8,025 milliards de tonnes en 2022. 7,997 milliards en 2013. Cherchez l’erreur. « Le monde est proche d'un pic dans l'utilisation des combustibles fossiles, le charbon étant le premier à décliner, mais nous n'en sommes pas encore là », pondère Keisuke Sadamori, directeur des marchés de l'énergie et de la sécurité l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui vient de publier le rapport Coal 2022. La croissance de la demande de charbon devrait rester stable jusqu'en 2025 « car les déclins sur les marchés matures sont compensés par une demande robuste continue dans les économies asiatiques émergentes ».
La Chine est de loin le plus grand pays consommateur de charbon, avec 53 % de la demande mondiale. Le rapport China Energy Outlook 2060, publié par Sinopec, prévoit que la consommation d'énergie primaire de la Chine atteindra un pic d'environ 6,03 milliards de tonnes (Mdt) de charbon entre 2030 et 2035, pour redescendre à environ 5,6 milliards en 2060.
Une offre en hausse de 5,4 % en 2022
L'offre, quant à elle, devrait également se stabiliser jusqu'en 2025. Selon des données partielles de fin d’année, la production mondiale de charbon aura augmenté de 5,4 % pour atteindre 8,318 Mdt en 2022, « bien au-dessus du record établi en 2019 », indique l'AIE. D'ici 2025, elle devrait se stabiliser autour de 8,221 milliards de tonnes, reflétant les considérations selon lesquelles la production de charbon de la Chine plafonnera dans les années à venir, relayée par l’Inde. En revanche, l’Agence gage sur d'importants déclins dans d'autres régions, notamment aux États-Unis, dans l'Union européenne, en Indonésie et en Russie.
Si les chiffres sont confirmés, les trois plus grands producteurs de charbon au monde – la Chine, l'Inde et l'Indonésie –, auront enregistré en 2022 des records de production.
Facteur géopolitique
Indéniablement, la géopolitique a joué en faveur du commerce du charbon en 2022. Les seules importations de l'Allemagne (38 Mt) ont permis à ce pays de dépasser la Turquie (36 Mt) et de devenir le plus grand importateur en dehors de la région Asie-Pacifique, qui représentait 79 % des importations mondiales du fossile.
L'AIE estime à 1,351 Mdt les importations de charbon en 2022, dont 1,035 milliard de charbon thermique (celui servant à produire de l’électricité). Elles devraient se contracter à 936 Mt en 2025, la Chine et l'Inde réduisant leur dépendance à l'égard des importations et l'Union européenne abandonnant la production d'électricité à partir du charbon. Les importations diminueraient alors de 45 Mt (56 %) dans l'UE, de 27 Mt (18 %) en Inde et de 24 Mt (17 %) au Japon.
L’Inde, facteur d’ajustement de la demande
Pour autant, les compagnies indiennes d'électricité ont déjà annoncé qu’elles allaient augmenter leurs importations de charbon cette année pour faire face à la hausse de la demande. L'année 2022 a été marquée par des températures extrêmes et l’engorgement des ports qui ont perturbé l'approvisionnement en charbon national. En Inde, les centrales au charbon représentent encore plus de 70 % de la production nationale d'électricité
Les importations de charbon par les services publics indiens avaient plus que doublé entre avril (début de l’année fiscale en Inde) et décembre pour atteindre 42 Mt et cela, malgré une augmentation de 11,9 % de l'approvisionnement en charbon domestique. Les achats supplémentaires de l'Inde sur le marché mondial, où elle s'approvisionne pour près d'un quart de son charbon, pourraient également soutenir les prix mondiaux du charbon, qui ont atteint un niveau record en juin, principalement en raison d'un hiver européen plus chaud que prévu.
La production nationale record de charbon en Inde a permis de deserrer l’étau sur les stocks dans les centrales électriques. Mais avec une moyenne de 12 jours d'approvisionnement à la fin de 2022, contre neuf jours au début de l'année fiscale actuelle en avril dernier, ils restent encore bien inférieurs aux directives fédérales qui recommandent un approvisionnement d'au moins 24 jours pour se prémunir contre un black-out que l'Inde a déjà éprouvé en octobre 2021, le pire épisode depuis six ans et demi.
Alors que le gouvernement a récemment abaissé ses prévisions de croissance économique pour l'année fiscale en cours à 7 %, l'Inde reste l'une des économies les plus performantes du G20 et son activité industrielle a généré des hausses d'environ 14 % de la production d'électricité en novembre et décembre, contre une croissance annuelle moyenne de 9,6 %, selon les données du gouvernement.
Deux évolutions fondamentales
En revanche, en dehors de la Chine, de l'Inde, du Japon et de la Corée, les importations de charbon thermique en Asie devraient augmenter de 29 Mt pour atteindre 231 Mt d'ici 2025, tirées par le Vietnam, les Philippines et la Malaisie.
« Jusqu'en 2025, deux évolutions fondamentales vont façonner le commerce mondial. Premièrement, les pays, en particulier en Europe, s'adapteront à la crise énergétique actuelle, la surmonteront et reviendront sur leur trajectoire d'élimination progressive du charbon. Deuxièmement, les efforts continus de la Chine et de l'Inde pour sécuriser leurs approvisionnements énergétiques conduiront à une hausse de la production intérieure et à une baisse des importations. »
A.D
