La concomitance entre la livraison des navires et l'approvisionnement en carburant est un des défis de la décarbonation du transport maritime.
Pionnier avec sa future flotte en méthanol, l’armateur danois de porte-conteneurs est engagé dans une course contre la montre pour garantir l’approvisionnement de ses 19 navires, tous livrés d’ici 2025.
D’après notre relevé, il s’agirait du neuvième accord du genre après ceux engagés par Maersk auprès de Carbon Sink, CIMC ENRIC, Debo, European Energy, Green Technology Bank, Orsted, Proman et Wastefuel.
Premier flux à partir de 2026
Dans le cadre de la sécurisation de son approvisionnement pour sa future flotte de dix-neuf porte-conteneurs au méthanol vert, l’armateur danois a signé une nouvelle lettre d'intention avec la société américaine SunGas Renewables, une filiale de GTI Energy, un groupe dont les technologies et systèmes servent à la production de gaz de synthèse renouvelable nécessaire à la fabrication d'hydrogène, de biométhane et de biocarburants renouvelables pour la propulsion des secteurs maritime et aérien.
Le protocole, similaire à celui qui a été convenu avec une autre Américaine, Carbon Sink, porte sur la production de méthanol vert par SunGas dans plusieurs sites aux États-Unis dont les volumes seront totalement réservés à Maersk. Les premiers flux sont prévus à partir de 2026 et la capacité de production annuelle est estimée à quelque 390 000 t. L’énergie sera fabriquée à partir de déchets issus de la sylviculture et de l'industrie du bois.
Geste inaugural avec un premier feeder
Depuis la commande, en juillet 2021, d’un premier feeder à Hyundai Mipo Dockyard (HMD), qui devrait être mis à l’eau en 2023 pour opérer en Baltique, le numéro deux de la ligne régulière s’affaire à sécuriser l’avitaillement de ses futurs navires décarbonés.
Pionnier dans les navires au méthanol vert, dont la disponibilité et les infrastructures d’avitaillement ne sont pas garanties à ce jour, Maersk y pallie. En s’engageant sur des contrats d’achat, il entend donner des signaux à l’industrie pour amorcer la pompe et contribuer à rendre le futur carburant plus compétitif, sans attendre qu’un mécanisme-relais compense le différentiel entre les énergies fossiles et les alternatives vertes.
Un coût encore élevé
Si le méthanol d’origine fossile revient entre 100 et 250 $ la tonne, le bio-méthanol se situe dans une fourchette entre 320 et 770 $/t, selon les paramètres. En améliorant les process, les coûts pourraient être réduits, entre 220 et 560 $/t, indiquent des organismes tels que l’Institut du méthanol
Quant e-méthanol (complètement vert), obtenu en combinant de l’hydrogène vert produit à partir de l'électricité renouvelable et du CO2 biogénique, son coût de production varie selon le prix de ces deux « intrants ». Il est estimé entre 800 à 1 600 $/t en supposant que le CO2 provienne du captage et stockage du carbone. Mais si le CO2 est obtenu par captage direct dans l'air, dont les coûts sont actuellement de 300 à 600 $/t, il reviendrait alors entre 1 200 à 2 400 $/t.
Course contre la montre
Pour Maersk, c’est une course contre la montre. Les commandes à ce jour passées – dix-neuf avec la dernière commande signée le 5 octobre avec Hyundai Heavy Industries (HHI) de six navires supplémentaires de 17 000 EVP bicarburant –, seront livrées d’ici 2025. Les huit premiers avaient été commandés en août 2021. Maersk avait ensuite exercé son option pour quatre autres en janvier 2022.
Ainsi, la compagnie danoise s'est notamment associée en mars à six sociétés, fournisseurs d’énergies, pour sécuriser au moins 730 000 t de méthanol par an d’ici 2025.
Des accords signés en cascade
Pour son feeder, Maersk a contracté avec Reintegrate, filiale du groupe danois d’énergies renouvelables European Energy, qui sera en mesure de lui assurer 10 000 t d'e-méthanol, de source solaire.
La compagnie a par ailleurs investi dans WasteFuel, qui produit du bio-méthanol et biogaz à partir des déchets agricoles et ménagers. L’entreprise californienne aurait la capacité de lui fournir environ 300 000 t par an dès 2024 à partir d'un projet de bio-méthanol développé en Amérique du Sud. Mais dans l’absolu, l’offre de biomasse est limitée car elle entre en concurrence avec les demandes d’autres secteurs.
En août, le danois a conclu un accord avec le chinois Debo Energy portant sur l’achat de 200 000 t alors que la production sera lancée en septembre 2024. Récemment, Maersk a signé un accord-cadre massif de 10 Md€ sur l'e-méthanol avec le gouvernement espagnol. S’il se concrétise, il pourrait permettre de produire jusqu'à 2 Mt par an.
Dernier accord en date, en novembre, le groupe a conclu avec la société américaine Carbon Sink qui installer des unités de méthanol vert aux États-Unis, la première au sein de l'usine de transformation du maïs en éthanol de Red River Energy dans le Dakota.
La première unité aura une capacité de production d'environ 100 000 t par an à partir de 2027, date estimée pour son lancement. Maersk prévoit d'en acheter la totalité.
Adeline Descamps