Les affaires patinent vraiment pour HMM, dont la privatisation partielle, lancée en janvier 2023, ne se déroule décidément pas comme prévu.
En février dernier, le groupe agroalimentaire sud-coréen Harim, adossé à la société de capital-risque JKL, avec lesquels les actuels actionnaires publics de HMM devaient finaliser la vente de 57,9 % de son capital, devait jeter l'éponge à quelques jours du terme fixé pour la clôture des négociations exclusives, faute de s’entendre sur les termes et les conditions de l’accord de vente définitif.
Les échanges du groupe sud-coréen privé avec les actuels actionnaires publics de HMM – la Korea Development Bank (KDB avec 20,7 %) et la Korea Ocean Business Corp. (KOBC avec 19,9 %) – ont notamment buté sur les restrictions imposées sur les dividendes, la vente d'actions et les nominations au conseil d'administration. La conversion aurait réduit la participation de Harim de 57,9 à 38,9 %.
La vente ajournée sine die
Alors que l’opération aux 4,9 Md$ devait aboutir au premier semestre 2024, le ministre sud-coréen des Océans et de la Pêche, Kang Do-hyung, a déclaré lors d'un forum gouvernemental le 7 mars, que le gouvernement n'envisageait plus de vendre « de sitôt » sa participation dans HMM.
« Je me contenterai donc de dire que nous travaillons sur un plan visant à garantir un fonctionnement sain de l'entreprise. Notre priorité sera de stabiliser les opérations de HMM avant de reconsidérer une vente », ont relayé les médias sud-coréens. Une décision qui va apaiser les syndicats de HMM, vent debout contre l'opération.
Ce faisant, le représentant du gouvernement sud-coréen a mis fin aux spéculations selon lesquelles les bailleurs publics de HMM pourraient s'adresser à l’un des trois soumissionnaires retenus – Dongwon, autre grand groupe agroalimentaire familial dans les produits de la mer et investi dans le Dongwon Pusan Container Terminal – avant qu’il ne soit écarté au profit de Harim Group-JKL Partners.
Le troisième soumissionnaire, la société sud-coréenne de logistique et de commerce dans l’électronique LX group, s’était retiré en cours de route, dicté par ses propres résultats financiers, au grand soulagement de ses actionnaires qui craignaient une levée de capitaux trop importante pour absorber le mastodonte.
De déception en déception
Le gouvernement sud-coréen est allé de déception en déception avec ce dossier qui résiste au closing. L’appel d'offres s’était d’abord soldé par un nombre limité de candidatures (quatre) dont aucun des grands chaebols sud-coréens tant attendus.
Ensuite, aucun des soumissionnaires ne répondait vraiment aux critères de solvabilité et solidité financière requis, excepté Hapag-Lloyd mais écarté du deuxième tour de l'appel d'offres au nom du patriotisme économique.
Un retournement de situation entre temps
Ce dossier est tellement au long cours qu’entre l’annonce de la privatisation partielle du huitième acteur mondial dans le transport maritime de conteneurs et ce jour, il s’en est passé des choses.
Le marché s’est retourné plusieurs fois. HMM aurait pu être vendu au moment où les taux de fret étaient au plus haut et les caisses pleines,mais les procédures préparatoires s’étirant, la compagnie maritime a été mise en vente alors que ses résultats reflétaient à nouveau ses difficultés d’avant Covid quand elle accumulait les interminables exercices trimestriels dans le rouge.
Puis, en annonçant sa sortie de l’alliance en février 2025, dont est membre HMM (avec ONE et Yang Ming), Hapag-Lloyd a jeté un voile d’incertitude sur la pérennité du réseau actuel bien que le transporteur allemand ne soit pas le plus contributeur en navires a rectifié Alphaliner alors que la presse spécialisée s'emballait en spéculations. C’est ONE qui remplit actuellement ce rôle en apportant 38,7 % de la capacité totale de l'alliance, contre 26,2 % pour Hapag-Lloyd, 17,6 % pour Yang Ming et 17,5 % pour HMM.
Il reste que, sans Hapag-Lloyd, les trois partenaires ne déploient actuellement que 2,3 MEVP (flotte relativement équivalente par comparaison à ce que la seule Maersk apporte à son alliance avec MSC).
Plus intéressée par Polaris Shipping ?
Compte tenu de ses difficultés, la compagnie se serait retirée d'un consortium (dirigé par Woori Private Equity, la branche de capital-investissement du Woori Financial Group) visant à acquérir l'entreprise compatriote de transport maritime en vrac sec, Polaris Shipping, laquelle n'a pas très bonne réputation. Il figure régulièrement dans le palmarès des entreprises qui ne recyclent pas dans le respect des normes sociales et environnementales...
HMM est sous le contrôle de l'État depuis 2016, année traumatique pour le secteur avec la faillite de l'iconique Hanjin Shipping. Elle avait été sauvée de la banqueroute à l’aide de banques publiques d’investissement quand la compagnie s’appelait encore Hyundai Merchant Marine. Depuis, elle a été renflouée à plusieurs reprises.
Adeline Descamps
Encore dans le vert au quatrième trimestre
Le numéro huit mondial a affiché un bénéfice net de 1 000 KRW (754 M$) pour 2023, soit une baisse de 90 % par rapport à 2022, mais, contrairement à d'autres transporteurs, il est resté dans le vert pour le dernier trimestre de l'année, certes seulement à hauteur de 9 M$ !
Pour l'ensemble de l'année, le bénéfice d'exploitation de ses activités dans le transport de conteneurs – HMM a une flotte opère également des vraquiers, dont les résultats ont d’ailleurs permis de compenser la faiblesse du conteneurs –, s'est élevé à 396 milliards KRW (300 M$) pour des recettes de 6,9 billions KRW (5,2 Md$). Le volume transporté a augmenté de 3 % l’an dernier pour atteindre 9,8 MEVP mais avec un revenu moyen par EVP en chute de 66 % pour atteindre une moyenne de 976 $.
La société a réussi à améliorer son ratio d'endettement de 25 à 20 % au cours de l'année. La société doit prendre livraison de douze porte-conteneurs de 13 000 EVP cette année, portant sa flotte au-dessus de 1 MEVP pour la première fois tandis que les plus de 10 000 EVP représenteront 80 % de sa flotte, ce qui devait améliorer son bilan d’exploitation.
Adeline Descamps
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