Pourquoi un tel écart de performance entre terminaux portuaires et compagnies maritimes ?

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La période est faste dans le conteneur. Et pourtant, elle ne profite pas de façon égale aux deux secteurs étroitement liés que sont le transport maritime et les ports et terminaux. Dans une étude, la société de conseil Drewry a analysé les performances des deux activités du point de vue de l’investisseur.

Peut-on faire fructifier son capital en maximisant son rendement avec le transport maritime, secteur qui s’est révélé hautement volatile dans une période pandémique ? En fonction du degré d'acceptation du risque et du niveau de rendement attendu, est-il plus opportun d’investir en titres et en actions dans une compagnie maritime que dans un terminal portuaire ? Ce n’est pas tout à fait en ces termes que le consultant a posé les jalons de son analyse mais c’est bien les questions auxquelles il répond indirectement en passant au tamis les performances des deux typologies d’entreprises.

De prime abord, le consultant britannique part du postulat selon lequel les investisseurs pourraient repenser leurs stratégies d'investissement à la faveur l’exercice 2020, sans doute « l’une des années les plus étranges de l'histoire de l'humanité ».

Performance supérieure du transport maritime 

En 2020, l'indice Liner de Drewry (+ 119,6 %) a performé alors que son indice Port s’est replié de 22,4 %. L'écart s'est encore creusé en début d’année, l'indicateur des compagnies de la ligne régulière gonflé à l’hélium par la hausse des taux de fret discontinue depuis des mois résultant d’un boom de la demande en biens de consommation, les chalands prévus de loisirs et de services.

Incontestablement, le transport maritime traverse une période faste et inédite. « Le secteur a généré un revenu brut d’exploitation (Ebit) consolidé d'environ 27 Md$ et une marge d'exploitation de 13 % pour l'exercice 2020 ». Selon l’analyste, les fondamentaux sont suffisamment solides pour que la Lune de miel avec la rentabilité perdure au moins ces deux prochaines années. « Même en cas de crise, il semble très improbable que les compagnies maritimes retombent dans un cycle de pertes profondes », indique Drewry. Il en veut pour preuve le deuxième trimestre 2020, lorsque les transporteurs ont trouvé le moyen d'être rentables grâce à une gestion au cordeau des capacités – suspension des services, annulation des traversées prévues…–, alors que l’économie mondiale, terrassée par l’épidémie, avait mis un genou à terre. 

Restrictions, manque de main d’œuvre et arrivées de navires aléatoires pour les ports 

Dans le même temps, le secteur des ports et des terminaux a quant à lui été confronté à des fermetures, une disponibilité limitée de la main-d'œuvre et à des arrivées de navires aléatoires, ce qui a entraîné une congestion portuaire sur les principales routes commerciales.

En 2020, le trafic des ports à conteneurs (793 MEVP) a terminé l’année en retrait de 1 % (- 9 MEVP) contre une croissance de 2 % en 2019 et de 5 % en 2018. Non sans impact sur les revenus des opérateurs qui ont creusé l'écart avec ceux des compagnies maritimes de ligne. La marge moyenne des revenus d'exploitation des compagnies (13 %) reste néanmoins en deçà de celle des opérateurs portuaires (24 %), « le secteur portuaire bénéficiant généralement d'une concurrence limitée, d'une structure de coûts stable et d'une plus grande capacité à desservir un marché ciblé. » Cependant, avec la récente consolidation du secteur du transport maritime de ligne, les ports perdent leur pouvoir de négociation, ce qui se reflète dans la baisse de leurs marges Ebitda (bénéfices avant impôts et amortissements).

Dette réduite ou refinancée

Les investisseurs, qui goûtent peu les dettes, ont de surcroît été sensibles à la réduction manifeste de l’endettement des transporteurs maritimes qui ont profité de leurs bénéfices pour l’alléger. Et ce, même si les ports et des opérateurs de terminaux offrent un meilleur profil du fait « d’un faible ratio d'endettement net (dette nette/fonds propres) ».

Pour assainir les comptes, les compagnies n’ont pas hésité à actionner des « obligations vertes ». Hapag-Lloyd a en effet émis un prêt durable d'une valeur de 300 M€ à un taux d'intérêt inférieur de 2,5 % qui lui a permis de refinancer son obligation précédente de 300 M$ à échéance en 2024. De même, Seaspan a fixé le prix d'une nouvelle obligation « développement durable » de 300 M$ à 6,5 %. Soutenu par ses performances, le secteur a également vu ses notations recréditées, ce qui rassure en général les investisseurs les plus frileux.

Les exploitants de terminaux ont, quant à eux, dû se refinancer mais pour renforcer leurs structures de bilan. Le numéro deux mondial de la manutention portuaire Hutchison Port a ainsi émis 500 M$ d'obligations garanties. China Merchant Ports et le philippin ICTSI ont levé respectivement 600 et 800 M$ l’an dernier pour rembourser leur dette à prix élevé contractée pour financer des acquisitions. Le plus grand manutentionnaire indien Adani Ports a également levé 500 M$ sur le marché international de la dette, peu de temps après ses précédentes émissions de 300 M$ en décembre 2020 et 750 M$ en juillet 2020.

Dividendes plus élevés chez les exploitants portuaires 

Si les investisseurs dans les sociétés d'exploitation de ports et de terminaux bénéficient d'un rendement en dividendes plus élevé – de 3,5 % en moyenne (5,5 % pour les opérateurs chinois) – le cours des actions reste à la traîne de celui des compagnies maritimes.

ONE a annoncé 500 M$ de dividendes à ses trois sociétés mères – NYK Line, MOL et K Line –, une première depuis sa création en 2018. Maersk a plus que doublé le montant de son dividende par action en versant 330 couronnes danoises par action en 2020 (contre 150 couronnes danoises en 2019) avec un rendement de 2,4 %, le plus élevé depuis cinq ans. Le conseil d'administration d'Hapag-Lloyd a également proposé un dividende de 3,50 € par action, nettement supérieur au 1,10 € par action de l'exercice 2019, soit un ratio de distribution d'environ 65 % et un rendement de 2,8 %.

À la lumière de cette analyse, que devront retenir les investisseurs ? « Ceux ayant une plus grande tolérance au risque auront intérêt à rester investis dans le transport maritime par conteneurs malgré une valorisation élevée compte tenu du contexte de forte croissance, de taux d'intérêt bas et d'un potentiel de croissance élevé pendant au moins deux ans » conclut Drewry. Pour ceux qui attendent du revenu stable et des dividendes plus élevés, « ils devraient envisager de placer leurs fonds dans les exploitations de terminaux ». Avec une prime sur l’avenir : « les actions des opérateurs de ports et de terminaux ne se sont pas redressées autant qu'elles auraient dû, ce qui signifie que les investisseurs qui prennent des positions maintenant pourraient empocher d'énormes gains lorsque les actions se redresseront. »

Adeline Descamps

 

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