P&O Ferries : vague d'indignations au Royaume-Uni

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Le licenciement sans préavis de 800 marins britanniques par P&O Ferries a choqué le Royaume-Uni au-delà du seul secteur maritime et portuaire. Les débats politiques sont vifs, oscillant entre demande de remboursement des aides d’État et dénonciation de la légalité de la procédure. Les traversées en ferry restent suspendues sine die, à l'exception de services limités en mer d'Irlande. Une partie des membres d'équipage est déjà remplacée par des marins indiens et philippins.

Le licenciement sans préavis, le 17 mars, de 800 marins britanniques par P&O Ferries continue de dominer l'actualité au Royaume-Uni. La façon dont le personnel a été traité a heurté au-delà du seul secteur du transport maritime, engendrant la consternation de la population et suscitant un vif débat politique. 

Défendant ses suppressions d'emplois, P&O Ferries a réaffirmé que l’entreprise n’étais pas viable sans réduction des coûts d'équipage dans la mesure où elle enregistre une perte de 100 M£ (119,4 M€) pour chacune des deux dernières années. Le personnel licencié est invité à postuler à nouveau pour son emploi par l'intermédiaire d'International Ferry Management (IFM), une société de gestion d’équipage créée à Malte il y a cinq semaines. Une pratique de « licenciement et de réengagement » fustigée par les syndicats. Entre-temps, les gestionnaires des équipages Columbia Shipmanagement (Chypre) et Clyde Marine (Écosse) ont été engagés pour fournir du personnel de remplacement afin de permettre rapidement la reprise des services.

 La compagnie exploite actuellement des services rouliers de fret et de passagers sur quatre lignes : Douvres-Calais ; Hull-Rotterdam ; Liverpool-Dublin et Larne-Cairnryan. Il dispose de deux grands ferries transmanche récents, les Spirit of Britain et Spirit of France, ainsi que des navires de plus ancienne construction, les Pride of Canterbury, Pride of Kent et Pride of Burgundy, tandis que les Pride of Hull et Pride of Rotterdam opèrent sur les lignes de la mer du Nord. En Irlande du Nord, P&O a déclaré qu'elle redirigerait tous les services au départ du port de Larne vers le port de Belfast « pendant une semaine, le temps que le nouveau personnel soit intégré ».

Sur les 800 licenciements, 200 sont des officiers, et ceux-ci se seraient vu offrir une prime de près de 20 000 £ (24 000 €) – payables après un an de service –, s'ils reprennent leur travail immédiatement, mais raméne à 10 000 £ s'ils tardent à accepter. D'autres membres d'équipage sont déjà remplacés par des marins indiens et philippins, dont certains sont employés à des conditions moins-disantes, avec un salaire de 2,50 € de l'heure, selon le syndicat RMT. 

P&O Ferries licencie brutalement 800 personnes et suspend tous ses services 

Procédure qui échappe au droit du travail anglais

Le gouvernement britannique a formellement dénoncé la manière dont les licenciements ont été effectués, s’est engagé à revoir tous les contrats existants avec la compagnie – notamment un contrat de transport de 4,39 M£ pour sécuriser l’approvisionnement dans le cadre du programme d'obligations de service public pendant la crise sanitaire –, et à contester la légalité de leurs actions. Toutefois, la démarche pourrait être vaine. Selon des sources juridiques, la procédure n’est pas asujettie au droit du travail britannique parce que la flotte de ferries P&O exploitée sur la Manche a été transférée à Chypre en mars 2019, en prévision du Brexit, tandis que d'autres navires sont enregistrés aux îles Caïmans.

Par ailleurs, certains journaux ont publié une note de service ayant fait l'objet d'une fuite, suggérant que le gouvernement était au courant des licenciements et qu'il a tacitement soutenu ces actions au motif qu'elles protègent les 2 200 autres employés de la compagnie et lui permettent de rester « un acteur clé du marché britannique ».

Dette de 146 M£

La situation est encore compliquée par une créance de 146 M£ (174 M€) que P&O Ferries doit au Merchant Navy Ratings Pension Fund, le régime de retraite des 24 000 travailleurs britanniques du secteur maritime. Si P&O Ferries ne rembourse pas sa dette, les autres contributeurs, y compris le gouvernement, devront combler le déficit.

Alors que DP World était heureux de reprendre les activités de services portuaires et maritimes de P&O lorsqu'il a racheté le groupe en 2006, la branche ferry a toujours semblé mal adaptée. Des sources ont suggéré au JMM que ce passif de pension rendait effectivement la société « invendable », les pertes induites par la pandémie de ces deux dernières années n'étant qu'une excuse pour « éteindre l'incendie ».

La Maritime and Coastguard Agency du Royaume-Uni a déclaré qu'elle inspecterait tous les navires de P&O Ferries avant qu'ils ne quittent le port afin de s'assurer des dispositions relatives à l'équipage. 

Robert Jaques

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