Le département du Trésor américain a épinglé le 1er décembre trois sociétés de plus pour avoir eu recours à des services de transport maritime occidentaux tout en transportant du pétrole brut russe au-delà du plafond de 60 $ le baril.
Les pétroliers visés sont le NS Champion (pavillon du Libéria), exploité depuis avril 2022 par une société basée à Dubaï affiliée à l’armateur russe Sovcomflot (Oil Tankers SCF) et appartenant à Sterling Shipping. La propriété connue du Viktor Bakaev (même pavillon et même société que la précédente, depuis juillet 2023) est attribuée par la base Equasis à Streymoy Shipping. Enfin, le HS Atlantica appartient à la société éponyme basée à Monrovia. Les autorités américaines n’ont pas donné plus de précisions sur le détail des infractions constatées.
« L'application du plafonnement des prix du pétrole russe est une priorité absolue pour les États-Unis et nos partenaires de la coalition », rappelle Wally Adeyemo, le secrétaire adjoint au Trésor, dans le communiqué.
Huit pétroliers redressés
Depuis le 12 octobre, Washington aura épinglé huit pétroliers. Parmi les nombreuses sanctions mises en place par l’Union européenne et le G7 contre la Russie en réaction à l'invasion de l'Ukraine en février 2022, l’entrée en vigueur du plafonnement des prix pour le pétrole brut le 5 décembre 2022 et pour les produits raffinés le 5 février 2023 est largement critiqué en raison de son inefficacité avérée.
En instaurant cette sanction, qui fixait une limite de 60 $ le baril pour le brut, de 100 $ pour le diesel et le kérosène et de 45 $ pour le naphta et le fuel,
les pays du bloc occidental espéraient amputer la Russie d’une partie de ses ressources pétrolières sans assécher les marchés qui provoquerait un choc sur les prix.
De gré ou de force
En privant les acheteurs de brut russe d'accéder à un ensemble de services, parmi lesquels le transport maritime et ses prestations associées, quand le pétrole a été vendu à un prix supérieur au plafond, ses promoteurs espéraient rendre inopérante la capacité de la Russie à exporter.
La Russie a en effet été contrainte de trouver d’autres moyens pour maintenir ses volumes, la marine marchande russe étant insuffisante. La montée en puissance de la flotte dite fantôme (dont la propriété effective est opaque, dissimulée par le biais d'accords de société complexes) a permis de contourner les mesures « disciplinaires ».
Selon le Davis Center for Eurasian and Russian Studies (université de Harvard,) la capacité des navires clandestins couvrirait 40 % des besoins d'exportation de la Russie mais le pays a, en réalité, assuré plus de la moitié, notamment en se concentrant sur des itinéraires courts afin d'avoir à mobiliser moins de navires.
Si les exportations de la Russie vers l'Union européenne, les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres pays occidentaux ont chuté de 53 % entre 2021 et 2023, elles ont été largement remplacées par des ventes accrues (+ 40 %) vers la Chine, l'Inde (devenu le premier acheteur de pétrole russe) et la Turquie.
Pour décourager l’expansion de la flotte obscure, le bureau de contrôle des actifs étrangers du département du Trésor américain a annoncé récemment la « deuxième phase du plafonnement des prix ». C'est dans ce cadre que les derniers mouvements s'inscrivent.
Adeline Descamps
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