Aux termes de 13 mois de négociations, des périodes alternant coups de freins, sorties de route et pointes d’accélération, la Pacific Maritime Association (PMA), qui représente quelque 70 exploitants de terminaux dans les 29 ports de la côte ouest-américaine, et l'International Longshore and Warehouse Union (ILWU), ont convenu d’un accord cadrant les conditions de travail des 22 000 dockers.
Ces derniers jours, les relations semblaient tellement tendues – interruptions de travail, opérations de ralentissement de l’activité –, que tous les observateurs pariaient sur un enlisement de la situation « à la façon 2014-2015 », en référence à un très long et éprouvant rapport de force.
Échaudés par la situation de grand chaos pandémique et à l’approche de la haute saison – ce long couloir commercial qui mène aux fêtes de fin d’année –, la National Retail Federation (NRF), qui représente notamment les grands distributeurs américains Walmart, Target, Home Depot, et la National Association of Manufacturers, avaient fini par solliciter le 5 juin une médiation au plus haut niveau de l’État.
Augmentation de 32 % d'ici à 2028
Le texte doit encore être ratifié mais un accord de principe a été annoncé par le syndicat des travailleurs. La nouvelle convention collective, qui prend le relais de celle qui a expiré le 1er juillet 2022, sera signée pour six ans.
Les détails sur les termes de l’accord ne sont pas disponibles mais selon le Wall Street Journal, les dockers ont obtenu une augmentation de 4,62 $ de l'heure la première année, soit l'équivalent d'une augmentation de salaire de 10 % (le salaire annuel moyen d’un docker à temps plein a été de 211 000 $ l’an dernier, avantages compris), puis de 2 $ de plus l'heure chaque année suivante, soit une augmentation cumulée de 32 % d’ici 2028. Elle sera valable de façon rétroactive (à compter de juillet 2022 donc).
Une « prime de héros »
Le syndicat a par ailleurs obtenu une « prime de héros » unique de 70 M$ pour avoir travaillé pendant la pandémie. Dans une déclaration précédant les mouvements sociaux, le président de l’ILWU, Willie Adams avait opposé « les revenus astronomiques » de « 510 Md$ » dégagés par les membres de la PMA pendant la pandémie tandis que l’épidémie s’est matérialisée par des « pertes humaines ».
Une respiration pour les ports ouest-américains
L'accord permet d'éviter les perturbations de la haute saison alors même que la consommation semble vouloir repartir outre-Altantique, le chaland américain étant moins impacté par l’inflation que son homologue du Vieux Continent.
Les enjeux sont importants, Los Angeles et Long Beach sont historiquement les portes d’entrée américaines pour le fret conteneurisé. Or, durant la pandémie, l’engorgement des places portuaires de l’Ouest était tel que les flux ont déserté vers la côte Est et ont notamment profité à New York-New Jersey, qui a délogé Los Angeles en tant que premier port conteneurisé du pays.
Gene Seroka, le patron du port de Los Angeles, a manifesté ses inquiétudes, à chaque présentation des résultats de trafic, quant à la capacité de recouvrer l'intégralité des volumes évadés.
Pour autant, le port californien a retrouvé des couleurs en mai, traitant 409 150 EVP à l’import, en hausse de 19 % par rapport à avril et de 64 % par rapport au creux récent de mars.
Selon le dirigeant, le port de Los Angeles fonctionne actuellement à 70 % de sa capacité et il attribue la moitié du manque à gagner au transfert de marchandises vers la façade Est et le Golfe du Mexique du fait des troubles sociaux.
Actuellement, 58 porte-conteneurs en provenance d'Asie sont en route vers les ports de Los Angeles et de Long Beach. C’est douze de plus qu’il y a un mois.
L'accord qui va permettre de restaurer les conditions d’exploitation sur la côte ouest est vécu avec d’autant plus de soulagement que les conditions de sécheresse qui affectent le canal de Panama rendent plus difficile et plus coûteux (surtaxe) le transport depuis la Chine vers les ports alternatifs de la Côte Est.
Les dernières données disponibles sur les taux de fret de l'Asie de l'Est et de la Chine vers les États-Unis indiquent un nouvel recul (de 9 % par exemple sur la côte Ouest) après un rebond la semaine dernière, que Freightos, la plateforme de fret en ligne, attribue à une combinaison de quatre facteurs : l'augmentation des GRI en juin, les blank sailing, les perturbations dans les ports américains et la surcharge Panama.
Adeline Descamps
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