Euronav laisse le lecteur rarement sans nouvelles trop longtemps. Les dernières datent du 23 mars lorsque l’assemblée générale extraordinaire a acté l’arrivée au conseil de surveillance de l’armateur belge de tankers de représentants des deux actionnaires majoritaires, la famille Saverys, à la tête de la Compagnie maritime belge (CMB), et l’homme d’affaires John Fredriksen, actionnaire de plusieurs entreprises dans le transport maritime pétrolier, dont Frontline et International Seaways.
Les deux clans sont les principaux protagonistes d’une intrigue qui se joue à trois avec l’actuelle direction incarnée Hugo de Stoop autour d’un enjeu : la stratégie future d'Euronav. La pièce, qui ne se joue pas à huis clos, a déjà réglé le compte du projet de fusion envisagé un temps entre Euronav et Frontine mais qui a avorté sous les manœuvres de la famille Saverys. Il devait donner naissance à la plus grande société mondiale de transport de pétrole cotée en bourse au monde. Si tant est qu'il ait franchi tous les obstacles antitrust.
Reprendre une position de majoritaire
Les deux actionnaires qui s'affrontent sur la place publique autour d'Euronav, y ont acquis des droits ces derniers mois après avoir augmenté, dans une course à l’échalote haletante, leurs participations au capital et fini par devenir actionnaires à parts égales (25 %).
Entrer dans la salle du conseil du transporteur pétrolier ne suffit pas à calmer les ardeurs de John Fredriksen qui aurait pu y trouver l’espace où exposer sa vision stratégique pour le devenir du transporteur de brut. Il prouve une nouvelle fois son goût pour les raids par surprise en augmentant encore sa participation de façon à reprendre une position de majoritaire.
Selon une nouvelle déclaration déposée le 4 avril auprès de la U.S. Securities Exchange Commission – Euronav est cotée sur le marché new-yorkais –, Famatown Finance, le fonds d’investissement qui gère les participations de l’homme d’affaires chypriote-norvégien, détient désormais 26,46 % des actions d'Euronav.
52,4 millions d'actions
Sa dernière prise remontait à fin janvier. Ce mois-là, John Fredriksen avait acquis plus de 2 millions d’actions (en quatre fois) pour un total de 31,94 M$
Le tycoon du transport maritime de brut a donc repris ses achats le 3 avril, date à laquelle il a pris 964 000 actions supplémentaires au prix de 16,02 $, contre une moyenne de 15 $ en janvier. En tout, il aura investi 47 M$ pour bétonner ses positions, portant ainsi la totalité de ses avoirs à 52,4 millions d'actions sur les 201,8 millions de titres Euronav en circulation (au 31 décembre 2022).
Dans un contexte de réduction de la production
Ce dernier investissement est contracté alors que le prix des actions des compagnies pétrolières a chuté le même jour, en réaction à l'annonce surprise de l'Opep de réduire sa production à partir de mai 2023 de 1,66 million de barils par jour (Mb/j), en plus des réductions existantes de 2 Mb/j.
Cette nouvelle donne intervient dans un contexte favorable aux pétroliers. Les sanctions frappant le brut russe ont reconfiguré les flux, contraignant les navires à parcourir des distances beaucoup plus longues.
Malgré ce coup de théâtre, l'impact sur les tarifs des grands pétroliers ne devrait pas remettre en cause la prime dont ils bénéficient du fait de l'augmentation des tonnes-milles, analyse le courtier Allied. « Comme la Chine s'approvisionne en grande partie au Moyen-Orient, elle sera obligée de remplacer les volumes perdus par d'autres fournisseurs, plus éloignés que le golfe du Moyen-Orient, ce qui favorisera l'augmentation du tonnage-mille et l'allongement des voyages. Les pétroliers devront donc être toujours bien employés ».
Adeline Descamps