Cosco n'en a pas fini avec son port grec. Il envisage de nouveaux développements, à commencer par un nouveau terminal à conteneurs à la capacité de 2,8 MEVP. Avec ses quatre infrastructures, totalisant près de 10 MEVP, le port méditerranéen, propriété de l'opérateur portuaire chinois, se rapprocherait des plus grands ports d'Europe du Nord à l'instar d'Anvers.
Manifestement, Cosco veut entamer un nouveau cycle de développement au Pirée dont il est devenu propriétaire en 2016 et ce, jusqu’en 2052, en raflant 67 % du capital, moyennant un chèque de 368,5 M€. Le groupe chinois y était alors déjà le concessionnaire de deux infrastructures, et ce depuis 2008. Depuis, un troisième terminal aidant, le port n’en finit plus de gagner des EVP et de grignoter des places dans le classement mondial des ports conteneurisés, désormais 33e mondial et 2e méditerranéen derrière Barcelone. Sa croissance est assez spectaculaire : le port manutentionnait 3,3 millions de conteneurs en 2015, 3,67 millions en 2016, 4,1 millions en 2017 et 4,9 MEVP en 2018 (+ 18 %). Le Pirée capitalise aussi sur le trafic roulier, avec selon le Lloyd, 120 000 voitures traitées. Dans cette zone de la Méditerranée orientale proche du canal de Suez et de son intense trafic, le Pirée représente une des « escales » clefs du projet pharaonique chinois des nouvelles « routes de la soie », offrant ainsi aux exportateurs asiatiques un transit-time réduit de 8 à 12 jours sur un trajet d’un mois.
Schéma directeur
Cette fois, la filiale portuaire du conglomérat chinois, propriété de l'État, chercherait à obtenir l'autorisation pour construire une nouvelle infrastructure d'une capacité de 2,8 MEVP, qui porterait à terme la capacité du port à 9,5 millions de conteneurs. Le port le plus dynamique de Méditerranée ne se trouverait alors guère loin de certains des plus grands ports d'Europe du Nord, tels Anvers (11 MEVP) et bien plus que Hambourg (8,7 MEVP). Mais au-delà et pour appréhender toute l’ambition, 10 MEVP, ce sont aussi les volumes traités par des ports comme Los Angeles (9,5 MEVP) ou des ports chinois en plein ascension.
CoscoSP devrait soumettre pour approbation d’ici la fin de ce mois un schéma directeur précisant ses intentions au Greek Port Design and Development Committee, une instance composée de hauts fonctionnaires, de représentants des ministères et d’institutions, qui par le passé a démontré qu’elle n’entendait pas être une simple chambre d’enregistrement. Elle s’est opposée à certains projets, notamment pour des raisons environnementales ou de patrimoine mais aussi politiques. Les ambitions grecques de Cosco inquiètent à plusieurs égards : son projet de construire un complexe commercial sur l’enceinte du terminal de croisière et quatre hôtels divisent.
Bien que le document n'ait pas encore été rendu public, des ébauches ont fuité révélant certains détails, pour l’heure très sommaires. L’implantation serait envisagée à l'Est des trois terminaux à conteneurs existants et adjacents, dans une zone actuellement dédiée à l’activité du trafic roulier et à du déchargement, jouxtant le port de croisière et des ferries. Sur l’investissement consenti, certains médias mentionnent des montants de l’ordre de 300 à 400 M€, que les experts estiment faibles au regard de la capacité evoquée. Le calendrier du projet n'a pas été davantage révélé.
Contexte politique
Les annonces de l’Asiatique interviennent dans un contexte politique qui peut lui être favorable, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, récemment élu, ayant fait de l'investissement privé dans les ports du pays une priorité de son gouvernement. Le nouveau Premier ministre a la fibre maritime et il porte aussi de grandes ambitions pour le pavillon national qu’il veut rendre attractif. Les armateurs grecs possèderaient environ 21 % de la flotte mondiale pour ce qui est des navires de plus de 1 000 tjb et plus de la moitié de la capacité de l'UE. Pour autant, la plupart des propriétaires sont immatriculés sous des pavillons de complaisance, ce qui n’est pas concevable pour le nouvel élu.
Cosco Shipping Ports, 3e manutentionnaire mondial
Le cabinet de conseil britannique Drewry estime qu’à la faveur de l’intégration d’OOCL, Cosco Shipping Ports serait devenu, en 2018, le 3e manutentionnaire mondial de conteneurs avec 46,1 MEVP traités dans l’ensemble de ses terminaux mondiaux, à quelque 0,6 million de conteneur d'Hutchison Ports (46,7 MEVP), le n°2, lequel est largement distancé par PSA International (60,3 MEVP), du reste actionnaire du second.
Le premier port grec, présidé et dirigé par deux ex-dirigeants de Cosco Shipping, affiche aussi des ambitions dans la réparation navale à Kastelli, chantiers en déclin ces dernières années, et dans les croisières. Le groupe chinois Cosco avait formulé cette ambition dès sa prise de contrôle.
A.D.