Les ports ne connaissent pas l’immunité collective. Les digues épidémiques tombent les unes après les autres en Chine comme un véritable château de sable. Quatre des plus grandes régions portuaires chinoises ont toutes signalé ces derniers jours des restrictions dans leurs opérations suite à l’émergence de cas détectés positifs au variant Omicron.
À Ningbo, la détection de quelques cas chez un fabricant de prêt-à-porter de Beilun a contraint les autorités locales à imposer des restrictions non sans conséquences sur les opérations du port alors que les navires sont détournés ou vont l’être (Hapag-Lloyd par exemple) vers Shanghai et Xiamen. Tianjin, où Toyota et Volkswagen ont dû suspendre leur production, a limité l’accès aux terminaux et l’acceptation du fret.
À Shenzhen, les conteneurs pleins ne peuvent plus être acheminés par camion que trois jours avant l'arrivée des navires, a indiqué l'opérateur du terminal de Shekou. À Dalian, les menaces sont suffisamment sérieuses pour inciter Maersk à décaler d'une semaine deux départs d'Asie.
L'étau sanitaire se resserre sur Tianjin et met sous pression Shanghai et Xiamen
Hutchison Ports borne ses installations
Après Ningbo, Tianjin, Dalian, Shenzhen, Shanghai, Xiamen, Yantian connaît à son tour la rengaine. Le troisième port à conteneurs le plus fréquenté de Chine avec ses 13 MEVP, avait été l’an dernier, à son corps défendant, poussé dans la lumière car la paralysie partielle du Yantian International Container Terminal avait donné du fil à retordre à la logistique mondiale.
Le 21 janvier, Hutchison Ports, qui opère l’un des terminaux, s’est résolu à limiter l'arrivée des conteneurs d'exportation aux navires dont le temps d'accostage est estimé à moins de quatre jours.
« Nous sommes en pleine saison alors que de nombreuses boîtes pleines sont bloquées à l'intérieur du terminal et la densité des dépôts est proche de la saturation », a indiqué le second manutentionnaire mondial basé à Hong Kong. Selon lui, au cours des deux dernières semaines, les porte-conteneurs, ont affiché un retard en moyenne de plus de 170 heures. « Le nombre d'arrivées de navires, principalement en provenance des États-Unis et de l'Union européenne, a fortement chuté, de plus de 40 % », explique l’opérateur.
Même si les autorités locales font preuve de retenue dans leurs restrictions, la course contre la montre des marchandises à expédier avant les vacances du Nouvel An lunaire est enclenchée. Selon le Quotidien du Peuple, les volumes transportés par camion à Yantian le 13 janvier étaient de 30 % supérieurs aux niveaux de décembre. Mais vacances pour les Chinois sont imminentes et les salariés commencent à déserter les usines.
Le point sur les perturbations maritimes et portuaires
4,5 Md$ de pertes commerciales
Selon le cabinet de conseil en gestion des risques Russell Group, l’engorgement du premier port mondial de Shanghai générerait 4,5 Md$ de pertes commerciales par semaine alors que des échanges commerciaux d'une valeur de 635 M$ entre Shanghai et les États-Unis seraient actuellement menacés.
Kuehne+Nagel, qui a présenté la semaine dernière une version réactualisée de son outil de gestion de fret SeaExplorer, fait de Shenzhen le troisième complexe portuaire le plus encombré au monde, après le duo californien Los Angeles et Long Beach et le duetto chinois Shanghai et Ningbo.
Le commissionnaire a jugé bon d’intégrer à sa plateforme une mesure qui mouline un ensemble de données liées aux perturbations maritime. « L’objectif est de renforcer la capacité de nos clients à prévoir et à planifier l’impact des retards sur leur chaîne d'approvisionnement et à identifier le meilleur plan d'action, a justifié Otto Schacht, responsable de la logistique maritime au sein de Kuehne+Nagel International.
Seaexplorer indique ainsi que 612 porte-conteneurs sont actuellement au mouillage ou en attente devant les principaux ports dont 80 % en Amérique du Nord.
Les taux de fret renouent avec les pics sur certaines routes
Désescalade des taux de fret pour la deuxième semaine consécutive
Les perturbations en Chine, aggravant les arriérés dans les ports qui avaient tendance à les accumuler comme Shanghai, devraient se résorber avec les vacances liées au Nouvel an lunaire, offrant un bulle d’oxygène…avant que la demande ne reprenne à la mi-février.
Ces épisodes surviennent alors que les taux de fret spot ont entamé une désescalade pour la deuxième semaine consécutive. Le Shanghai Containerized Freight Index (SCFI), qui mesure les prix au comptant du fret conteneurisé de Shanghai vers une vingtaine de destinations mondiales, a terminé la semaine dernière en baisse de 0,8 % pour atteindre 5 053,12 points, après un premier repli de 0,3 % la semaine d’avant. Sur une base annuelle, les taux de fret sont toujours à des niveaux élevés : ils ont bondi de 76,1 %.
Adeline Descamps