À Baltimore, les autorités portuaires s'activent pour créer un couloir temporaire de navigation visant à dégager les éléments des décombres du pont Francis Scott Key, dont une section s'est pulvérisée le 26 mars sous le choc après avoir été percuté par porte-conteneurs Dali. Le navire d'une capacité de 9 962 EVP, affrété par Maersk, a été victime d’une avarie de l’ensemble de ses moyens de propulsion alors qu’il venait d’appareiller et prenait la direction du Sri Lanka.
Dans un communiqué, les autorités fédérales, de l’État du Maryland et de Baltimore ont indiqué que la création de ce chenal de navigation serait avant tout réservé aux navires impliqués dans les opérations de déblaiement, de secours et autres actions dites essentielles. Selon les garde-côtes, il devrait être opérationnel sous peu. Un second corridor est envisagé en vue de rétablir la navigation mais sans autres précisions à ce stade.
Le déblaiement des éléments du pont qui enjambe la rivière Patapsco, opération complexe, a démarré avec le découpage et le déplacement d'une première section de 200 t à l'aide d'une grue d'une grande capacité de levage pour pouvoir les soulever hors de l'eau.
Le Corps des ingénieurs de l'armée a déclaré avoir activé un plan d'urgence en vue de déployer plus de 1.100 spécialistes, des véhicules télécommandés et des sonars ainsi que plusieurs navires et des experts en sécurité sous-marine.
Les opérations pour retrouver les autres dépouilles ont en revanche été interrompues car les autorités ont jugé trop dangereux le travail des plongeurs sur les lieux. Six ouvriers qui travaillaient sur la chaussée sur le pont au moment de l'accident sont considérés comme morts. Les corps de deux d'entre eux ont été retrouvés.
Navigation suspendue
Les accès à l’ensemble des terminaux sont obstrués par le porte-conteneurs, coincé sous les débris. La navigation est suspendue jusqu’à nouvel ordre dans ce port de la côte Est essentiel au roulier (850 000 véhicules mais aussi aux machines agricoles) et à certaines matières premières comme le charbon, les engrais ou le cobalt.
Avec 17 Mt de charbon thermique (utilisé pour produire de l'électricité) et 8,2 Mt de charbon sidérurgique (pour la fabrication de l'acier) selon les données du US Census Bureau, traités dans les deux terminaux de Curtis Bay et de Consol Marine Terminal, Baltimore est le premier port américain pour ce trafic.
L'Inde est le principal client du charbon thermique devant la Chine, le Canada ou encore les Pays Bas tandis que le Japon reçoit 28 % du charbon destiné aux aciéries, devant la Chine, la Corée du Sud et les Pays Bas pour l'Europe.
Les acteurs du marché s'attendent à ce que l'incident perturbe les exportations de charbon pendant 10 à 15 jours mais estiment néanmoins l'impact sur les prix limité, les marchés étant bien approvisionnés. Hampton Roads, port voisin, peut servir de relais le cas échéant.
Force majeure
Plus d'un million de conteneurs équivalent vingt pieds ont également transité par Baltimore l'année dernière, soit environ 2,8 % des conteneurs transitant par les ports de la côte Est.
Dans une note à ses clients, CMA CGM a informé le 29 mars de l’activation de la force majeure pour les marchandises à destination ou sur le port de Baltimore, disposition du contrat qui libère les parties d'une obligation en raison d'événements indépendants de leur volonté.
« Les conteneurs actuellement sur le terminal y resteront jusqu'à la réouverture du port, sauf instructions contraires du chargeur », indique le groupe français. Pour ceux en transit, ils seront déroutés vers ports voisins de la côte Est, à commencer par celui de New York/New Jersey, à seulement deux jours de navigation au nord de Baltimore, où CMA CGM détient les GCT Bayonne (capacité annuelle de 1,7 MEVP) et GCT New York (0,6 MEVP), ce dernier accueillant principalement des porte-conteneurs de 4 000 à 9 000 EVP.
Norfolk en Virginie, à 315 km de Baltimore (12 heures de navigation à 14 nœuds) et Charleston (Caroline du Sud), à 250 km pourraient être d'autres ports-refuges.
« Dans tous les cas, les frais de réacheminement de la cargaison vers un autre port de chargement sont à la charge du chargeur », rappellent les services commerciaux de CMA CGM. qui ont levé toutes les réservations jusqu'à nouvel ordre.
Maersk assure le transport jusqu'au point final
La compagnie française est la première à déclarer l'urgence. Son partenaire d'alliance, Cosco, a annoncé que ses services seraient considérés comme assurés une fois que le conteneur détourné arriverait au port alternatif. Evergreen a pris des mesures similaires.
En revanche, Maersk a notifié de son côté que « les conteneurs actuellement en transit et destinés à Baltimore seront déposés dans les ports voisins, où ils seront acheminés par la route terrestre pour atteindre la destination finale ».
Cette situation est rarement bien vécue par les chargeurs et les transitaires car cela signifie qu'il leur incombe d'enlever les boîtes au port détourné avant que des frais de détention et surestaries ne s'appliquent et d'organiser la logistique de leurs marchandises jusqu'à leur destination initialement programmée.
Les frais de stationnement des conteneurs est un des sujets clivants entre les transporteurs et leurs clients, sur lequel l'administration américaine est très vigilante depuis le chaos de la pandémie.
Une nouvelle législation sur le transport maritime (Ocean Shipping Reform Act), promulguée en juin 2022, a renforcé le contrôle via la Federal Maritime Commission (FMC) et revu les procédures à la faveur des chargeurs, qui peuvent requérir plus facilement contre les armateurs. Depuis, l'autorité de régulation américaine croule sous les plaintes pour les frais de détention entre autres. En décembre, près de 400 plaintes avaient été enregistrées en quatorze mois.
Adeline Descamps
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