Les tarifs des méthaniers atteignent les 500 000 $ la journée

Article réservé aux abonnés

La réduction continue par la Russie des flux de gaz naturel vers l'Europe a fait grimper les prix du GNL à des niveaux douloureux et perturbé les flux maritimes. Au grand profit des méthaniers. De 100 000 $ mi-septembre, certains méthaniers ont été affrétés pour 500 000 $ par jour dans le bassin Atantique. Les analystes n’excluent par le million au quatrième trimestre. Tous les critères attestant d’un marché en contago sont réunis, ce qui accroît l'intérêt pour le stockage flottant.

La neige n’est pas encore tombée que les tarifs des méthaniers atteignent des niveaux plusieurs fois supérieurs à ce qui est observé lorsque l’hémisphère nord ressent les frimas de l’hiver. Alors que la bulle a éclaté pour les porte-conteneurs et les vraquiers qui ont connu ces deux dernières années leur fièvre, créée par la demande artificielle liée à la pandémie, les navires-citernes naviguent à leur tour dans la déraison.

La quasi-totalité de la flotte mondiale de méthaniers est bloquée sur des affrètements à long terme. L’offre disponible pour les transactions spot est donc limitée alors que les tensions en Europe sur l’approvisionnement en gaz a stimulé la demande de court-courrier entre le Golfe des États-Unis et l'Europe.

Le Vieux Continent a compensé la forte baisse des approvisionnements en gaz russe par des importations de GNL, notamment américain, complétés par des approvisionnements alternatifs par gazoducs en provenance de Norvège et d'ailleurs. L'explosion de la demande européenne de GNL – en hausse de 65 % au cours des huit premiers mois de 2022 par rapport à l'année précédente – a détourné l'offre des acheteurs traditionnels de la région Asie-Pacifique, où la demande a chuté de 7 % au cours de la même période en raison des prix élevés, du temps doux et de la poursuite des fermetures de Covid en Chine.

Le transport maritime, hyper réactif aux soubresauts du monde, a réagi.

De 100 000 à 500 000 $/j en trois semaines

Mi-septembre, un méthanier TFDE (tri-fuel diesel electric) dépassait allégrement les 100 000 $ sur le marché spot pour un emploi d’un mois dans le bassin Altantique tandis que les navires à moteur à deux temps, dits MEGI (Electronically Controlled, Gas Injection) ou XDF, fort demandés avec leur propulsion bicarburant flexible, étaient évalués à 170 000 $/j. Les contrats d'affrètement à temps d'un an pour ces deux types de propulsion se négociaient, eux, entre 170 000 et 220 000 $/j.

À peine trois semaines plus tard, les tarifs de référence spot et affrètement à temps s’affichaient, la semaine dernière, à 276 700 et 313 000 $/j, respectivement. « Selon les courtiers, les propriétaires peuvent désormais réaliser une économie à trois voies, ce qui signifie qu'ils sont rémunérés non seulement pour un voyage aller-retour régulier, mais aussi pour des voyages de positionnement. Par conséquent, les gains sur une base aller-retour pourraient être d'environ 500 000 $ par jour », indique un analyste de Clarksons.

Shell a par exemple réservé le méthanier de 174 000 m3 Yiannis, appartenant à Maran Gas, pour charger une cargaison américaine à la fin du mois d'octobre en vue d'une livraison en Europe à un taux équivalent à 400 000 $ par jour sur la base d'un aller-retour, a rapporte Bloomberg, citant des traders. « Le marché se resserre rapidement et les sociétés, principalement en Europe, cherchent à obtenir les derniers navires restants avant l'hiver », explique Spark Commodities.

Si les affréteurs mettent le prix fort pour mettre la main sur les navires, la valeur des cargaison le justifie pleinement : « ils peuvent gagner jusqu’à 133 M$ pour une seule cargaison rien qu’en achetant du gaz naturel américain et en l'expédiant en Europe », indique pour sa part Clarksons.

Structure du marché en contango

Parallèlement, « le marché du GNL présente une forte structure de contango [prix spot inférieur à ceux du marché à terme, NDLR], ce qui accroît l'intérêt pour le stockage flottant. Il semblerait qu'un grand nombre de méthaniers chargés attendent maintenant au large du sud de l'Europe », glisse-t-il en référence à l'accumulation d'un grand nombre de méthaniers chargés sans destination fixe.

Les majors pétrolières, les négociants en matières premières et autres entreprises du secteur de l'énergie appliquent une politique conservatrice de leurs volumes et navires avant le pic de la saison hivernale. Tout concourt au stockage flottant : outre le phénomène de contango, observé entre novembre et janvier, les stocks importants en Europe et Asie du Nord et la possibilité d'une hausse de la demande en cas de vague de froid.

Selon les données de S&P Global Commodity Insights, il y avait jusqu'à 31 méthaniers en stockage flottant au cours de la semaine du 3 octobre. Il faut remonter à la mi-2020 pour retrouver un tel niveau (30).

Dès le milieu de l'année 2022, les acteurs du marché indiquaient que les affrètements de courte durée (six à douze mois) étaient largement pébiscités et au troisième trimestre, les navires disponibles pour le marché spot sont devenus plus que rares.

Resserrement du marché

Si les installations de stockage de l'UE étaient remplies à près de 90 % à la fin du mois de septembre, l'absence d'approvisionnement russe pose des problèmes pour leur remplissage l'année prochaine, alerte l’AIE. Dans son dernier rapport trimestriel, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipe un resserrement du marché du gaz qui devrait de surcroît se poursuivre en 2023.

« La consommation mondiale de gaz devrait diminuer de 0,8 % en 2022 en raison d'une contraction record de 10 % en Europe et d'une demande inchangée dans la région Asie-Pacifique. Elle ne devrait croître que de 0,4 % l'année prochaine, mais les perspectives sont soumises à un niveau élevé d'incertitude, notamment en ce qui concerne les actions futures de la Russie et les impacts économiques de prix énergétiques durablement élevés. »

Les prix du gaz naturel en Europe et les prix spot du GNL en Asie ont atteint des sommets au troisième trimestre. Cela a réduit la demande de gaz et incité à se tourner vers d'autres combustibles tels que le charbon et le pétrole pour la production d'électricité. La consommation de gaz en Europe a diminué de plus de 10 % au cours des huit premiers mois de cette année par rapport à la même période en 2021, en raison d'une baisse de 15 % dans le secteur industriel, les usines ayant réduit leur production.

La demande de gaz naturel en Chine et au Japon est restée quasiment inchangée au cours de cette même période, tandis qu'elle s'est contractée en Inde et en Corée. En Chine, elle devrait augmenter de moins de 2 % cette année, son taux de croissance annuel le plus faible depuis le début des années 1990. Pendant ce temps, les prix du gaz naturel aux États-Unis ont atteint leurs niveaux estivaux les plus élevés depuis 2008, note encore l’AIE. Pourtant, le continent nord-américain a été l'une des rares régions du monde où la demande a augmenté, soutenue par celle de la production d'électricité.

L'AIE prévoit que les importations de GNL de l'Europe augmenteront de plus de 60 milliards de m3 cette année, soit plus du double des capacités d'exportation de GNL dans le monde, ce qui devrait maintient les échanges sous forte pression à court et moyen terme.

Adeline Descamps

 

Shipping

Marchés

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15