Panorama des 30 premiers ports à conteneurs : les écarts entre quelques leaders se resserrent

Beibu

Nouvelle mascotte portuaire, Beibu se hisse à l’entrée du Top 20 à la faveur d’un bond de 20 % et de ses 4,32 MEVP.

Crédit photo ©Xu Zhiyan/Xinhua
Il faut que rien ne change pour que rien ne change. Les dix premières places mondiales, trustées par les ports asiatiques, sont scellées dans le marbre. Parmi elles, une seule échappée occidentale, celle du port de Los Angeles-Long Beach, bénéficiant de l'entrain des détaillants américains. La dégradation du range nord-européen est un lent supplice chinois tandis que des matchs se profilent entre leaders.

La cartographie des trente leaders portuaires mondiaux par le volume de conteneurs traités, établie par Alphaliner à l’issue du semestre a tout du legato. Il produit un mouvement fluide et continu selon les années. Les mêmes confirment leur ancrage et les mêmes continuent de perdre de l’ascendant. Il y a certes à chaque fois quelques échappées, imposant de nouvelles mascottes portuaires au monde. Elles naissent et s’épanouissent en Asie, le plus souvent en Chine.

Beibu (comprenant Qinzhou, Beihai et Fangcheng) endosse le dossard cette année à la faveur d’un bond de 20 % (4,32 MEVP), allant se loger à l’entrée du Top 20 (21e). Rizhao (3,36 MEVP) et Lianyungang (3,11 MEVP) ont joué précédemment ce rôle d’étoiles filantes et continuent de gagner des positions (+ 11,9 % et 9,5 % respectivement, deux rangs de plus pour Rizhao et plus une place pour le second). Lianyungang aura fait un bond de plus de 30 % depuis 2019.

Les neuf premiers rangs mondiaux sont intouchables. À une exception occidentale près – Los Angeles-Long Beach (9e rang), ils sont tous à l’Est. Six d'entre eux sont des ressortissants chinois (Shanghai, Ningbo, Shenzhen, Qingdao, Guangzhou, Tianjin). Huit sont asiatiques avec le Sud-Coréen et inamovible Busan sur lequel glissent tous les aléas, y compris la baisse de régime de son commerce extérieur et le port de la cité-État de Singapour. Le numéro deux mondial ne parvient toujours pas à combler l'écart qui le distance de la Ferrari portuaire mondial, Shanghai.

Toute puissante Asie du Sud-Est

Sur les 30 places portuaires, 11 sont raflées par la toute-puissance Chine. L'élargissement à l'Asie du Sud-Est les portent à 24 au total. Outre Singapour et Busan en Corée du Sud, les malais Port Kelang (7,1 MEVP), qui gagne trois places pour se fixer à la 11e, et Tanjung Pelepas (5,9 MEVP), qui fait son entrée parmi les 15 premiers mondiaux, sont des concurrents de plus en plus redoutables. Il faut aussi composer avec Laem Chabang (4,6 MEVP) en Thaïlande, Kaohsiung à Taïwan, Mundra et Nhava Sheva en Inde, Columbo au Sri Lanka, Jakarta en Indonésie et Ho Chi Minh et Cai Mep au Vietnam, ces derniers profitant à plein des effets de la relocalisation en proximité de la Chine. Cependant, il faudra attendre la confirmation car les ports indiens, vietnamiens et sri-lankais n’ont pas encore communiqué des résultats consolidés (le deuxième trimestre en attente).

Les onze premiers ports chinois ont totalisé 161,8 MEVP au cours du premier semestre (contre 149,8 MEVP l’an dernier à la même époque). La poussée de 8 % fait suite à deux années anémiques au cours desquelles les volumes traités n’avaient augmenté que de 4,8 % sur les six premiers mois 2023 et de 3 % en 2022 en raison de la politique stricte zéro Covid observée par le pays.

Toutefois, l’essoufflement chinois est notable depuis la pandémie. Les croissances éclatantes à deux chiffres s’éclipsent au sein des ports établis, excepté pour le numéro quatre mondial, Shenzhen (encore + 14,9 %, 15,5 MEVP), Beibu (+ 20 %), Rizhao (+ 11,9 %). En Asie, seuls Tanjung Pelepas (+ 18,5 %) et Laem Chabang (+ 10 %) s’offrent une embardée.

Septième année consécutive de baisse pour Hong Kong

La Chine a aussi accueilli les deux seuls ports du top 30 à déclarer officiellement des pertes de volumes au cours de la période. À Xiamen, ils sont en baisse de 4 %, avec une accélération (de la chute) au cours du deuxième trimestre. Quant à Hong Kong, c'est une nouvelle disgrâce. L'ex-premier port mondial destitué par Shanghai il y a 20 ans, ex-star international au firmament en 2007 quand il traitait 27 MEVP, aura perdu un tiers de son trafic de conteneurs au cours de la dernière décennie. Il n’en finit plus de sombrer (- 5,4 %, 6,7 MEVP). Il se trouve exfiltré des dix premiers pour finir à la 13e rangée, au profit de l’émirati Dubaï (Jebel Ali). Le seul représentant du Moyen-Orient dans ce panorama ferme le cercle du top 10 grâce à une croissance de près de 4 % des volumes manutentionnés (7,3 MEVP).

Avec ses 6,7 MEVP, Hong Kong se retrouve coincé entre Rotterdam, qui le menace sérieusement avec seuls 103 000 EVP d'écart et Anvers.

Singapour talonné par Ningbo-Zhoushan

Shanghai reste le leader incontesté depuis plus d’une décennie. Avec ses 25,5 MEVP, il distance de plus de 5 MEVP son challenger, Singapour (20,2 MEVP) mais leur niveau de croissance sont comparables, de 7,5 % et 6,4 %. Ce dernier est de plus en plus talonné par Ningbo-Zhoushan (19,1 MEVP). Il y a un peu plus de 1 MEVP qui les séparent. Toutefois, la croissance du numéro trois mondial est plus robuste (+ 8,3 % contre + 6,4 % pour le numéro deux). Implanté au sud de Shanghai, Ningbo profite du rayonnement de ce dernier. Depuis 2019, il s’est distingué par une progression de plus de 30 %.

De même, il y a l’épaisseur d’un trait entre Shenzhen et Qingdao, les quatrième et cinquième ports mondiaux. Seuls 360 000 EVP les distinguent. Mais la croissance de Shenzhen, parmi les plus fortes au sein de la hiérarchie chinoise (près de 15 %), est supérieure de près de 7 points. Qingdao était le numéro huit mondial il y a moins d’une décennie. Il est aussi monté en puissance à la faveur de la perte de puissance de son adversaire.

Où sont les ports occidentaux ?

L’avenir portuaire se débrouillera très bien sans des représentants européens, écrivait-on il y a quelques mois. Le caractère immuable cimente dans le marbre le classement. Les manifestations de l’âge pour les places européennes matures sont devenues des baromètres impitoyables. Les trois Européens du range nord (Rotterdam, Anvers-Bruges, Hambourg) perdent chaque année un peu plus de leur lustre d'antan, lentement comme un supplice chinois. Avec 6,8 MEVP, le port néerlandais passe du 11e au 12e niveau et le port belge du 13e au 14e avec 6,6 MEVP en dépit d’une reprise (+ 2,4 % et + 4,5 %) en contraste avec l’an dernier où ils avaient sévèrement dévissé : - 8,2 % pour Rotterdam, - 5,2 % pour Anvers.

En revanche, le retour de la croissance se fait attendre pour le port allemand (3,7 MEVP, - 1,2 %), cédant deux rangs pour se contenter désormais du 23e numéro. C’est toutefois mieux qu’il y a un an où ses volumes avaient chuté de 11,7 %. L’an dernier, le trafic conteneurisé s'était détérioré de 12 % en moyenne sur l’ensemble du range Nord.

Inutile de chercher les ports français, dont le premier fait à peine 1,5 MEVP. Il se situe vers la 75e place (selon Dynamar) tandis que Marseille tient le 124e rang.

Outre-Atlantique, droit devant

Tout aussi matures, les deux ports jumeaux aux portes d’entrée américaines versant ouest et est (Los Angeles/Long Beach ; New York/New Jersey) détonnent par leur performance : + 14,7 % et + 12,6 %, respectivement, avec 9 MEVP et 4,2 MEVP. Ils ont bénéficié au cours du premier semestre des effets d’anticipation dans les commandes des grands détaillants américains eu égard au déroutement massif de la flotte de porte-conteneurs vers le cap de Bonne Espérance pour éviter le canal de Suez où les Houthis menacent les navires marchands à l’aide de tirs et de missiles en soutien au Hamas palestinien en guerre contre Israël.

Les chargeurs craignent aussi la possible introduction de nouveaux droits de douane dans la perspective d’un retour de Donald Trump à la Maison Blanche et plus encore les mouvements sociaux alors que les négociations pour le nouveau contrat régissant le travail des dockers de la côte Est et du Golfe s’enlisent. Ils s’organisent donc en conséquence pour ne pas manquer de stock alors qu’un tunnel de fêtes commerciales rythme le dernier trimestre.

Inde, future Chine ?

Les données du deuxième trimestre manquent. Mais selon Alphaliner, le port indien de Mundra et Colombo se disputent la 24e place. L'an dernier, ily avait à peine 13 000 EVP qui les distançait. La tête de série indienne avait alors gagné deux places au détriment du Sri-Lankais (7,2 MEVP). Toutefois, ce dernier était en hausse de 24 % au cours du premier trimestre de l'année, ayant bénéficié des détournements de la mer Rouge et d'une activité de transbordement plus importante. S’il confirme l’essai, il pourrait reprendre son avantage sur le leader indien, dont la progression a été moins rapide (+ 12 %) dans le même temps.

Le seul port africain à figurer dans le top 30 est Tanger Med, qui ne publie pas de chiffres intermédiaires mais gage sur un volume de 9 MEVP cette année. Si cela s’avérait, les volumes du port marocain aurait bondi de 90 % depuis 2019.

Tanger Med avait réalisé en 2023 une percée dans le Top 20, passant du 22e au 19e rang à la faveur d’une progression de près de 14 % et 8,6 MEVP manutentionnés. L’autorité portuaire marocaine déclare même avoir atteint ses objectifs avec quatre ans d'avance.

Les trente premiers ports mondiaux ont enregistré une croissance de 8 % au premier semestre, selon Alphaliner. Nonobstant les données manquantes, ils ont totalisé 216,2 MEVP dont plus de 160 MEVP réalisés par les places chinoises sur un total de peu ou prou 750 MEVP (selon Dynamar) enregistrés par les ports à conteneurs.

Selon les sources, les données sur le volume mondial diffèrent. Avérées sont en revanche les tendances à une croissance plutôt molle et à une fragmentation de cette dernière. Elle demeure accaparée par les grands ports chinois qui, en dépit de tous les discours sur la réorientation de la chaîne d'approvisionnement et sur la diversification du sourcing (pourtant réelles) pour réduire la dépendance du monde à l'égard de l'usine du monde, ne sont pas ébranlés. Quant Moyen-Orient, les efforts pour diversifier leurs économies font le jeu du commerce conteneurisé.

Adeline Descamps

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