P&O Ferries : après l'émotion, place à l'action politique

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La filiale du groupe émirati DP World semble avoir exploité quelques failles de la législation britannique sur le travail pour licencier sans préavis 800 marins britanniques. Le gouvernement veut y remédier en imposant aux exploitants navires basés au Royaume-Uni et opérant sur des lignes régulières de rémunérer a minima au salaire minimum britannique. Durant le week-end, la Maritime Coastguard Agency a jugé inaptes à la navigation plusieurs navires de P&O Ferries opérant avec du personnel de remplacement.

Le licenciement brutal de 800 salariés par P&O Ferries continue de faire des vagues outre-Manche. Dernier événement en date, ce week-end, lorsqu’un ferry de la compagnie, le Pride of Rotterdam, un des deux qui opèrent en Mer du Nord et qui avait été transféré au registre chypriote il y a quelques années dans le but de réduire les coûts d'exploitation. Il devait reprendre le service avec un équipage de remplacement mais a été retenu par la Maritime Coastguard Agency. Les garde-côtes ont jugé qu’il était « inapte à la navigation » alors que l'European Causeway était aussi retenu à Larne, en Irlande du Nord, en raison de « défaillances dans la familiarisation de l'équipage, la documentation du navire et la formation de l'équipage », selon la Maritime Coastguard Agency.

L’administration en charge de l’inspection des navires avait prévenu la semaine dernière que les navires de la compagnie britannique feraient l’objet de toutes les attentions avant qu'ils ne quittent le port afin de s'assurer des dispositions relatives à l'équipage. P&O Ferries avait indiqué pour sa part qu'elle redirigerait tous les services vers Belfast « pendant une semaine, le temps que le nouveau personnel soit intégré ».

Forcer la main à P&O Ferries

En fin de semaine dernière, le droit avait pris le relais de la consternation et de l’émotion populaire engendrées par les méthodes de P&O Ferries. Le ministre britannique des Transports, Grant Shapps, a déclaré le 25 mars qu'il comptait présenter cette semaine au parlement un cadre législatif permettant de bétonner la législation actuelle de façon à ce qu’elle ne présente plus de failles.

Il entend aussi modifier la loi afin que les navires basés au Royaume-Uni et opérant sur des lignes régulières en short sea, comme la desserte de la France ou de l’Europe du Nord, ne puissent plus payer leurs personnels en deçà du salaire minimum britannique (qui est actuellement de 9,50 £ soit environ 11,40 € par heure pour les marins de plus de 23 ans). Les marins en cours de recrutement par P&O pour remplacer les 800 licenciés toucheraient autour de 5,50 £ par heure (6,60 €).

À la lumière de ce changement législatif, le ministre des Transports a demandé expressément à l’entreprise britannique de reconsidérer ses licenciements. Et si la direction actuelle de P&O Ferries n’était pas en mesure de l’envisager, a-t-il ajouté, elle ne peut plus maintenir à son poste Peter Hebbelthwaite, auteur de propos « d'une arrogance incroyable ». L’actuel  PDG de P&O Ferries a admis la semaine dernière devant une commission parlementaire avoir sciemment enfreint la législation britannique sur le travail en ne consultant pas préalablement les partenaires sociaux comme elle l’y oblige parce qu’il savait son plan inacceptable pour les syndicats. Il a ajouté qu’il « recommencerait » dans les mêmes circonstances.

En difficulté depuis plusieurs années

Dans un courrier adressé au gouvernement le 22 mars, le transporteur avait précisé qu’engager des consultations n’aurait fait que retarder sa restructuration et se serait malgré tout traduit par des licenciements. P&O Ferries a enregistré une perte de 100 M£ (118 M€) en 2021, couverte par la maison-mère, DP World. « La situation n’est pas viable et sans des changements rapides et importants, l’ activité n'a pas d'avenir », avait martelé la direction. Le transporteur britannique est en effet en difficulté depuis de longs mois. À l’acmé de la crise sanitaire, il avait été contraint de licencier 1 100 personnes. 

Le Premier ministre Boris Johnson, dont le cabinet aurait été mis au courant de la décision de P&O Ferries selon Peter Hebbelthwaite, s’est rallié à la demande d’une démission tout en conseillant au personnel licencié d’intenter une action en justice.

Procédure cavalière qui pourrait s’avérer plus coûteuse 

La filiale de DP World estime pour sa part ne pas avoir enfreint le droit britannique car, ses navires étant enregistrés sous pavillon étranger, ils sont astreints à la législation dans les pays dans lesquels ils sont immatriculés. Ces derniers auraient du reste été informés.

Or, les travailleurs et les navires étant basés au Royaume-Uni, elle pourrait être tenue de verser des pénalités pour infraction à la législation, ce qui pourrait rendre l’opération bien plus onéreuse que si la procédure avait été respectée selon les règles britanniques. C’est du moins ce qu’estime David Ashmore, associé du cabinet d'avocats londonien Reed Smith dans une allocution à la City. « Dans certaines situations, il peut être moins coûteux pour une entreprise de payer les frais de pénalités que de se conformer aux exigences légales, mais les événements récents ont montré que les dommages à la réputation peuvent être très élevés », a déclaré l’avocat.

La direction de P&O a indiqué avoir proposé des indemnités de licenciement « généreuses » qui auraient déjà été acceptées par 575 personnes, totalisant 36 M£ (environ 43,2 M€), dont plusieurs dizaines d'employés en passe de toucher jusqu’à 100 000 £ (120 000 €) au regard de leur ancienneté, précise-t-elle.

Adeline Descamps avec Robert Jaques à Londres

 

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