L’association Équilibre des énergies, qui rassemble de grandes entreprises des secteurs de l’énergie, du bâtiment et des transports autour du thème de la décarbonation, a publié le 14 avril une étude sur le captage, le stockage et la valorisation du CO2. Des sujets qu’il est temps de remettre sur le devant de la scène, estime le président du comité scientifique de l’association, Jean-Pierre Hauet : « La priorité était précédemment à la réduction des émissions de CO2. Or on s’aperçoit qu’on a besoin de puits de carbone et que les puits naturels ont été surévalués. »
Des technologies qui suscitent beaucoup d'intérêt
La capture du carbone, jusqu’ici peu rentable avec un prix stagnant autour de 6 €/t pendant la décennie 2010, a trouvé un nouvel intérêt alors que le prix du CO2 oscille depuis un an aux alentours de 80 €/t. Il y aurait donc désormais une certaine rentabilité au captage du CO2 dans les installations industrielles pour le stocker en couches géologiques profondes. Il faut pour cela l’envoyer par pipeline vers les côtes, le stocker dans les ports et le transporter par navires jusqu’aux lieux d'enfouissement ultime, la plupart étant en milieu marin.
« Les technologies de transfert par pipe et de liquéfaction dans les ports en vue du transport maritime sont bien maîtrisées, estime Jean-Pierre Hauet. Le transport maritime, à bord de navires de 10 000 à 30 000 m³ de capacité, trouvera sa place à partir de hubs situés le long de la mer du Nord, et peut être aussi ultérieurement de la mer Méditerranée ou de la mer Noire. »
Multiplication des hub de CO2
Les projets de hub de CO2 se sont déjà multipliés dans les ports de la mer du Nord, généralement portés par les grandes entreprises du secteur pétrolier et gazier : projet d’Artagnan à Dunkerque, Porthos à Rotterdam, Antwerp@c à Anvers, Ghent Carbon Hub à Gand. Côté méditerranéen, les choses sont moins avancées mais Air Liquide et le pétrolier italien Eni ont annoncé le 21 mars dernier une collaboration dans ce domaine. « Aujourd’hui, on peut considérer comme très improbable le recours à un stockage souterrain onshore en Europe et les opérateurs se limitent à considérer des projets offshore, principalement en mer du Nord », note dans son étude l’association Équilibre des énergies. « Lorsque les sites de réinjection sont en offshore et relativement éloignés des côtes, ce qui sera probablement de plus en plus le cas, le transport maritime semble plus économique que par pipeline, dès lors que l'on considère des volumes annuels de plusieurs millions de tonnes. »
Flotte à construire
Vue la densité du CO2 liquide – 2,5 fois plus importante que celle du méthane –, ce sont des navires de taille relativement modeste qui sont envisagés. Mais la flotte reste à construire...
À plus long terme les prévisions de captage de CO2 établies par l’Union européenne font état de 300 à 500 Mt à l’horizon 2050. À l’échelle mondiale, l’Agence internationale de l’énergie estime que, sur 40 milliards de tonnes émises, on pourrait en capter 5,7 milliards en 2050.
Valorisation en carburants de synthèse
Au-delà du stockage du CO2, sa valorisation comme source de carbone suscite également un intérêt grandissant. Le captage du CO2 ouvre aussi une autre possibilité dans la fabrication de carburants de synthèse. « Jusqu’ici le CO2, inerte, était considéré comme un déchet, rappelle Jean-Pierre Hauet. Il peut constituer une ressource si on lui redonne de l’énergie. Or les carburants de synthèse nécessitent du carbone, et si possible neutre en CO2, c’est-à-dire que l’on va récupérer dans l’air. » Dans ce domaine, tout dépendra du coût futur de la tonne de carbone, avec un point d’équilibre estimé par les auteurs de l’étude aux alentours de 150 €/t.
Étienne Berrier