Le transporteur avait préparé le terrain quand il a présenté son troisième exercice trimestriel. Il accusait alors un repli, confirmant le retournement de conjoncture le concernant, déjà sensible au cours du second trimestre. Entre juillet et septembre, HMM avait enregistré un résultat net (1,91 Md$) en repli de 10 % par rapport aux trois mois précédents. Le plus bas niveau depuis le troisième trimestre 2021. Les volumes avaient chuté de 6 % en trois mois. À 2 869 $/EVP, le revenu moyen par EVP s’affichait en retrait de 15 % par rapport à la période avril-juin.
La société, qui aura été remise à flot grâce la pandémie, après avoir accumulé plus de trente trimestres déficitaires avant 2021, s’attendait à ce que les résultats du dernier exercice de l’année soient encore plus affectés par la baisse de la demande en plus de la surcapacité découlant de la résorption de la congestion qui ne serait pas suffisamment compensée par les réductions de service. « L'affaiblissement du pouvoir d'achat et l'augmentation des stocks des grands détaillants auront un impact négatif sur les volumes mondiaux de conteneurs », avait prévenu la direction.
Des résultats en calque à une conjoncture dégradée
Ses prévisions ne l’auront pas abusé. Le numéro huit mondial dans le transport maritime de conteneurs a dégagé un bénéfice net de 7,9 Md$ pour 2022, mais ses profits ont été divisés par deux au quatrième trimestre. La compagnie a été condamnée plus sévèrement que la moyenne de son secteur en fin d’année. Le bénéfice d'exploitation des activités liées aux conteneurs s’est établi à 975 M$ pour les trois derniers mois de l'année, loin de 2 Md$ enregistrés au trimestre précédent.
En trois mois, les revenus moyens par EVP sont passés de 2 862 à 1 620 $ par EVP tandis que la marge d'exploitation est ressortie à 39 %, son plus bas niveau depuis la fin de 2020. Le chiffre d'affaires s’est contracté de 30,9 % entre les trimestres et de 20,6 % par rapport à l'année précédente. HMM a toutefois bénéficié d’une augmentation globale de 12,2 % des taux de fret sur l'année, grâce à des activités de transport à plus long terme, bien que les volumes aient diminué de 3,5 %. La compagnie a fini l’année 2022 sur un chiffre d'affaires en hausse de 34,7 % par rapport à 2021 pour atteindre 14,54 Md$. Á 7,78 Md$, le bénéfice d'exploitation a progressé de 34,8 %.
HMM fait partie des compagnies qui ont encore plus profité de la conjoncture étant donné son réseau concentré sur deux des lignes Est-Ouest, où les taux de fret ont été les plus porteurs. Il est donc assez logiquement parmi les premiers à subir le retour de bâton.
Retour de la privatisation
La chute des bénéfices pourrait relancer le dossier en cours de sa privatisation. Le principal actionnaire – la banque publique Korea Development Bank (KDB) –, aurait reçu des acheteurs potentiels à la fin de l'année dernière. Au 31 décembre, la KDB détenait 20,7 % des actions aux côtés de la Korea Ocean Business Corp. (19,9 %) mais avec le National Pension Service et le Korea Credit Guarantee Fund, l’État sud-coréen est propriétaire du fleuron national à hauteur de 52 %. Si le schéma des précédentes transactions est appliqué, l’acquéreur devrait être l'un des grands conglomérats sud-coréens. Un appel d’offres international ne figure en tout cas pas dans les intentions de l’exécutif.
Il se dit aussi que HMM pourrait utiliser une partie de ses liquidités pour racheter des obligations détenues par l'État qui, si elles sont converties en actions, donneraient à l'État la propriété de près de 75 % des actions. En 2016, alors Hyundai Merchant Marine, l’entreprise avait été reprise par l’État pour la sauver de la banqueroute.
Nouvelle commande
Pour autant, la confiance ne s’érode pas. HMM vient de passer commande de neuf porte-conteneurs de 9 000 EVP au méthanol auprès de deux constructeurs coréens, sept au chantier naval Hyundai Samho Heavy Industries, le chantier spécialiste du méthanol (Maersk et CMA CGM lui ont confié leur flotte naissante) et deux unités à HJ Shipbuilding (ex-Hanjin Heavy Industries). C’est sur ce plan une surprise pour cette entreprise qui sort d’un trou noir de six ans, correspondant au temps de sa restructuration. Les premières livraisons sont attendues d’ici mi-2025 et les dernières en mai 2026.
Selon une déclaration enregistrée à la Bourse coréenne le 14 février, HMM y consacrera 1,12 Md$, soit 124,28 M$ par navire sur la base du taux de change.
La Sud-coréenne, qui exploite une flotte de 76 porte-conteneurs totalisant près de 820 000 EVP, ajoute ainsi 81 000 EVP à son carnet de commande qui atteint ainsi une capacité de 265 000 EVP pour 26 navires.
11,5 M$ sur cinq ans
En juillet, le groupe HMM avait annoncé un nouveau plan d’investissement de 11,46 Md$ au cours des cinq prochaines années. Le nouvel apport d’argent public vise à porter la capacité du huitième armateur mondial de porte-conteneurs à 1,2 MEVP, et à l’exploitant de vraquiers d’acquérir 26 navires, ce qui portera sa flotte à 55.
En attendant, HMM n’est pas seul à devoir composer avec les revers de son marché. OOCL, la filiale-pépite du groupe Cosco, a publié au même moment ses résultats pour le quatrième trimestre. Le transporteur de Hong Kong affiche une baisse de son chiffre d’affaires de pas moins de 34,8 %, à 4,8 Md$ tandis que le revenu par EVP a chuté de 30,9 % par rapport à la période équivalente de 2021. Ses revenus ont particulièrement baissé sur le transpacifique (- 43 %) et d'Asie en Europe (- 46 %).
La « fête est finie », avait déclaré Rolf Habben-Jansen, le patron de Hapag-Lloyd, face au changement rapide d’ambiance. Pour certains du Top 10 mondial, il se manifeste plus vite que prévu.
Adeline Descamps