Les ro-pax de 230,5 m construits en Chine seront non seulement les plus longs ferries à être mis en service sur la Manche, mais aussi les premiers à double extrémité, ce qui permettra des rotations plus rapides dans les ports et des économies de carburant et d'émissions.
Le premier de cette série, le P&O Pioneer, a été livré par le chantier naval international de Guangzhou (GSI) le 28 février et devrait arriver à Douvres au début du mois d'avril. P&O a ouvert les réservations pour la saison d'été pour ce navire à partir du 1er mai, et il devrait être suivi par le sistership P&O Liberté dans le courant del'année.
Les deux ferries sont destinés à remplacer les Pride of Canterbury, Pride of Kent et Pride of Burgundy, plus petits et construits au début des années 1990. Ils navigueront sur la Manche aux côtés des Spirit of Britain et Spirit of France, qui étaient les plus grands jamais construits quand ils ont mis en service en 2011-12. La compagnie britannique aura alors la plus jeune flotte sur la Manche.
Les nouveaux ferries pourront chacun transporter jusqu'à 1 500 passagers, 200 voitures et 175 unités de fret, et comporteront de nouvelles caractéristiques telles que des fenêtres allant du sol au plafond, des zones de sièges extérieurs plus grandes, et des salons spéciaux Club, Quiet et Pet Lounges.
Polémique autour du courant à quai
Mais la caractéristique la plus innovante est le système de propulsion hybride diesel-électrique à batterie, qui, selon P&O, permettra aux navires de réduire le carburant et donc les émissions de dioxyde de carbone de 40 % par rapport aux précédents ferries de la Manche.
Cependant, la presse britannique s'est empressée de souligner que les navires ne seront pas en mesure d'exploiter pleinement les avantages de ce système hybride, car il n'y a pas assez de courant de quai disponible dans les ports de Douvres ou de Calais pour recharger les batteries, et ils devront donc le faire en mer en utilisant les moteurs diesel embarqués.
Cet impair lui vaut de nouvelles accusations d’incompétence. L’entreprise est sous le feu des critiques depuis le désastre des relations publiques de la compagnie en mars 2022, lorsqu'elle a brusquement licencié 800 employés britanniques, in extenso remplacés par du personnel intérimaire aux conditions d’emploi moins-disant. L’affaire a provoqué un tollé de la part du gouvernement britannique et des syndicats. P&O Ferries avait été contraint de suspendre ses services pendant plusieurs semaines.
La situation a traversé la Manche. Elle est en partie à l’origine des initiatives en France de compagnies opérant en transmanche, telles Brittany Ferries et DFDS, contre le dumping social si bien qu’une propositon de loi a été déposée.
9 000 traversées de la Manche
P&O se défend en arguant avoir consulté les deux ports sur leur disponibilité de branchement électrique à quai de ses nouveaux fleurons qui, selon elle, sont « à l'épreuve du temps » en ce sens qu'ils pourront fonctionner à l'aide de batteries électriques chargées à terre lorsque ces installations seront disponibles.
Le transporteur affirme avoir déjà réduit ses émissions de carbone de 85 000 t en 2022 mais admet qu’il le doit notamment à l'accord d'affrètement signé avec DFDS il y a 18 mois. En 2023, P&O prévoit d'effectuer seulement 9 000 traversées de la Manche, soit 7 000 de moins qu'en 2019, la dernière année comparable.
Robert Jaques
