Maersk va produire 3 Mt de méthanol à partir de 2030

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Vincent Clerc, PDG de Maersk

Vincent Clerc, PDG de Maersk, lors de la cérémonie de baptême du Laura Maersk, le premier feeder au méthanol commandé et livré de la flotte de Maersk qui compte désormais 25 navires.

Alors que Maersk baptisait son Laura Maersk, premier feeder de la flotte de 25 navires au méthanol, le transporteur a annoncé la création de C2X, une société détenue par la holding du groupe, opérationnelle à partir de 2030 pour produire du méthanol vert à l'intention des secteurs industriels.  

Revendiqué comme le tout premier porte-conteneurs au monde propulsé au méthanol vert ou e-méthanol par son propriétaire, le Laura Maersk a été baptisé à Copenhague ce 14 septembre sur le quai qui loge le siège de Maersk. Une entrée fortement médiatisée et saluée par les confrères, à commencer par Rodophe Saadé sur son compte twitter. Le  PDG du groupe français CMA CGM a rejoint plus tardivement son concurrent danois sur le chemin du méthanol.

Il est le premier d’une petite flotte de 25 navires à double motorisation – méthanol vert et carburant conventionnel à faible teneur en soufre (VLSFO) –, attendue d’ici 2027.

Lorsqu’ils seront livrés, les porte-conteneurs, sous pavillon danois, remplaceront du tonnage ancien de taille similaire. Selon le transporteur, une fois le méthanol vert disponible, ils épargneront la planète d'environ quelque 2,5 Mt.

Un écho à l'iconique Laura

Le carnet de commandes au méthanol, réparti entre deux pays constructeurs – la Chine (Yangzijiang Shipbuilding) et la Corée du Sud (Hyundai Heavy (HHI) –, portera la capacité bas carbone du groupe danois à 343 500 EVP répartis sur des navires entre 17 000 et 9 000 EVP, excepté le feeder.

Portant la livrée blanc sur bleu de Maersk, ainsi que l'inscription « all the way to zero », le porte-conteneur de 2 100 EVP, qui a ouvert la voie aux autres commandes, est sorti de la cale sèche en avril, a entrepris le 10 juillet son voyage de 21 500 km depuis le chantier naval sud-coréen Hyundai Mipo vers la capitale danoise et a été livré durant l’été.

Pour son voyage inaugural, Maersk a opté pour le bio-méthanol, produit à partir du méthane issu de la décomposition des déchets organiques, soit une réduction certifiée des gaz à effet de serre de 65 %.

Il devrait entrer en service dans le courant de l'année sur des services baltiques. Son nom de baptême a été voulu comme un écho aux « premiers jalons innovants de l'entreprise », lorsque le capitaine Peter Maersk Møller a acheté le Laura, son premier navire à vapeur en 1886, pur produit de la deuxième révolution industrielle. Il est aussi le premier aussi à arborer l'étoile blanche à sept branches sur fond bleu clair si reconnaissable en mer.

Baptême du Laura Maersk à Coppenhague
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a été choisie comme marraine du premier porte-conteneurs au méthanol tel qu'il se revendique.
Crédit photo : ©A.P Moller Maersk

Ursula von der Leyen en marraine

Très symbolique et stratégique à la fois, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui a axé son mandat à la tête de l'exécutif sur la transition énergétique à marche forcée, a brisé la bouteille de champagne sur la proue en qualité de marraine au cours d'une cérémonie où ont pris la parole le président du conseil d’administration d'A.P. Møller-Maersk depuis juin 2022, Robert Maersk Uggla, arrière-petit-fils du fondateur de la société, qui a marqué le retour de la famille à la barre. Et Vincent Clerc, le PDG.

« Le Laura Maersk est une étape historique pour le transport maritime dans le monde entier. Il témoigne de l'esprit d'entreprise qui caractérise Maersk depuis sa création. Mais surtout, il est une preuve très concrète qu'il existe, quand l'industrie fédère, une voie vers un avenir durable. Ce nouveau navire vert est la percée dont nous avions besoin, mais il nous reste encore un long chemin à parcourir avant d'atteindre le niveau zéro », a déclaré à l’occasion de l’évènement le dirigeant.

Pour rappel, le numéro deux mondial du conteneur s'est fixé l'objectif de réduire à zéro ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2040 et de transporter au moins 25 % de son fret à l'aide de carburants verts d'ici à 2030. Le renouvellement récent de son accord avec le mastodone du e-commerce Amazon s’inscrit dans ce cadre.

Défi de l'avitaillement

Pour s'assurer l'avitaillement de sa nouvelle flotte avec un carburant non disponible à ce stade, la compagnie a trouvé une parade en créant sa propre chaîne d'approvisionnement. Elle a ainsi signé plus de dix contrats d'achat à long terme à ce jour (CIMC ENRIC, European Energy, Green Technology Bank, Ørsted, Proman, WasteFuel, Bego, etc....) qui devraient lui assurer au moins 730 000 t de méthanol vert par an d'ici à la fin de 2025 (et 500 000 t supplémentaires après cette échéance). Des volumes qui répondront aux besoins des premiers porte-conteneurs livrés.

A.P. Møller Holding ne semble pas s’en contenter. En témoigne la création de la société C2X (60 emplois), détenue à 80 % par la holding aux côtés de sa filiale maritime Maersk (20 %).

A partir de 2030, elle produira 3 Mt du combustible star de demain (élu comme tel par les armateurs). Elle sera dirigée par Brian Davis, dont le CV affiche 35 ans d’expériences dans le secteur de l’énergie, notamment chez Shell.

Selon le communiqué de la holding, diffusé le jour même, la création de l’entreprise résulte d’une « levée de fonds réussie », dont le montant n’a pas été précisé.

Une demande en méthanol vert estimé à 300 Mt

Elle répond aux projections du groupe de transport et de logistique selon lequel la demande annuelle de méthanol « pourrait tripler d’ici 2050 pour atteindre quelque 300 Mt, portant essentiellement en méthanol vert ».

C2X a vocation à produire du méthanol vert mais sans exclusivité accordée au transport maritime. Tous les secteurs industriels sont adressés, surtout les plus difficiles à décarboner, à l’instar de la chimie, du textile et des carburants.

Les deux premiers sites implantés pourraient l’être en Égypte, proche du canal de Suez, et à Huelva en Espagne, où la principale société gazière espagnole Enagás a établi une usine de regazéification de GNL.

Dans le JO espagnol en date de 24 juillet, on en trouve une trace. Il est question d’une demande par une filiale de Maersk d'une concession pour la construction et l’exploitation d'une unité de production de carburants renouvelables (465 000 m²), à savoir des carburants synthétiques, e-carburants et/ou biocarburants.

185 navires en commande

Alors que le méthanol est quasi exclusivement d’origine fossile, la disponibilité limitée et les coûts élevés du méthanol vert font tousser les sceptiques quant à la possibilité d’en faire le carburant du transport maritime à brève échéance.

Selon les estimations du courtier Braemar, le nombre de navires capables de carburer au méthanol en commande, donc à double motorisation, s'élevait à 185 au 6 septembre, contre 135 à la fin du mois de mai.

Si le rythme actuel des commandes se maintenait, prévient le Lloyd's Register, la demande de méthanol pour les soutes pourrait dépasser les 6 exajoules (EJ) d'ici 2050, soit 43 % de la consommation totale de combustibles de soute quand la production de méthanol prévue est de 7,7 EJ au niveau mondial, tous secteurs confondus.

Dans une analyse de plusieurs scénarios de mélange de combustibles de soute, la société de classification prévoit que la demande moyenne du secteur maritime en méthanol vert devrait représenter 13,4 % de la consommation totale de combustibles de soute d'ici à 2050 (1,8 exajoules), le biométhanol, 8,6 % et l'e-méthanol, 4,8 %.

En comparaison, la demande d'ammoniac bas carbone s'élèvera à 6,06 EJ et celle de biométhane liquéfié à 4,58 EJ

« Les projections à long terme pour le méthanol sont en moyenne inférieures à celles de l'ammoniac et du biométhane en raison des inquiétudes concernant le coût du carbone, ce qui limiterait les commandes futures », explique le LR.

La production d'e-méthanol et d'e-ammoniac nécessite de l'hydrogène renouvelable, mais le premier a également besoin de carbone biogénique capturé, pas le second. Or entre les deux carburants alternatifs, le méthanol a la préférence des armateurs car il apparaît comme plus rapidement disponible alors que l’ammoniac fait figure de « technologie esperée » en attendant d’avoir résolu ses problèmes de toxicité et de corrosion des moteurs.

Production d'ammoniac vert de 87,5 Mt en 2030

Une autre société de classification, ABS, estime pour sa part que la production d'ammoniac vert devrait atteindre 87,5 Mt en 2030, contre 14,3 Mt pour le méthanol.

« Si les armateurs peuvent utiliser du méthanol gris pour réduire jusqu'à 10 % les émissions "citerne-à-sillage" (émissions en aval) à court terme, des volumes suffisants de méthanol vert doivent être disponibles pour répondre à la demande future, car les régulateurs passent à une comptabilisation au sillage », estime ABS.

Si l'adoption du méthanol comme carburant se poursuit au même rythme qu'aujourd'hui, la disponibilité de son équivalent gris pourrait être limitée par la demande d'autres secteurs de l'industrie chimique, alerte encore la société.

Un prix de 791,58 $ par tonne

S&P Global Commodity Insights estime pour sa part le coût de l'ammoniac vert produit à partir d'énergies renouvelables sur la côte américaine du Golfe du Mexique à 791,58 $ par tonne pour livraison en Europe du Nord-Ouest. L'e-méthanol est évalué à 2 429,8 $/t sur une base FOB Rotterdam.

Autre embûche : la rareté du produit incite les opérateurs de navires à nouer des contrats d’approvisionnement à long terme. Une solution à laquelle ne pourront pas forcément accéder les plus petits d’entre eux.

Adeline Descamps

Le méthanol n'est pas toujours vert

Le méthanol, carburant marin se décline en nuances plus ou moins respectueuses du climat.

D'après la classification de Bureau Veritas Marine & Offshore, le méthanol brun est produit à partir de charbon et ne réduit pas de manière significative les émissions de CO2 quand il est mesure du "berceau à la tombe" c'est-à-dire lorsque les impacts environnementaux associés à toutes les étapes sont prises en compte, depuis l’extraction de la matière première jusqu’à la transformation, la production, distribution, transport...

Le méthanol gris est produit à partir de gaz naturel et ne réduit pas de manière significative les émissions de CO2 (tout au long de la chaîne).

Le méthanol bleu est produit à partir d'hydrogène bleu, qui est extrait du gaz naturel et complété par la technologie de capture et de stockage du carbone. Il permet de réduire considérablement les émissions de CO2.

Le méthanol vert peut être du bio-méthanol fabriqué à partir de la biomasse ou de l'e-méthanol, fabriqué à partir d'hydrogène vert (qui provient de la capture du CO2 et de l'énergie renouvelable, comme les turbines éoliennes). Les deux sont considérés comme permettant la neutralité climatique.

 

 

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