Les principaux producteurs de pétrole étaient dans l’impasse depuis début juillet en raison d’un désaccord entre l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis faute de consensus sur les quotas de production de brut et les volumes de pétrole à restituer au marché à partir du mois d'août et jusqu’à la fin de l’année. Le sommet de l’OPEP début juillet s'est terminé en un temps record. Les vingt-trois pays de l'OPEP+, le cartel emmené par l'Arabie saoudite et la Russie, achoppent aussi sur la reconduction de l'accord signé en avril 2020, qui verrait les réductions actuelles de 5,8 millions de barils par jour (Mb/j) maintenues jusqu'à la fin 2022 (pour rappel, l’OPEP produisait 9,7 Mb/j avant la pandémie) alors qu’il devait expirer en avril 2022.
Par cet accord, les pays producteurs de pétrole avaient convenu de fermer les vannes de l’or noir afin de maintenir l’équilibre du marché face à une demande moribonde, chaque pays étant assigné à un quota de réduction fixé par rapport à son niveau d'octobre 2018. Cette politique de restriction de l’offre a plutôt bien réussi et n’est pas étrangère au récent raffermissement des prix des deux références du pétrole brut, le Brent et le WTI, passés ces dernières semaines au-dessus des 70 $.
Un peu moins de 1,7 Mb/j injectés
Au fil du temps, le groupe a progressivement assoupli ces réductions et en mai, l’alliance avait décidé de réinjecter du brut dans les tuyaux de façon plus franche, en restituant 2,1 Mb/j. Alors que le cartel des pays producteurs devait décider de la marché à suivre, Abou Dhabi a bloqué, opposé à l'idée saoudienne de prolonger le pacte jusqu'en décembre 2022 sans obtenir un quota de production plus élevé. Actuellement de 3,17 Mb/j, l’émirat souhaiterait qu’il soit relevé à 3,8 Mb/j.
C’est ce noeud qui s’est dénoué ces dernières heures. Pour surmonter ce désaccord, l'OPEP+ a convenu de nouveaux quotas de production pour plusieurs membres à partir de mai 2022, notamment les EAU, l'Arabie saoudite, la Russie, le Koweït et l'Irak. Les Émirats arabes unis verront leur production de référence passer à 3,5 Mb/j à partir de mai 2022. Pour l’Arabie saoudite et la Russie, elle a été fixée à 11,5 Mb/j chacune, contre 11 millions actuellement. L'Irak et le Koweït verront leur base de référence augmenter de 150 000 b/j chacun.
Tout supplement porte le risque du surplus
L’ensemble injecterait dans le marché un peu plus de 1,5 Mb/j, ce qui est loin d’être anodin. Tout supplément apporté au cours des prochains mois dans le contexte d’une demande hyper volatile porte le risque de faire basculer le marché dans le surplus et ainsi de tirer les prix vers le bas. D’autant qu’il faudra peut-être composer avec le retour de la production iranienne si les négociations entre les États-Unis et l'Iran à Vienne aboutissent à une levée des sanctions pétrolières. Téhéran a pompé (officiellement) 2,5 Mb/j en mai et produisait 3,8 millions de bpj en 2018 avant que les États-Unis ne renforcent leurs sanctions, selon les données de l'OPEP.
Avant cela, d'août à décembre 2021, l’OPEP augmentera l'offre de 2 Mb/j supplémentaires, soit 0,4 Mb/j par mois, a indiqué l’Organisation dans un communiqué. Les prix du pétrole ont chuté de plus d'un dollar le baril à l’issue de cette dernière réunion, suscitant des inquiétudes quant à une surabondance de l'offre.
D’où qu’elle vienne, les exploitants et propriétaires de flotte de pétroliers attendent cette augmentation de l’offre alors que les fondamentaux du marché repassent au vert. La demande mondiale de pétrole a bondi en juin de 3,2 Mb/j pour atteindre 96,8 Mb/j, indique l’Agence internationale de l’énergie (IAE). Les stocks sont, eux, en forte baisse alors que dès août, le marché sera en déficit d’offre.
Hausse des prix ?
Selon la banque d'investissement américaine Goldman Sachs, l'accord de l'OPEP+ soutient son point de vue quant au prix du pétrole. « L'accord porte sur deux points distincts : une augmentation modérée de la production qui maintiendra le marché en déficit dans les mois à venir, ainsi qu'une orientation pour une capacité plus élevée qui sera nécessaire dans les années à venir ».
Goldman rehausse de 2 $ ses prévisions de prix pour le Brent cet été, soit 80 $/b et de 5 $ par rapport à ses prévisions pour l'année prochaine, soit 75$/b. Toutefois, la banque américaine s'attend à ce que les prix du pétrole fluctuent dans les semaines à venir en raison des risques liés à la variante Delta. Quoi qu’il en soit, le catalyseur de la prochaine hausse des prix bascule de la demande vers l'offre, « avec des risques à la hausse pour les prévisions de prix dans les mois à venir ».
A.D.
Décryptage : Les armateurs de pétroliers suspendus au bon vouloir de l'OPEP