 23 mars.
John Fredriksen n’a fait aucun commentaire sur ses dernières manœuvres. En entrant au board, certains ont cru que l'homme d'affaires y aurait trouvé un espace où exposer sa vision stratégique pour le devenir du transporteur de brut. Il prouve à nouvelle fois son goût pour les rapports de force.
Adeline Descamps
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