Anvers-Bruges est bien parti pour une année 2023 en déficit de trafics

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Terminal MEPT à Anvers

Le terminal MEPT est exploité par MSC et le manutentionnaire de Singapour PSA. L'armateur de porte-conteneurs en a fait son hub européen.

Crédit photo ©port d'Anvers-Bruges
Le deuxième port européen a soldé les neuf premiers mois de l'année sur des volumes en repli dans tous les segments, à l'exception du trafic de voitures neuves, point fort du port belge. Il confirme donc la tendance au recul marqué des flux dont a déjà témoigné Rotterdam, le leader portuaire de la range Nord.
 
   

Il y a un an, à la même époque, tous les flux de marchandises étaient en croissance, en dépit des tensions géopolitiques, du ralentissement économique et du contexte énergétique, à l’exception du conteneur, durablement déprimé.

Pour les neuf premiers mois de l’année, tous les segments s'inscrivent cette fois en déficit, excepté le trafic de voitures neuves (2,67 millions d’unités, en hausse de 12,6 %), seul ilot de croissance dans un trafic ro-ro en semi-stabilité (- 0,9 %, 16 Mt), le point fort des ports belges.

À vrai dire, le port d’Anvers accumule les exercices négatifs après avoir bien résisté en 2020 et en 2021 (+ 4 %) à toutes les turbulences. Et sans la fusion avec le premier port roulier en Europe, Zeebrugge, les résultats seraient plus décevants encore.

Contraste à période comparable entre 2022 et 2023

Il y a un an, à la même période, l’entité fusionnée avait enregistré un trafic total de marchandises de 217,4 Mt, en faible croissance certes (+ 0,8 % par rapport à la même période de l'année dernière), cependant au-dessus du seuil qui sépare la contraction de la croissance.

En dehors de la sous-performance du conteneur, qui souffre depuis le deuxième trimestre 2021, dernier résultat en croissance (+ 2 %), les autres trafics portaient haut, certains avec des progressions à deux chiffres.

Chute sévère depuis le début de l'année

La chute est sévère cette année avec un trafic général en baisse de 6 %, à 204 Mt. Mêmes causes, mêmes effets.

Les facteurs cités l’an dernier – incertitude économique entretenue par les points de tensions géopolitiques, inflation persistante des prix à la consommation et de l’énergie –, restent valables. Mais les impacts ne sont plus du tout comparables.

Ces paramètres, qui avaient reconfiguré le sourcing et les flux l’an dernier, avaient profité à tous les segments : le vrac sec (+ 21,5 %,13,2 Mt) dopé par les flux de charbon thermique (celui qui sert à la production de l’électricité), les vracs liquides (+ 13,3 %, 68,2 Mt) propulsés par le GNL, un trafic phare à Zeebrugge, dont les échanges en forte croissance (+ 66,5 %) reflétaient son statut de palliatif aux combustibles fossiles en provenance de Russie. Ils n’opèrent plus du tout cette année.

Vrac sec : engrais, charbon, minerai de fer, trio infernal

Le vrac sec est en retrait de près de 15 % (- 14,6 %), à 11,2 Mt sur neuf mois. Le trafic d’engrais (en provenance de Russie) est un des poids lourds de la catégorie. Il est concerné par une chute de 24,2 % « mais depuis l'été une tendance à la hausse » est observable et elle « devrait se poursuivre au cours du dernier trimestre », assure le port.

De façon inévitable après un pic, les volumes de charbon reviennent à une réalité plus ordinaire (- 36 %). Le minerai de fer, douloureux trafic subordonné à la demande chinoise, dont l’économie ne redémarre pas, et à son secteur immobilier/BTP, structurellement en très grande difficulté, est lourdement impacté (- 70 %).

Vracs liquides : le salut par le diesel

Les vracs liquides s’enfoncent de près de 3 % (- 2,9 %, 66,2 Mt) mais les combustibles sont amortis par le diesel (+ 42,7 %), ce qui permet à la catégorie de ressortir en croissance de 8,7 % bien que l’essence (-3,7 %), le naphta (-22,7) et le GNL (- 6,7 %) soient défaillants.

Les exportations de produits chimiques (+ 5,4 %) ne compensent pas la baisse de l'offre (- 18,3 %), responsable de trafics en décrochage (- 11,5 %).

« La compétitivité du secteur chimique en Europe est mise à mal par les coûts élevés de l'énergie, des matières premières et de la main d'œuvre, auxquels s'ajoute une faible demande mondiale », indique l'autorité portuaire.

Conteneur : de la déprime à la dépression

Quant au conteneur, le troisième trimestre n’a pas permis, sans surprise, de rattraper la sous-performance du premier semestre avec une contraction de 6,5 % en tonnage (103,1 Mt) et de 6,8 % en EVP (9,5 Mt).

À l’issue des neuf premiers mois de 2022, le trafic roi d’Anvers encaissait déjà une chute de 8,8 % en tonnage (110 Mt) et de 5 % en unités EVP (10,2 MEVP). C’est dire que le segment peine à se rétablir depuis les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement de la période pandémique.

Il reste trois mois pour au mieux ne pas trop s’écarter du dernier niveau annuel enregistré (12,25 MEVP).

« Les préoccupations économiques et géopolitiques actuelles se reflètent dans les chiffres depuis plusieurs trimestres, confirme Jacques Vandermeiren, CEO du Port d’Anvers-Bruges. La compétitivité de l'industrie européenne est mise à mal par les coûts élevés de l'énergie, des matières premières et de la main d'œuvre, auxquels s'ajoute une faible demande mondiale. Les indicateurs ne montrent pas encore d'amélioration dans un avenir proche et le transbordement de conteneurs sera encore affecté au quatrième trimestre par les départs annulés en provenance de l’Asie ».

Même si la part de marché du port a augmenté d'un 1 % sur l'axe Hambourg-Le Havre pour atteindre 30,6 % au cours du premier semestre de cette année, selon les données officielles, « nous devrons nous résigner au fait que 2023 ne sera pas une année exceptionnelle », concède le dirigeant.

Conventionnel/breakbulk : hypervolatilité

Sur une dynamique de croissance depuis plusieurs exercices trimestriels, le fret conventionnel se trouve à nouveau dans de mauvaises dispositions (7,8 Mt, - 18,7 %), témoignant d’une certaine fragilité et/ou grande volatilité.

Les volumes d'acier, prédominants dans ce segment, sont en grande partie responsables puisque ce trafic est en recul de 17,6 %. Ils illustrent à la fois de la baisse de la production d'acier en Europe et de la demande.

Outre le trafic de voitures neuves, sur une trajectoire de croissance depuis la fin de la pandémie, les résultats du ro-ro témoignent de deux réalités : le statut de l’Irlande en tant que hub névralgique pour transporter des marchandises entre deux États membres de l'Union européenne sans passer par le Royaume-Uni (+ 18,5 %) et la dégradation continue des échanges depuis et vers le Royaume-Uni (- 3,8 %).

Trois trimestres marqués par ...

« Malgré la baisse du trafic, le conteneur reste une priorité absolue et nous l'avons prouvé une fois de plus en battant le record de profondeur. Cela renforce notre position de premier port d'escale et nous donne un avantage concurrentiel », défend pour sa part, Annick De Ridder, présidente du conseil d'administration du port.

Le port belge a en effet traité, le 2 octobre, son premier mégamax avec un tirant d'eau de 16 m à l’approche du terminal dont est actionnaire MSC aux côtés de manutentionnaire singapourien PSA (MPET) au Deurganck Dock. Un enjeu stratégique pour le maintien d’Anvers-Bruges parmi les grands ports d’escale. Loin d’être accessoires, ces décimètres gagnés permettent de continuer à accueillir les plus grands porte-conteneurs à l'avenir et à ceux-ci de transporter quelque 1 000 EVP supplémentaires.

Anvers-Bruges avance par ailleurs sur ces projets visant l'importation d'hydrogène et le captage, utilisation et stockage du carbone (CCUS) et le transport de CO2 liquéfié pour lequel la coentreprise Fluxys C-Grid a été lancée en septembre.

Adeline Descamps

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