Depuis la mi-mars et les premiers signalements portant sur les navires ayant rencontré des problèmes liés à la contamination du carburant – pertes de puissance de propulsion, pannes de moteurs, etc. –, l’affaire du carburant contaminé par des contaminants d'hydrocarbures chlorés (COC) jusqu'à 2 000 ppm pollue l’air de la place forte mondiale pour l’avitaillement des navires
Les premières détections de cas suspects avaient conduit l'autorité maritime et portuaire de Singapour a lancer mi-mars une enquête à grande échelle afin de tracer toutes les étapes qui auraient pu conduire à la fourniture du HFO suspect. Depuis l’identification des 14 premiers navires et des deux principaux fournisseurs de carburants – Glencore, qui a fourni directement des navires mais aussi livré des quantités de fuel à un autre fournisseur de bunker : PetroChina – via 12 souteurs entre la mi-février et la mi-mars, la liste s’est considérablement élargie. Et les P&I, dont Skuld et Gard, ont tour à tour fait savoir qu’ils avaient été saisis de demandes d’indemnisation par leurs clients.
Au total, quelque 200 navires ont potentiellement été soutés avec du HFO contaminé tandis que 80 navires avaient signalé des problèmes dans le système d’alimentation du carburant et du moteur. La société d'analyse de carburant et d'huile Veritas Petroleum Services (VPS), qui examine la pureté des carburants pour les transporteurs avant le soutage, avait pour sa part identifié 140 170 t de carburants infectés dont elle estime la valeur à 120 M$.
Enquête à la source
L’enquête et les analyses complémentaires ont permis de remonter à la source. Le combustible a été chargé dans le port pétrolier de Khor Fakkan. Depuis les Émirats arabes unis, il a ensuite été expédié vers des installations de stockage flottantes à Tanjong Pelepas, en Malaisie, où il a été mélangé avant d'être livré à Singapour. Glencore avait acheté le HFO par l'intermédiaire de Straits Pinnacle, lequel avait passé un contrat d'approvisionnement avec Unicious Energy, a déclaré MPA, dans un communiqué.
La MPA n'a pas nommé le pétrolier concerné et n'a pas indiqué où le pétrole avait été produit à l'origine. Les entreprises concernées par le cheminement du carburant n’ont pour l’instant pas apporté leurs éclairages.
« La contamination n'a pas été détectée rapidement parce que les acteurs du marché ne testent généralement pas la présence de COC dans les carburants marins. Ces composés chimiques ne font pas partie des normes de qualité des carburants acceptées au niveau international », a déclaré la MPA.
Question des COC portée au niveau international
Bien que la présence de COC soit rare dans les combustibles de soute, l’autorité portuaire a décidé d’ajouter le contaminant à la liste des produits chimiques à tester dans le cadre de ses garanties d’assurance sur la qualité des combustibles de soute avant et après leur fourniture à un navire. Une mesure à effet immédiat. Avec la Singapore Shipping Association, la MPA dit avoir porté la problématique au niveau international.
Le carburant contaminé n’est pas une première. Il y a eu des précédents en 2001 et 2018 à Houston. « Quatre ans plus tard, les poursuites judiciaires de l’affaire à Houston sont toujours en cours, et nous réalisons tout juste l'impact financier qu'un seul lot de mauvais carburant peut avoir sur l'industrie », a réagi Jonathan Arneault, cofondateur de FuelTrust, un concurrent de VPS.
Adeline Descamps