Cinq navires iraniens chargés de pétrole et d'additifs pour l'industrie pétrolière viennent au secours du Venezuela. Les deux alliés provoquent le mécontentement des États-Unis qui voient ce rapprochement d'un mauvais œil et aimeraient bien remettre la main sur le pétrole vénézuélien. La Marine nationale a été placée en alerte.
Les deux premiers navires iraniens, Fortune et Forest, sont arrivés ces deux derniers jours dans les eaux vénézuéliennes et ont aussitôt été escortés par des navires et des avions de la Force armée nationale bolivarienne. Trois autres sont attendus. Ils devraient apporter une bouffée d'oxygène à un pays malmené depuis des années par une sévère crise économique, amplifiée encore ces derniers mois par l'épidémie mondiale de coronavirus.
L'ennemi de mon ennemi est mon ami. C'est le principe qui régit parfois les relations internationales, et notamment celles entre l'Iran et le Venezuela. Le second a appelé le premier à la rescousse afin de lui fournir du pétrole et, plus ambitieux, de remettre en route son industrie pétrolière. Malgré l'interdiction de Washington et l'embargo qu'ils subissent tous les deux.
Donald Trump n'a évidemment pas apprécié le rapprochement. Il a menacé de prendre de « sérieuses mesures » contre les navires iraniens. Le ministère des Relations extérieures iranien a aussitôt rétorqué par un courrier envoyé au secrétaire général des Nations Unies dans lequel il accuse le président nord-américain de piraterie. « Les menaces illégales, dangereuses et provocatrices des États-Unis sont une sorte de piraterie et mettent en péril la paix et la sécurité internationales. »
Équipements obsolètes
En toile de fond s'entremêlent toutes les tensions entre le Venezuela et les États-Unis. Le pays, comme l'Iran par ailleurs, est sous embargo américain, le Président Donald Trump a reconnu le Président auto-proclamé Juan Guaido et a dans son collimateur la majeure partie du gouvernement vénézuélien, à commencer par son président, Nicolas Maduro, et son ministre du Pétrole récemment nommé, Tareck El Assaimi.
Le Venezuela ne peut pas importer les produits chimiques nécessaires au raffinage de son pétrole, et pas davantage les pièces dont il a besoin pour l'entretien et la maintenance de ses puits de pétrole, tous fournis à l'origine par les États-Unis. Les équipements sont obsolètes et le pays, qui détient pourtant les premières réserves de la planète, ne parvient pas à subvenir à ses propres besoins. La société pétrolière d'État, PDVSA, est à l'agonie.
90 % des recettes du pays
À l'export, tout achat de pétrole vénézuélien est interdit par les États-Unis et quiconque brave l'interdit est poursuivi et à son tour pénalisé. Cerise sur le gâteau, Donald Trump fait planer la menace d'une intervention militaire sur le pays d'Amérique du Sud.
C'est dans ce contexte que le ministre Tareck El Aissami, d'origine libano-syrienne, a été nommé fin avril au ministère du Pétrole vénézuélien avec pour mission de « restructurer et réorganiser l'industrie pétrolière nationale » qui représentait 90 % des recettes du pays. Il y a dix ans, le Venezuela produisait 3 millions de barils/jour (Mbj). Il est depuis tombé à 700 000 barils/jour.
Il a aussitôt bravé les menaces américaines pour chercher d'autres fournisseurs. Et a conclu un accord avec l'Iran pour des importations de carburant destiné à son propre marché intérieur et des adjuvants pour raffiner son pétrole.
Le salut dans la privatisation de l'industrie pétrolière vénézuélienne
Parmi les pistes qui se dessinent pour redresser l'industrie pétrolière, celle d'une privatisation de PVDSA. Une position étonnante dans un pays socialiste qui a jusque là plutôt pratiqué les nationalisations. Mais l'heure est au sauvetage et l'État n'en a plus les moyens.
Pas question pour autant de se tourner vers l’ancien allié américain. Parmi les sauveteurs possibles apparaît donc l'Iran, avec lequel Tareck El Aissami aurait des relations étroites du fait de ses origines familiales. C'est ainsi que le Venezuela a réceptionné les premiers des cinq navires. Au total, ils transportent 1,5 millions de barils de carburant. L'entraide ne s'arrêterait pas là et l'Iran serait également associé au projet de reconstruction de l'industrie pétrolière nationale.
Mais les experts américains émettent des doutes quant à ce redémarrage. Pour eux, tant que seront maintenues les sanctions américaines, tout projet de relance sera voué à l'échec.
Myriam Guillemaud Silenko
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