Le cinquième transporteur mondial de conteneurs prend goût à la manutention portuaire. Après être entré au capital du groupe italien de logistique Spinelli qui exploite notamment le Genoa Port Terminal (580 000 EVP/an) et d’autres terminaux italiens, l’armateur allemand avait mis la main sur l’ensemble des activités portuaires et logistiques du groupe SAAM (filiales Ports et Logistics) implanté en Amérique centrale et du Sud où il exploite 10 terminaux ayant traité 41 Mt et 3,3 MEVP en 2021 (dernières données disponibles).
Cette fois, Hapag-Lloyd s’attaque au marché en forte croissance qu'est l'Inde dont l’activité industrielle a été particulièrement résistante l’an dernier au point de contraindre le pays à doubler ses imports de charbon pour alimenter ses centrales qui représentent encore plus de 70 % de la production nationale d'électricité. Même si le gouvernement indien a récemment abaissé ses prévisions de croissance économique pour l'année fiscale (qui démarre en avril) à 7 %, le pays reste l'une des économies les plus dynamiques du G20.
Une transaction de 350 M$ ?
Son annonce a été noyée sous le tsunami de celle de la rupture du partenariat commercial qui lie MSC et Maersk depuis huit ans. Mais Hapag-Lloyd a signé le 25 janvier un accord qui, sous réserve des autorisations réglementaires, lui permettrait d’acquérir d’une part 35 % des parts que détenait la société de capital-investissement Bain Capital Private Equity dans JM Baxi Ports&Logistics (JMBPL), l’opérateur portuaire fondée en 1947 par le groupe centenaire JM Baxi. D’autre part, l’armateur a acté avec l'actionnaire majoritaire (60,8 %) – les descendants des fondateurs de la société, la famille Kotak –, une augmentation de capital qui va porter sa participation à 40 %.
Aucun détail sur le montage de l’opération n’a été communiqué. Mais la presse indienne évoque une transaction de l’ordre de 350 M$ tandis que Bain Capital a acquis sa participation de 39,2 % en 2021.
JM Baxi Ports & Logistics est l'un des principaux opérateurs privés de terminaux et de services de transport intérieur en Inde. Dans son portefeuille d’actifs, des terminaux à conteneurs (Kandla, Haldia, Visakha, Tuticorin, Nhava Sheva, Mumbai), des dépôts de conteneurs et des centres de groupage (Mumbai, Visakha), un terminal polyvalent (Paradip Multipurpose Clean Cargo Terminal), des installations pour le vrac sec, des ports secs (Delhi notamment) et des services ferroviaires. La société emploie environ 5 400 personnes et ses activités conteneurs représentent un volume consolidé de 1,6 MEVP.
Hapag Lloyd se retrouve ainsi actionnaire d’un groupe qui a emporté en août avec CMA CGM, la concession pour trente ans du terminal de Nhava Sheva dans le premier port à conteneurs du pays suite à l’appel d’offres lancé par Jawaharlal Nehru Port Trust (JNPT). Toutefois, l'installation, rebaptisée Nhava Sheva Freeport Terminal (NSFT), sera exploitée en tant qu’infrastructure qui ne sera pas exclusive aux porte-conteneurs de CMA CGM et/ou à ses partenaires au sein de Ocean Alliance (Cosco/OOCL, Evergreen).
Ancrage à terre
« Les investissements dans les terminaux et les infrastructures sont un élément crucial de notre programme stratégique et l'Inde est l'un de nos principaux marchés de croissance », a indiqué à cette occasion Rolf Habben Jansen, PDG de Hapag-Lloyd, en écho aux propos formulés lors de l’acquisition du groupe SAAM. « L’investissement dans les infrastructures de terminaux est un élément clé de notre programme stratégique, et l’Amérique latine est l’un de nos marchés forts ».
Le transporteur allemand est à marche forcée sur les quais où il était jusqu’à présent peu implanté à l’exception d’une participation minoritaire de 25,1 % dans le Container Terminal Altenwerder (CTA), l’un des trois terminaux de Hambourg qu’exploite HHLA, un des deux grands manutentionnaires allemands.
Mais ces derniers temps, il y a placé une partie de ses bénéfices. La plus emblématique des opérations reste sa prise de participation de 30 % en 2021 dans le terminal de Jade Weser à Wilhelmshaven, aux côtés de l’autre grand manutentionnaire allemand Eurogate. Il est déjà associé à Eurogate/Contship à Tanger (40 % + une action), où depuis fin 2019, il détient 10 % du terminal Tanger Alliance (TC3), le quatrième terminal de Tanger Med, aux côtés de Marsa Maroc (50 % + une action).
Et c’est toujours aux côtés du groupe portuaire allemand qu’il s’est engagé pour exploiter et gérer pendant trente ans un terminal à Damiette d’une capacité de 3,3 MEVP. La concession leur a été attribuée en mai 2022 pour mise en service est prévue en 2024. L'emplacement du nouveau terminal le placera d’ailleurs en concurrence directe avec le terminal à conteneurs Suez Canal Container Terminal (SCCT), en service depuis 17 ans, dans lequel APM Terminals, filiale de Maersk, détient 55 % du capital aux côtés de Cosco (20 %).
Adeline Descamps