Après plusieurs années de vaches maigres suite à la plongée des prix du pétrole de 2014 à 2016 relayée par le krach lié au Covid en 2020, qui ont poussé les exploitants de plateformes offshore à se restructurer, à fusionner et à mettre au rebut les vieux appareils de forage, les sociétés opérant dans le forage offshore se retrouvent en position de force pour demander des tarifs journaliers plus élevés. Le conflit en Ukraine a contribué à faire grimper la demande des rigs de forage, les États-Unis et l'Europe cherchant notamment des alternatives aux approvisionnements en pétrole et en gaz russes. Sachant que plus d'un quart de la production mondiale totale de pétrole provenait de champs offshore en 2021, selon les données de Rystad Energy.
Les capacités, elles, se sont asséchées. Selon le spécialiste de l'offshore Seadrill, le total mondial des unités de forage s'élevait à 193 en mars, contre 257 en mars 2018, et les jack-up à 487 contre 532 il y a quatre ans. Plus de 300 plateformes auraient été mises au rebut depuis le début de 2015. Le courtier BRS estime que 52 unités ont été retirées du service en 2021 tandis que le marché en a accueilli une quinzaine. Il y aurait actuellement 33 unités en commande et le rythme des retraits devrait rester inférieur à une trentaine par an à l'avenir.
Regain pour les grands projets d’exploration
Bien que le pétrole et le gaz soient devenus une source de désaccord entre de nombreux acteurs du secteur, les majors de l'énergie [anciennement du pétrole et du gaz] s'adaptent en diversifiant leur portefeuille pour répondre à la transition énergétique. « Mais le pétrole et le gaz restent les piliers du mix énergétique aujourd'hui et dans les années à venir, indique BRS dans sa dernière revue du marché. Malgré la sortie d'une récession pluriannuelle induite par une pandémie, il y a un regain d'enthousiasme pour les grands projets d'exploration offshore. La nécessité de remplacer les réserves épuisées par des années de sous-investissement persiste et l'offshore reste une source majeure de barils de remplacement à long terme. »
Triangle d’or
Les taux journaliers ont augmenté rapidement, surtout en Afrique de l'Ouest, pour les équipements en location dans le Triangle d'or, du golfe du Mexique aux États-Unis jusqu'au large de l'Afrique occidentale et du Brésil. Ce dernier est le plus proactif en termes de développement de production. Il y a eu sept attributions en 2021, trois sont attendues en 2022, et au moins cinq de plus avant 2025. Les retards dans les dépenses en raison des incertitudes liées au coronavirus en 2020 se transforment maintenant en un coup de fouet dans les investissements pour augmenter l'offre, à mesure que la demande revient.
ExxonMobil poursuit son engagement en Guyane, en attribuant des contrats pour le projet Yellowtail. Il s'agira du quatrième déploiement de FPSO dans le pays et il a été attribué à SBM, pour qui ce sera la plus grande unité construite à ce jour (capacité de production de 250 000 barils de pétrole par jour).
En Angola, les changements fiscaux stimulent la reprise des investissements. Total accélère notamment le rythme avec le forage des prospects d'Ondjaba, la mise en service de la phase 2 de CLOV et l'attribution prochaine du FPSO de Cameia-Golfinho.
Des navires placés à plus de 400 000 $
« L'année dernière, nous étions à 200 000 $. Nous sommes actuellement dans les 300 000 $ et nous nous dirigeons rapidement vers 400 000 $ », a témoigné auprès de Reuters Cinnamon Edralin, responsable de l'analyse du marché chez le norvégien Esgian. Selon ses données, le nombre de rigs de forage sous contrat s'élevait à 40 en avril en Grande-Bretagne et en Norvège, les principaux producteurs de la mer du Nord. Ils restent toutefois encore en dessous de 51 avant la pandémie.
Transocean, qui exploite des appareils de forage en eaux très profondes et dans des environnements difficiles, avait indiqué à l’occasion de la publication son rapport annuel pour 2021 que les taux journaliers contractuels pour sa flotte s'élevaient en moyenne à 401 000 $ pour 2023 et à 467 000 $ pour 2024, contre 345 000 $ cette année.
Des années sombres
Le secteur sort de la torpeur. Tous les grands « foreurs », à l'exception de Seadrill, sont désormais libérés des processus de restructuration qui ont occupé une grande partie des deux dernières années. La consolidation de l'industrie, amorcée en 2018, a fait émerger trois grands acteurs internationaux : Valaris, Transocean et Noble.
Valaris et Transocean ont tous deux procédé à des acquisitions en 2017 et 2018 tandis que Borr Drilling a acheté Paragon Offshore en 2018. L'année dernière, Noble a acquis Pacific Drilling après que les deux entreprises soient sorties de la procédure de faillite du chapitre 11. Noble et Maersk Drilling ont entamé une opération de fusion l’an dernier, qui doit encore être approuvée par la Grande-Bretagne.
D'autres marchés offshore s’ouvrent en outre à la réutilisation des actifs de forage : l'éolien, l'exploitation minière en eaux profondes et le colis lourd. L'acquisition d'Ideol par BW Offshore est une illustration de ces leaders historiques de l'offshore qui se diversifient dans les secteurs prometteurs.
Adeline Descamps